Archives > Loi Devaquet : à l’usine comme à l’école
Loi Devaquet : à l’usine comme à l’école
Tract du 4 décembre 1986
Le tract original à télécharger en fac similé au format pdf
OÙ EN EST LE MOUVEMENT ÉTUDIANT ?
La grève a démarré sur plusieurs axes de refus du projet Devaquet :
. Contre la sélection à l’entrée des facs,
. Pour le maintien des diplômes nationaux,
. Pour des droits d’inscription fixes nationalement et d’un montant limité.
D’une manière plus générale, les lycéens, étudiants refusent une loi qui est la goutte d’eau qui fait déborder le vase des mesures inégalitaires et anti-jeunes : flicage et mesures anti-drogue, code de la nationalité et expulsions des immigrés, sélection et course effrénée à la concurrence, aggravation du chômage et rejet des mesures bidon (TUC, "petits boulots" ...), c’est aussi le ras le bol d’une jeunesse élevée dans les sentiments solidaires et progressistes : de la petite main de SOS Racisme au Band Aid pour l’Ethiopie, en passant par les Restaurants du Cœur.
Mais il ne faut pas non plus se laisser aveugler par cette première apparence, et il faut voir que la lutte manque de clairvoyance, et reste bien superficielle.
Par exemple, des aspects significatifs sont peu relevés :
. la limitation des inscriptions des étudiants étrangers, avec l’exigence d’un niveau plus élevé et le droit de sélection pour chaque faculté.
. la limitation de l’accès des salariés aux études en faculté.
Le rôle de l’école, de l’université n’est que peu abordé, pour savoir ce qu’elle forme, avec quel objectif. La sélcetion est critiquée, mais pas pour quoi elle sert : adapter l’enseignement aux nécessités du capitalisme en crise.
Il est significatif que les forces impliquées dans ce mouvement soient bien silencieuses là-dessus :
l’UNEF-ID, dont les dirigeants sont au PS, reste à une critique superficielle, en cherchant à camoufler la continuité Chevènement/Devaquet,
la LCR ne s’en prend qu’à la droite, demande le retrait du projet, développe sur la démocratie dans la lutte, sans aborder une seconde le contenu de l’enseignement.
Le PC demande "Pour le pays ... des cadres de haut niveau de l’an 2000", l’impérialisme français peut être tranquille !
CE QUE LA DROITE PROPOSE AUJOURD’HUI, C’EST CE QUE VOULAIT CHEVÈNEMENT
Les grandes lignes du projet Devaquet ont déjà été tracées sous la gauche : Le maître-mot de Chevènement, c’était la fabrication d’une "élite républicaine", élite de dirigeants légèrement élargie, avec une masse vouée à être dirigée, précarisée, flexible, disqualifiée.
Pour compléter ce projet, Monory supprimait des postes dans les primaires et dans les collèges, alors que c’est dans ces deux niveaux que l’échec scolaire élimine une masse de jeunes d’origine ouvrière :
Environ 64% des jeunes d’origine ouvrière redoublent dans le primaire (contre 7% d’enfants de cadres supérieurs)
Or ce sont ceux qui redoublent une ou deux fois qui constituent la masse des jeunes qui sortent de l’école sans diplôme, ni qualification à 16 ans.
A QUOI SERT L’ÉCOLE ?
L’école laïque n’est pas plus égalitaire que la société. Elle prépare lycéens et étudiants à leurs futures places dans la société capitaliste. Elle reproduit les classes sociales.
Comme on l’a vu dans le primaire, la ségrégation sociale est l’aspect dominant de la composition sociale de l’école :
43% d’enfants d’ouvriers dans le secondaire (80% d’enfants d’ingénieurs)
Mais seulement 7% (et ça continue de baisser) d’origine ouvrière dans l’enseignement supérieur.
La ségrégation sociale a un but politique et économique : un système d’enseignement super-sélectif forme d’un côté les heureux élus aux besoins du capital : dirigeants, décideurs, techniciens, techniciens de l’impérialisme ; de l’autre, rejette une masse de sans diplôme, sans débouchés, vers l’ANPE, le chômage ...
De ce point de vue, le mouvement des lycéens des LEP est beaucoup plus important.
Pour une part, il a la même base que tous les jeunes : ras l’bol des flics, de la sélection, du racisme. Mais il est beaucoup plus profond parce que les LEP forment les futurs ouvriers, les futurs chômeurs. Leurs intérêts ne sont pas les mêmes que ceux des universités, et si on entend moins leur voix, c’est avant tout eux que nous devons soutenir.
QUE VOULONS-NOUS ? TRAVAILLER AUTREMENT !
La lutte contre le projet Devaquet est juste mais non suffisante. Déjà des Comités d’Action étudiants (Villetaneuse) demandent "Entrée gratuite à la faculté pour les ouvriers et les chômeurs".
La faculté, comme l’usine, ne doit pas être un monde clos. En 68, les étudiants cherchaient à se lier aux ouvriers (contre l’avis des syndicats, qui avaient peur des "gauchistes")
La Révolution Culturelle en Chine, dans les années 60, a vu les étudiants aller aux champs ou à l’usine. La possibilité de poursuivre des études se discutait à l’intérieur de l’usine, dans la production. Le choix arrêté dépendait aussi de la volonté du candidat de mettre son savoir au service de la classe ouvrière et du peuple.
Même, c’est le travail d’ouvrier à l’usine, le travail d’étudiant en université qui étaient tous les deux complètement transformés, pour faire le lien entre l’étude et la réflexion, et la production, pour refuser cette division entre travailleurs manuels et exécutants d’un côté, travailleurs intellectuels et décideurs de l’autre.
Une partie du temps des ouvriers se passait à étudier, une partie du temps des intellectuels avait lieu à la production, et les contacts étaient permanents, pour abolir cette division, essayer de constituer un homme nouveau, à la fois producteur et étudiant.
Non, ce n’est pas de la science-fiction, cela s’est réellement fait dans la Chine des années 60/70. Et regardez aujourd’hui, c’est quoi un militant politique ouvrier ?
QUELLE PERSPECTIVE POUR LE MOUVEMENT ÉTUDIANT ?
L’école capitaliste forme d’un côté une élite, de l’autre des chômeurs. La suite logique, c’est la société actuelle.
Aujourd’hui, les ouvriers doivent se joindre aux étudiants, pour combattre la sélection, mais avant tout la sélection sociale, la sélection de classe, pour construire une société où l’étude et la production seront liés, où théorie et pratique seront en relation étroite, où l’utilité sociale de la connaissance sera discutée.
Car l’enseignement, c’est aussi l’affaire de la classe ouvrière, et justement à cause de leurs limites, nous ne pouvons pas la laisser dans les mains des étudiants et enseignants.
Apprendre tous, apprendre autre chose, apprendre autrement !
Voie Prolétarienne appelle tous les ouvriers à participer à la manifestation nationale des étudiants et lycéens, pour discuter de ces questions avec eux.
Elle sera présente sur le cortège, avec une banderole :
Egalité pour la formation ?
Ouvriers, sommes-nous moins égaux que les autres ?
La sélection, parlons-en !


