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Sabra et Chatila : le sionisme c’est la guerre
Pour le Parti N°52 - Octobre 1982
Pendant trois jours et trois nuits suivant les témoins oculaires, des mercenaires amenés sur place, protégés et armés par Israël se sont livrés à l’effroyable boucherie que l’on sait dans les camps palestiniens de Beyrouth, laissés sans défense par le départ des combattants contre promesse de la protection des troupes françaises et U.S. Depuis, une gigantesque bataille se livre, mobilisant journaux, radios, télés, etc. pour blanchir Israël et le sionisme.
Alors que les Palestiniens sont massacrés par milliers, Monsieur Mauroy nous met en garde contre... l’antisémitisme ! Il s’agit pour lui d’essayer d’enrayer le développement de l’antisionisme dans les masses en pratiquant l’amalgame odieux et bien connu : antisioniste = racisme anti-juif = antisémitisme. Il s’agit de « faire la part du feu » et de disculper Israël et le sionisme.
On nous dit que ces massacres n’ont pas été le fait des soldats israéliens eux-mêmes. Israël n’aurait qu’une responsabilité « passive » et non « active ». Belle nuance. Mais comme chacun sait que l’armée israélienne a transporté les troupes, armé les bras des assassins, encerclé les camps, tout vu, tout su, tout permis, l’argument fait long feu.
Les plus habiles mettent en avant un autre raisonnement. Ils reconnaissent l’évidence, la responsabilité d’Israël. Mais ce serait une « faute », une « bavure », un « crime » dû à la politique particulière d’hommes particuliers, MM. Sharon et Begin, dont on réclame la « démission ». Ainsi Israël serait purifié de ses « mauvais éléments ». D’ailleurs on nous répète qu’au fond Israël est un pays si « démocratique » (demandez voir aux Palestiniens qui y vivent encore !) qu’il n’est pas lui-même en cause.
Curieux d’attaquer ce Begin que, il y a peu, tous ces messieurs encensaient quand il était nommé « prix Nobel de la paix » avec son compère Sadate !
Curieux de parler d’accident, de bavure. Israël envahit le Liban, rase des villes entières, Tyr, Saïda, Beyrouth, faisant des milliers de morts, ça ce n’était pas condamnable, on n’en parle plus. Si maintenant on s’émeut, c’est parce que Israël est allé « trop loin ». Une fois l’OLP vaincue à Beyrouth, Israël devait s’arrêter. Telle était du moins l’avis des impérialistes qui veulent amener les Palestiniens à rabaisser leurs exigences, abandonner l’objectif d’une Palestine laïque et démocratique, mais doivent aussi ménager les bourgeoisies arabes, leurs alliées. Alors massacrer les Palestiniens et les Libanais, ça va jusqu’à une certaine limite. Après ça devient « trop », une « bavure », le geste d’un fou (Begin n’est « fou » que par rapport aux intérêts politiques impérialistes).
Pourtant les massacres de Sabra et Chatila n’ont rien d’exceptionnel. Les massacres sont même tout à fait « normaux » dans la logique sioniste. Non seulement, comme nous venons de le dire, dans le cours de la guerre du Liban. Mais encore dans toute l’histoire du sionisme, qui est l’histoire de l’extermination du peuple palestinien.
Nous renvoyons à ce sujet au très bref résumé historique de PLP N°50. Il faut absolument intervenir dans le grand combat qui se mène actuellement pour canaliser l’émotion, l’indignation qui s’est répandue dans les masses, vers le soutien à une forme « raisonnable » du sionisme. Nous devons, nous, la faire mûrir en antisionisme. Il ne peut pas y avoir de soutien conséquent au peuple palestinien autre que le combat antisioniste. Tout le reste n’est que larme de crocodile, au mieux humanisme inefficace, au pire, et le plus souvent, hypocrisie honteuse.
Le sionisme ce n’est pas une cause juste. La contrepartie donnée aux juifs par les bourgeoisies impérialistes repentantes de « l’holocauste » nazi dont elles partagent la responsabilité. C’est l’histoire de l’expropriation par la force la plus brutale des Palestiniens, l’histoire de l’extermination du peuple palestinien qui résiste, l’histoire d’un génocide. Rappelez- vous donc les protestations indignées des bien-pensants quand, à propos d’Israël, on prononçait le mot d’Oradour, de fascisme, etc. C’était parait-il, « galvauder le langage ». Il n’y a pas d’extermination des Palestiniens, il n’y a que des « bavures » n’est-ce pas ?
Ce qui s’est passé à Beyrouth était largement prévisible. Depuis les débuts du sionisme jusqu’à aujourd’hui, l’histoire est la même : la terreur comme moyen de résoudre « le problème palestinien ». En 1948 : Deir Yassine : « la méthode Deir Yassine » fut la plus courante. Les 254 personnes (femmes, enfants, vieillards compris) de ce village palestinien furent massacrées par l’Irgoun, organisation terroriste commandée par Begin. « Après le massacre de Deir Yassine, une grande peur s’empara des Arabes, qui quittèrent le pays convoi derrière convoi » (Weisman). « La légende de Deir Yassine nous aida en particulier à sauver Tibériade et conquérir Haïfa... toutes les forces juives se mirent à avancer comme un couteau s’enfonce dans du beurre. Les Arabes se mirent à fuir en criant « Deir Yassine » » (Begin 1953). Massacre qui fut le premier d’une longue série jusqu’à ceux, cent fois plus meurtriers, progrès oblige, du Liban aujourd’hui ». (PLP n°50).
En 1982 : Beyrouth dont il faut faire partir les Palestiniens par la même terreur. Et entre temps des centaines de villages rasés, des milliers de massacres, l’expansionnisme sioniste. Tout cela avec l’approbation, le soutien, le consentement des forces impérialistes.
Regardez l’invasion du Liban par Israël. Qui arme Israël ? Les USA. Qui est chargé de défendre la frontière au Sud-Liban ? Les forces « d’interposition » de la FINUL (ONU), essentiellement françaises qui ne tirent pas un coup de fusil. Les sionistes rasent Tyr, Saïda, Beyrouth : personne ne bronche ! Qui s’occupe ensuite du désarmement des Palestiniens : les forces françaises, US, italiennes. Elles ont obtenu ce désarmement parce que les Palestiniens voulaient arrêter la destruction systématique de Beyrouth devant laquelle les impérialistes ne bronchaient pas et en échange de la promesse que ces forces « d’interposition » protégeraient les familles palestiniennes restées dans les camps vidés de leurs défenseurs. Belle protection ! Des officiers français ont déclaré eux-mêmes que ces « soldats de la paix » auront permis « aux troupes israéliennes de rentrer dans les quartiers de Beyrouth-Ouest « vidés » ou « assainis » par l’action de la force d’interposition. Somme toute, le désarmement des lignes de défense palestiniennes, denses, diversifiées et parfois enterrées, inspirées en tous les cas des techniques soviétiques du combat en milieu urbain, a indirectement facilité la pénétration israélienne qui, sans cela, eût sans doute été plus longue et plus meurtrière » (Le Monde 20.9.82). Voilà pour le rôle de « la force tranquille des soldats de la paix » tant vantée par le gouvernement PC-PS : elle n’a concrètement rien fait d’autre que de servir à tromper les Palestiniens, à préparer la route à l’invasion israélienne de Beyrouth-Ouest où se trouvent les camps palestiniens, et donc à préparer les massacres des Palestiniens. Que pouvait-on attendre d’autre des sionistes, puisque pour eux, « l’ordre » c’est Israël, et qu’Israël est fondé sur l’extermination des palestiniens comme le feu vit du bois qu’il réduit en cendres.
Yasser Arafat et les dirigeants de l’OLP ont eu tort de croire dans la promesse des impérialistes. Depuis toujours, directement ou via la couverture de l’ONU, les impérialistes ont soutenu Israël, protestant seulement contre « les excès » et ce qui pouvait trop gêner les bourgeoisies arabes, leurs alliés. Ils ont tort d’y croire encore aujourd’hui, comme de trop se fier aux bourgeoisies arabes, ou à l’URSS.
Mais ceux qui les trompent sont, eux, les complices des criminels sionistes. Et à leur tête le gouvernement PC-PS qui parle de « paix » au Liban, mais ne jure que par la force « d’interposition »... et par Israël. Ils parlent de « paix », mais ne font pas le moindre geste pour désarmer les bouchers sionistes. Pas même celui de rompre les relations diplomatiques et commerciales par exemple. On « s’interpose », c’est-à-dire on met sur le même plan les deux parties en présence, on condamne « toute violence », celle de celui qui extermine comme celle de celui qui lutte contre l’extermination. Bref, on cherche à mettre sur le même plan le voleur et le volé.
Deux conclusions s’imposent :
1. La bourgeoisie, PC-PS en tête aujourd’hui, veut absolument sauver Israël. Dans l’opinion publique cela se traduit notamment par une propagande intense pour falsifier l’histoire d’Israël, repousser toute critique, toute attaque contre Israël au nom de « l’antisémitisme ». D’ailleurs les sionistes et leurs alliés ont tellement besoin aujourd’hui de se poser en martyrs, qu’il leur faut absolument des actes racistes anti-juifs comme ceux de la rue des Rosiers, ou du lycée Carnot. Cela est même leur seule chance pour détourner les masses d’une prise de conscience antisioniste en essayant de démontrer que ce qui domine c’est l’antisémitisme, que toute attaque contre le sionisme est du racisme anti-juif. C’est pourquoi, sans être prophète, on peut prévoir avec une quasi-certitude qu’Israël (ou ses mercenaires ou ses soutiens de droite) provoquera de nouveaux attentats anti-juifs de ce genre. Rien ne peut mieux servir le sionisme : raison de plus pour les condamner. D’avance nous les prévoyons et condamnons.
2. Il ne peut y avoir aucune paix qui ne soit fondée sur la destruction de l’Etat sioniste actuel d’Israël, et la création d’un Etat, laïque et démocratique, pour tous, Juifs et Palestiniens. Toutes les propositions de « paix » du PC-PS du type d’envoyer les forces françaises (ou de l’ONU) au Liban ne sont que de la poudre aux yeux. L’impérialisme français, chassé du Liban après la guerre, doit être empêché d’y revenir. Jamais il n’a soutenu la juste cause palestinienne, ni combattu le sionisme. Jamais aucune force impérialiste n’a empêché Israël de se consolider, au contraire. Démasquons ceux qui parlent de paix et n’agissent pas (alors qu’ils en ont les moyens) pour la paix.
C. PAVEIGNE – Le 23/09/1982
Et si Peres remplaçait Begin ?
Peres est le leader de l’opposition travailliste en Israël. Il pourrait remplacer Begin. Le même genre de « changement » que Mitterrand remplaçant Giscard ! Les travaillistes ont toujours soutenu le sionisme et les guerres sionistes. Monsieur Sharon a lui-même rappelé à Monsieur Pérès qu’il était ministre de la défense quand furent exterminés les Palestiniens du camp Tell-el-Zaatar à Beyrouth, en 1976, par les forces syriennes et phalangistes. Ecoutez ce que dit Monsieur Sharon, un connaisseur : « Ne vous Souvenez- vous pas, M. Pérès, que lorsque vous étiez vous-même ministre de la défense, il y avait une autre affaire, celle de Tell-el-Zaatar, où des milliers de, Palestiniens ont été massacrés ? Je vous défie, M. Pérès, de, nous dire où étalent les officiers israéliens ce jour-là ! ».
Et le commentaire du « Monde » (24.9.82) : « En défiant M. Shimon Pérès de « préciser où se trouvaient certains officiers israéliens au moment où les phalangistes massacraient les Palestiniens de Tell-el-Zaatar », en Juillet et août 1976, alors que M. Pérès était ministre de la défense, M. Sharon a fait une stupéfiante révélation à la Knesset. C’est, en effet, la première fois qu’un responsable de Jérusalem laisse entendre que des officiers israéliens aient pu être mêlés à ce massacre.
Le siège de Tell-el-Zaatar, le plus grand camp de Palestiniens, qui se trouvait dans la partie est de Beyrouth, (secteur chrétien) dura cinquante jours, du 22 juin au 12 août 1976, en pleine guerre civile libanaise.
Le bilan, après des assauts répétés, s’établit à des centaines de morts et plus de 1 000 blessés. Le camp abritait 30 000 personnes. Six mois plus tard, la Croix-Rouge de Genève fit même état de 2 000 Palestiniens « disparus ».
(...) Dès 1976, cependant, les liens entre les Phalanges chrétiennes étalent connus. Le Washington Post, dans une correspondance de son envoyé spécial à Beyrouth en juillet 1976, écrivait, qu’ « Israël serait devenu le principal fournisseur d’armements des forces chrétiennes au Liban ». Il rappelait que des « miliciens chrétiens brandissaient des armes en usage dans les pays de l’OTAN en affirmant qu’elles provenaient d’Israël ». Le journaliste rapportait, d’autre part, les propos d’un diplomate américain qui déclarait : « Puisque les Chrétiens se débrouillent si bien, avec l’aide d’Israël, nous n’avions pas à nous mêler de l’affaire, même si nous osions le faire ».
Oui : « stupéfiantes révélations » pour qui a toujours fermé les yeux, enjolivé le sionisme et camouflé ses crimes, comme « Le Monde ». Ajoutons que le parti de Mr. Pérès est de « gauche » et fait partie de l’Internationale Socialiste comme le PS français qui l’a toujours soutenu. Il a eu pour chefs des Ben Gourion, Golda Meir, etc. qui ont toujours appliqué la politique sioniste.
Non, l’histoire des crimes sionistes ne commence pas à Sabra et Chatila. Elle ne s’éteindra pas avec la démission des Begin-Sharon. Mais seulement avec le sionisme lui-même : il n’a pas de forme raisonnable du sionisme, pas de solution de remplacement en lui-même.