Vous êtes dans la rubrique > Archives > Peuple

Peuple

Partisan N°277 - Octobre 2014

Le marxisme, c’est pas sorcier

Origine du mot

Populus, le mot latin qui a donné peuple et population, désigne une réalité à géométrie variable. Dans le SPQR des drapeaux romains (senatus populusque romanus : le sénat et le peuple romain), le sénat, composé de nobles patriciens, est au-dessus du peuple. L’armée ne fait pas partie non plus de la population civile. En constitue au contraire la partie la plus nombreuse : la plèbe, l’ensemble des citoyens non nobles. En sont exclus les métèques (du grec metoïkos, mot composé de méta et de oïkos : changement de résidence), les barbares (étrangers) et les esclaves (en principe d’origine étrangère, anciens prisonniers de guerre ; le mot esclave vient d’ailleurs du mot slave).
En grec ancien, plusieurs mots peuvent se traduire par « peuple ». S’ils incluent la notion d’origine commune, c’est ethnos, génos, ou phulon. Pour l’ensemble des citoyens ou des habitants, c’est démos et laos. Pour le bas peuple ou la foule : plèbos, et oxlos. Une réalité à géométrie variable...

Signification

La déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 commence par : « Les représentants du Peuple français... » La révolution bourgeoise remplace la souveraineté absolue du roi par celle du peuple, avec un P majuscule.
Marx, au contraire, semble éviter systématiquement le mot au profit de la notion de classe, et du mot « société ». « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes de classes » (1).
La société actuelle est la « société bourgeoise moderne ». Marx laisse le mot « peuple » aux petits-bourgeois :
« Le démocrate, parce qu’il représente la petite-bourgeoisie, par conséquent une classe intermédiaire, au sein de laquelle s’émoussent les intérêts de deux classes opposées, s’imagine être au-dessus des antagonismes de classe. Les démocrates reconnaissent qu’ils ont devant eux une classe privilégiée, maix eux, avec tout le reste de la nation, ils constituent le peuple. Ce qu’ils représentent, c’est de droit du peuple ; ce qui les intéresse, c’est l’intérêt du peuple. Ils n’ont donc pas besoin, avant d’engager une lutte, d’examiner les intérêts et les positions des différentes classes. Ils n’ont pas besoin de peser trop minutieusement leurs propres moyens. Ils n’ont qu’à donner le signal pour que le peuple fonce avec toutes ses ressources inépuisables sur ses oppresseurs » (2).
Lénine, quant à lui, passe les premières années de sa vie militante (1893-1905) à lutter principalement contre les populistes, les « Amis du peuple ». Il critique leur « point de vue petit-bourgeois » et leur « critique sentimentale du capitalisme » (3).

Les mots qui servent à camoufler

Le mot peuple sert donc beaucoup à camoufler. « Le peuple français » est un terme essentiel du vocabulaire politique bourgeois. On l’entend de la bouche de Marine Le Pen comme de Jean-Luc Mélenchon.
Lorsque la nouvelle bourgeoisie rouge en URSS a commencé à réviser les mots pour achever sa contre-révolution, la dictature du prolétariat est devenue la dictature du peuple tout entier.
Bannir le mot ne précise pas, cependant, la formulation des alliances de classes. « Travailleurs » peut exprimer l’unité du prolétariat, ouvriers et employés, avec la petite-bourgeoisie. De même la réalité impérialiste sera vaincue par une alliance des prolétaires et... des peuples dominés.

Pour en savoir plus

OCML-VP, Plate-forme politique, cahier 3, Les alliances autour de la classe ouvrière. Cahier 2, La révolution est un processus mondial.
- 1) Le Manifeste du parti communiste, chapitre 1.
- 2) Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Ed. Sociales, p. 54.
- 3) Lénine, tome 2, p. 540.

Soutenir par un don