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Tchétchénie : c’est le peuple que nous devons soutenir !

Partisan n°145 - Février 2000

Solidarité avec le peuple tchétchène !

Voilà une population qui depuis des décennies subit l’oppression nationale de la part de la Russie, pour des raisons économiques ou impériales. Voilà tout un peuple déporté du temps de Staline (entre 1944 et 1957), voilà une population qui a osé réclamé le droit de vivre à sa manière à l’éclatement de l’ex-URSS.
Cela est indiscutable, cela doit être absolument défendu, au moins parce que la domination politique et militaire de la Russie est inacceptable. C’est le sens de notre soutien au peuple tchétchène.

 

A l’issue de la première guerre de Tchétchénie, entre 1994 et 1996, le peuple croyait avoir atteint son objectif. Il y a eu un gouvernement autonome, le départ de l’Armée Rouge, une indépendance dans les mots.
Le problème, c’est que le peuple s’est assez vite rendu compte que s’il savait quoi penser de l’occupation russe, il n’avait .pas grand-chose à attendre de ses nouveaux dirigeants, comme le président Maskhadov (et Doudaïev avant lui), totalement corrompus par les miettes du pétrole. Rien non plus à attendre des chefs de bande féodaux, Bassaïev en tête, qui se présentent comme les plus intransigeants combattants anti-russes, mais dont les populations comprennent vite qu’ils n’apportent que guerre et misère au nom d’un islam intransigeant qui n’a pas grand-chose à voir avec leur pratique religieuse.

 

Le problème du peuple tchétchène, c’est qu’il n’a aujourd’hui ni indépendance politique, ni représentants un minimum crédibles. Il est seul, pris en tenaille entre les impérialistes russes et leurs bombes, les féodaux islamiques et le gouvernement (ces derniers aujourd’hui alliés), pour des intérêts qui ne sont pas les siens. L’expérience a été faite, le bilan est sans appel : ce n’est d’aucun de ces côtés qu’il faut attendre quelque chose Pour le peuple tchétchène, il faut à tout prix arriver à gagner une indépendance politique, se débarrasser de ces imposteurs de tous bords qui ne savent vivre que de sa misère.

 

C’est une des grandes différences avec le Kosovo, dont le peuple menait également une lutte nationale depuis des décennies, au fil de manifestations, de résistance civile, de mobilisations diverses. La Ligue Démocratique du Kosovo de Ibrahim Rugova, puis l’UCK apparaissaient, au fil des ans, comme des représentants légitimes de cette lutte, même si leur orientation pouvait prêter à contestation.
Aujourd’hui, en Tchétchénie, qui peut prétendre savoir ce que souhaite la population ? L’indépendance ou pas, l’autonomie ou pas, dans quelles conditions, avec quelle direction ? Les conditions ne sont pas encore réunies pour y voir clair, mis à part qu’elle ne veut plus entendre parler de la domination russe.

 

Quant à nous, notre tâche est de dénoncer les interventions ou silences impérialistes, et avant tout celle du gouvernement russe. De dénoncer le silence hypocrite des grandes puissances, France en tête, qui interviennent quand ça les arrange, qui laisse faire autrement, une sorte d’interventionnisme à géométrie variable. Il est vrai que les Russes ne font pas différemment aujourd’hui que les occidentaux il y a quelques mois sur Belgrade...

Soutien au peuple tchétchène !
Retrait de toutes les troupes russes de Tchétchénie !
Impérialistes, corrompus, mafieux ou féodaux, la libération du peuple est ailleurs !

D’autres enjeux en Russie également

Le peuple tchétchène est le bouc émissaire de la crise russe. Le passage du capitalisme d’État au capitalisme libéral se faisant dans la douleur, le peuple russe subit aussi les attaques féroces des fractions bourgeoises au pouvoir. Quoi de mieux qu’une bonne petite guerre pour souder l’esprit national, faire oublier les difficultés économiques, et permettre l’élection de Poutine, dauphin désigné de l’alcoolique du siècle ? Et si les idées ne suffisent pas, quelques bombes bien placées par les services secrets (le FSB, illustre descendant du KGB) pour provoquer quelques massacres bien sanglants permettront de souder une population frondeuse.
C’est terrible à dire, mais quatre mois plus tard, les témoignages et les enquêtes tendent effectivement à confirmer que les fameux attentats "terroristes" dans Moscou (des dizaines de morts, à plusieurs reprises), ceux qui ont servi à justifier la deuxième guerre en Tchétchénie, ont été en fait l’œuvre des services secrets russes.

 

Cette guerre a fait des dizaines de milliers de morts dans la population tchétchène, mais aussi des milliers de morts russes. Les associations de mères de soldats se développent pour dénoncer la guerre, le refus de partir également. Nous reproduisons ici des extraits d’une déclaration anti-militariste. Il faut savoir qu’elle sort d’un mouvement très pro-américain, et donc suspecte. Néanmoins, elle reflète à l’évidence le sentiment d’une fraction non négligeable de ceux qui ne veulent pas finir en chair à canon :
"Nous soussignés citoyens russes, appelés et officiers de réserve, annonçons notre refus de servir dans les forces armées russes pour des raisons de conscience. (..) Nous le faisons pour manifester le plus efficacement notre protestation contre la guerre que mène le gouvernement de notre pays contre le peuple de Tchétchénie. (..) Nous ne voulons pas devenir les participants ou les complices silencieux des crimes de guerre que commet en Tchétchénie l’armée de notre pays, sur ordre de notre gouvernement, aux yeux du monde entier. (..)"
Par ailleurs, nous avons reçu un témoignage d’un militant russe, qui nous écrit, entre autres : "La guerre actuelle en Tchétchénie est une action de type impérialiste ; Tous les groupes ou partis de la bourgeoisie russe, libéraux, patriotes, post-communistes à la Zuganov, fascistes, etc... sont pour la guerre (à la différence de la guerre menée en 1991-96. Les attentats dans Moscou et ailleurs furent l’œuvre de la police secrète (FSB, KGB). Les objectifs de la bourgeoisie russe sont :

 

1)le rétablissement du contrôle total sur le nord du Caucase avec ses routes pétrolières ;
2)la création d’une hystérie nationaliste pour diviser la classe ouvrière et renforcer l’état bourgeois, la position marxiste comme en 14/18, c’est la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire. L’ennemi principal est dans notre pays, c’est l’impérialisme russe."

 

Voilà qui confirme exactement ce que nous disons et ce que nous pensons. Aussi s’il faut soutenir le peuple tchétchène, victime de l’intervention impérialiste, il nous faut aussi soutenir le combat de tous les militants pacifistes, anti-militaristes, révolutionnaires qui refusent l’engagement de leur gouvernement dans la guerre.
Comme nous avons soutenus les opposants serbes à la guerre en Bosnie et au Kosovo soutenons les opposants russes à la guerre en Tchéchénie.

 

A. Desaimes

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