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Militer au féminin, pas si simple !

Quels obstacles rencontrent les femmes qui veulent militer ?

Nous avons constaté qu’il existe aussi bien des obstacles matériels que des obstacles idéologiques. Concrètement, l’exemple de la lutte des femmes de Carrefour à Marseille en 2008 nous a permis de revenir sur la vie en miettes des femmes à qui s’impose le temps partiel : horaires décalés de jour en jour, planning modifiable en dernière minute, sans parler du salaire de misère. Seule une grève de 15 jours a permis aux caissières de se rencontrer pour échanger sur leurs conditions de travail et revendiquer ensemble. Peu de satisfaction revendicative, mais la fierté d’avoir été plus fortes ensemble, et plus de respect en fin de lutte. Les obstacles matériels liés à l’organisation capitaliste du travail ne disparaissent pas en une lutte, mais les affronter nous rend plus fortes.
Résister, les femmes en éprouvent le besoin et en ont la volonté. Militer, elles en ont toutes les compétences d’ailleurs. Qui, dans la famille, est chargé de planifier (les repas, les courses), d’anticiper (rendez-vous chez le médecin pour les enfants), de coordonner (planning de la semaine pour tous les membres de la famille) ? Qui, sinon le plus souvent les mères ?
Ainsi, depuis des siècles, les femmes ont développé dans la sphère dite « privée » toutes ces compétences que les hommes ont développées dans la sphère publique : non seulement au travail, mais dans les syndicats, les partis…Au cours des luttes, toutes ces compétences se révèlent précieuses, mais dès le lendemain…
Si tout cela nous le constatons, nous le savons, pourquoi cela ne change-t-il pas ?

Les leçons des luttes

L’exemple de la lutte pour les retraites à l’automne 2010 est venu en exemple. L’objectif égalité salariale n’est pas atteint (environ 25% de moins pour les femmes) et la « révélation » du scandale : les retraites des femmes en moyenne de 40% inférieures à celles des hommes ! Un scandale tranquillement intégré et passé sous silence jusque-là par les confédérations syndicales. Des chiffres sortis trop tard pour être pris en compte parmi les revendications. Bref, un machisme soft et tranquille bien à l’abri dans les structures réformistes sur le terrain de la lutte de classes !
Mais le collectif fait la force des femmes. Des exemples forts de résistance ont animé nos débats : la lutte des femmes de ménage maliennes dans les années 2005 que montre le film « Remue-ménage dans la sous-traitance », ou encore le courage de ces femmes de la place Tahrir en Egypte, cité dans un article de Causette : une mère de famille subissant la pression de ses deux fils prétendant lui interdire de manifester, qui a dû fuguer pour affirmer son droit !

C’est aussi au quotidien...

Le collectif fait notre force lorsque nous sommes dans les luttes, luttes de femmes ou luttes au coude à coude entre femmes et hommes, contre l’exploitation. Mais nous retirons de ces échanges au cours de notre stage une conviction renforcée : c’est aussi au quotidien que nous devons créer les conditions qui nous permettront de militer au féminin, sans être coincées par des conditions matérielles insupportables, sans culpabiliser de ne pas assumer notre fonction traditionnellement comprise comme principale (enfants, et tâches domestiques). « Concilier travail et vie de famille », ce n’est pas un problème de femmes, mais de parents.
Ce qu’un homme fait, une femme peut le faire ; ce qu’une femme fait, un homme doit le faire !
Reconnaître entre militants que des résistances existent, c’est un pas important pour les combattre. Organiser collectivement les gardes d’enfants, exiger dans toutes les situations où nous pouvons peser, que nous, les femmes, puissions prendre plus de responsabilités dans la sphère publique, alors que les hommes doivent en prendre plus dans la sphère privée.
C’est ensemble que nous devons élaborer la vision d’un avenir différent tant en ce qui concerne les rapports entre hommes et femmes que les rapports de classe, pour que la transformation révolutionnaire qui s’impose se fasse pleinement avec et par les femmes !

Brigitte Clément

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