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Grèce : la victoire de Syriza rime avec la défaite du peuple grec

Dans notre déclaration du 6 juillet 2015 (« Victoire du Non au référendum en Grèce : une défaite pour les impérialistes, mais l’alternative reste à construire ! »), nous déclarions : « La victoire du NON est une défaite pour les impérialistes, mais ce n’est pas nécessairement une victoire pour le peuple, qui ne devrait pas voir ses conditions de survie s’améliorer de ce fait. Tsipras espère se servir de ce résultat pour obtenir un peu plus dans les négociations avec les institutions internationales. [...] rien n’est garanti pour le peuple grec s’il ne renforce pas son organisation, sa vigilance et sa mobilisation à long terme pour combattre les plans d’austérité, qu’ils viennent de l’étranger ou qu’ils soient concoctés par le gouvernement grec. Tant que la Grèce restera prisonnière des institutions impérialistes et que son gouvernement cherchera la conciliation, les plans d’austérité ne peuvent que se succéder, la situation du peuple ne peut que s’aggraver. »

Comme nous l’avions écrit, il ne fallait pas donner plus de portée à la victoire du Non au référendum grec qu’elle n’en avait. Comme cela a été vérifié depuis, elle ne garantissait en rien des concessions de la part des impérialistes, ni n’imposait une politique anti-impérialiste au gouvernement Syriza. Tsipras a même capitulé devant les exigences de la Troïka avec une rapidité inattendue, préférant la conciliation à tout prix avec les ennemis du peuple plutôt que de s’appuyer sur la force de celui-ci.

Aujourd’hui, Syriza a réussi à garder de justesse la majorité des siège au parlement grec, mais en étant passé du statut de parti réformiste semeur d’illusions à celui de parti bourgeois semblable à ceux qui l’ont précédé au pouvoir, prêt à soutenir pleinement la politique impérialiste. Le fort taux d’abstention (40%), ainsi que l’échec des listes les plus contestataires (dont Unité populaire, la scission anti-austérité de Syriza), montrent surtout la résignation des masses combatives grecques.

En France, les composantes du Front de Gauche, PCF et Parti de gauche, qui ont porté Tsipras et Syriza aux nues pendant des années, ont une nouvelle fois affichée leur véritable caractère suite à la trahison de leurs comparses grecs.

Le PCF continue à défendre Tsipras contre vents et marées, affirmant qu’en réalité, le gouvernement Syriza n’aurait rien lâché, qu’il continuerait à défendre une ligne dure anti-austérité, etc. Cette position n’est pas surprenante. Le PCF lui-même est un parti bourgeois de gouvernement, habitué à la contestation molle lorsqu’il est dans l’opposition, mais qui applique les "politiques d’austérité" dans les communes qu’il dirige, ou lorsqu’il participe à un gouvernement aux côtés du PS. Entre semblables, le PCF et Syriza se soutiennent. Pour le PCF, puisque les grands partis de droite européens souhaitaient la défaite de Tsipras, alors sa victoire est la défaite de la droite  ! En fait les grands partis bourgeois européens souhaitaient au contraire le maintien d’un Tsipras normalisé, pour des raisons de stabilité politique. Ils le considèrent au final comme plus apte à maitriser la colère du peuple Grec que le parti de droite Nouvelle Démocratie... tout le rôle d’un Mitterrand en 1981 !

Le Parti de gauche désapprouve le changement de cap de Syriza, mais considère que Tsipras reste un ami qui se trompe et qu’il y aurait moyen de le faire revenir sur ses concessions à la Troïka en lui mettant une pression sur sa gauche. C’est pour cela qu’il a décidé de s’allier avec Unité populaire, la scission de la gauche de Syriza qui a refusé le revirement de Tsipras, et avec Yannis Varoufakis, ministre des finances grec démissionnaire. Le parti de Mélenchon veut encore « changer l’Europe dans les règles du jeu de l’Europe » en en changeant le contenu pour en faire une structure démocratique et au service des peuples. Pure illusion ! Le PG agite des illusions réformistes petite-bourgeoises , exactement les mêmes qu’avait promu Tsipras avant son revirement, avec le même échec inévitable au bout du compte. Mais il cherche aussi à se doter d’un « plan B  » qui aurait fait défaut à Tsipras selon eux, qui consiste en un retour à des monnaies nationales et une monnaie commune, censée restituer au peuple sa « souveraineté » et une marge de manœuvre politique, au cas où la réforme de l’UE et de l’Euro ne seraient pas possibles.

Tous les discours à propos d’une possibilité de « Changer l’Europe », sont une pure illusion. Même si l’Union européenne était demain pûrement et simplement abolie, toute tentative de construire une Europe « démocratique » et « au service des peuples » est vouée à l’échec tant que dans chaque pays, c’est toujours la dictature du Capital qui règne, même sous couvert de démocratie bourgeoise. La raison d’être de l’Union européenne, c’est l’alliance entre les grands monopoles impérialistes européens dans la concurrence internationale. Les peuples d’Europe pourraient donc construire une Europe « à eux » en passant par-dessus la tête de ces monopoles qui garderaient tout leur pouvoir à l’échelle de leurs pays respectifs ?

Refuser de s’illusionner sur le compte de l’Union européenne, cela ne signifie pas que les Communistes doivent adopter une position chauvine. En plus du Front national, tout un tas de courants politiques, issus de tous les partis du spectre politique bourgeois, et même des courants qui se réclament du communisme, défendent une position « souverainiste » tout simplement chauvine. C’est d’abord le cas de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier se prétend internationaliste, mais sa spécialité est de concentrer ses attaques sur l’Allemagne en évitant toute critique de l’impérialisme français. Il n’hésite pas à répéter les préjugés les plus vulgaires vis-à-vis du peuple allemand, préjugés dignes du « bourrage de crâne » nationaliste de la Première Guerre Mondiale.

Le souverainisme n’est pas moins illusoire que de "changer d’Europe". Avant l’UE et l’Euro, le peuple n’avait pas plus d’influence sur la politique nationale qu’il n’en a aujourd’hui. Et parce que dans la bouche des souverainistes, le concept de « peuple » regroupe l’ouvrier et le petit-patron, le cadre et le chômeur, confond exploiteurs et exploités. Pour ces souverainistes, à part contre une poignée de politiciens et de grands patrons, il n’y a pas de lutte de classe. Un retour à la « souveraineté populaire » ne peut signifier, dans un cadre de démocratie bourgeoise, sous une 5e ou une 6e République, que vouloir remettre le pouvoir entre les mains d’autres bourgeois.

Pour le prolétariat de France, la seule souveraineté qui vaille n’est pas dans le cadre national mais dans l’indépendance de classe !

La solution n’est ni dans les illusions vis-à-vis de l’Union européenne, ni dans le repli chauvin. Elle se trouve dans la solidarité internationale des peuples et des prolétaires ; elle se trouve dans l’organisation indépendante des masses, sans tomber dans le piège de l’électoralisme ; elle se trouve dans l’élaboration d’un programme de lutte et d’un programme révolutionnaire clair, concrétisé dans un nouveau parti communiste. En Grèce, des militants et des organisations communistes révolutionnaires y travaillent. En France, c’est autour de ces clarifications politiques que l’OCML-VP propose de construire l’alternative à la barbarie rampante du capitalisme.

OCML Voie Prolétarienne, le 22 septembre 2015

La déclaration en anglais : ICI

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