Vous êtes dans la rubrique > Archives > Pérou : reportage dans les bases d’appui

Pérou : reportage dans les bases d’appui

Partisan n°68 - Février 1992

Nous publions ci-dessous un article tiré du journal ’El Diario’ au Pérou, reproduit depuis dans « El Diaro internacional » publié en Belgique. II montre la mobilisation politique et militaire, les transformations dans les zones libres ou semi-libérées du Nouvel État au Pérou. Après le travail dans les villes et les bidonvilles, c’est une nouvelle illustration des transformations en tours ou Pérou, sous la direction du PCP (la traduction est faite par nos soins).

L’armée Populaire de Guérilla : colonne vertébrale du Nouvel État

C’est pour un journaliste un grand évènement d’arriver dans l’épaisseur paradisiaque de la forêt du Haut Huallaga, foyer resplendissant de la guerre populaire, forteresse si vantée :du nouveau pouvoir édifié à partir de presque rien par le Parti Communiste du Pérou qui dirige les masses.
Depuis plus d’un an, aucun moyen d’information national ou international n’avait franchi le seuil de cette zone de guerre. La plus grande "prouesse" de nombreux plumitifs de la presse aux ordres était de s’introduire avec l’armée réactionnaire dans des zones habitées ravagées ; ou se mêler à de vastes opérations, fabriquées pour la télé, contre les Comités Populaires sous prétexte de lutte contre le ’narcoterrorisme’.

 

Mais aucun doute que les harcèlements et les persécutions qu’exercent les forces réactionnaires pour la défense de la vieille société péruvienne se briseront, ici, sur les nombreux embarcadères des bords de la rivière Huallaga.
De ce côté-ci de la berge transitent encore les membres des forces anti-subversives et les mouchards à leur solde qui ne perdent pas de vue les nouveaux arrivants. Mais bien que ceux-là souillent encore les rues des villages qui bordent la Route Marginale, plus loin, là où l’on n’entend que le murmure des eaux de la rivière, se développent les comités populaires clandestins ou parallèles. Et ici le système de gouvernement du Nouvel État dirigé par le PCP a éliminé tous ces indésirables.
Ces derniers temps les troupes se limitaient à sortir de leurs casernes en patrouilles. Lors de rafles elles capturaient, assassinaient et faisaient disparaître paysans et autres travailleurs qui s’opposaient à leur dictature ou qui par hasard apparaissaient sur la Route au moment même ou les sbires passaient par là.
Récemment, avec la venue des renforts de la dite Division des Opérations Spéciales de la Police (DOSP) et de l’infanterie de Marine dans la ville de Tingo Maria, ces vermines continuent d’effrayer la population, se déplaçant en bataillons dès les premières heures de l’aube.
Les officiers ayant ces groupes à leur charge paradent en envoyant le nouveau contingent, arrivé de Lima, "s’aguerrir" par des assauts contre la population désarmée. Il en fut ainsi avec la population de Puebla Nuevo, à 15 minutes de la caserne de Santa Lucia, où ils séquestrèrent et firent disparaître de nombreux paysans.
Ils envoient leurs sbires dans un poste situé sur la rive droite du Huallaga, face au port de Venenillo, d’où ils harcellent tout ce qui entre ou sort de l’embarcadère. Marquant leur hostilité par des tirs en l’air en direction des paysans qui transitent sur la rive opposée.

Dans les zones de guérilla et dans les bases d’appui

A l’autre extrémité se trouvent les territoires du Nouvel État. Les uns plus développés que d’autres, mais qui s’articulent grâce au développement de la guerre populaire.
Cela fait bien longtemps que les forces anti-subversives n’osent plus affronter le nouvel État en formation qui dirige, mur les rives du Huallaga, les destinées de centaines de Comités Populaires Ouverts (CPO). Les rares fois qu’ils ont fait intervenir leurs hordes criminelles ils se sont heurtés à une vigoureuse résistance armée de l’Armée Populaire de Guérilla (APG) de la zone et à la retraite stratégique de la population afin de parer aux massacres.
Maintenant les reporters d’ "El Diaro" viennent à la rencontre des maoïstes. Nous sommes dans un port étroitement surveillé, comme beaucoup, par des combattants fortement armés, qui exercent rigoureusement leur rôle avec un grand zèle révolutionnaire.
Ici, tout visiteur doit se nommer et informer de ses intentions. Ce sont les guérilleros, vêtus de tenues camouflées, de bottes de caoutchouc et de buffleteries confisquées à l’armée réactionnaire, tout comme les armes et les munitions qui battent leurs cuisses, qui exercent la vigilance.
C’était l’heure de la relève, elle avait déjà reçu la consigne de se joindre à nous dans la montagne. Comme la nuit tombait sur nous, les lanternes de nos guides occasionnels marquèrent le chemin, sinueux, jusqu’aux lieux où se trouvaient let responsables de l’APG de la zone. Sur le trajet, tous les 200 mètres environ, une voie ferme ordonnait : Halte ! Le signe convenu ne se faisait pas attendre. Nous saurons plus tard que ces sentinelles disciplinées appartiennent à la force de base de l’Armée de Guérilla du "Bolson". La zone qu’ils appellent "Bolton" est la conjonction de comités populaires ouverts, stratégiquement entrelacés. Vue l’étendue et le relief accidenté de la région, la somme des "bolsonee" dans tout le Haut Huallaga constitue les bases d’appui du Huallaga. La force de base de l’APG, installée dans chaque Comité Populaire Ouvert, exerce la fonction de police d’un nouveau type : elle garantit la sécurité et surveille les mouvements ennemis ; elle prévient l’infiltration réactionnaire, et lutte pour réunir les garanties nécessaires aux masses. En cas d’attaque ennemie cette force, composée de combattants natifs de l’endroit, doit faire le travail de regroupement pour que la population se replie, prévenant ainsi les pertes. En même tempe elle développe des taches d’arrière-garde pour les forces locales de l’Armée Populaire de Guérilla afin que la possibilité de contre-attaque ou de repli puissent ensuite s’effectuer vers le rétablissement.

Une vie simple dédiée au parti et à la révolution

Alors que la pluie commençait à tomber, les guérilleros nous informèrent que nous étions arrivés à destination devant une petite habitation autour de laquelle se déplaçaient des dizaines de jeunes armés (d’autres guérilleros) qui nous saluèrent aimablement. La lumière blafarde d’innombrables briquets éclairait cet accueil de bienvenue. Une combattante rondelette aux cheveux courte s’approcha de nous les mains tendues et nous invita à noua asseoir. En apprenant l’intention des journalistes elle offrit, dans la mesure du possible, de les aider, Laissant de côté sa fatigue notre interlocutrice exprima sa joie et ton vif intérêt à dialoguer avec "El Diario" qui, dit-elle, « combat quotidiennement pour le peuple à l’égal de ceux qui ont pris les fusils ».
Par elle nous sûmes que récemment les guérilleros venaient de terminer un épisode d’un mois de tâches ardues. Elle se souvenait du camarade Nelson, tombé au combat et dont le corps avait du être arraché à la réaction qui ne voulait pas le rendre, et qui avait été inhumé lors d’une mobilisation massive en hommage à l’un des héros populaires les plus aimés de la zone.
Elle se rappelait aussi avec tendresse de son frère, qui donna sa part à la révolution. Sa ferme décision d’aller de l’avant, en assumant au milieu de tout cela l’éducation de ses enfants dans cet esprit ; son expérience acquise dans les combats, notamment lors d’une campagne récente dans le département Iluénuco où un lot de batteries porté dans sa besace, comme un bouclier occasionnel, lui avait sauvé la vie ; sa volonté, qui est celle de milliers de femmes, de combattre et de consacrer leur vie au Parti et à la Révolution. Un dîner frugal à base de riz et de chocolat conclut la discussion de cette nuit. La vigilance sera redoublée : "Soyons sur nos gardes !" sera le mot d’ordre que nous entendrons toutes les nuits au fur et à mesure que nous avancerons,
Le matin suivant, après la toilette, tous rassemblés avec leur arme inséparable sur l’épaule, leur assiette et leur cuillère les combattants sont prêts à recevoir la nourriture. La ration quotidienne, au cas où vous ne le savez pas, est égale pour tous, que l’on soit cadres ou combattante.
Ensuite s’engage la lutte entre deux lignes, cette foie on débat des conduites correctes ou incorrectes pour résoudre les problèmes surgis la veille. Plus tard, chaque peloton est parti, la machette à la main, vers les terres cultivées de la communauté accomplir les tâches de production. La vigilance n’est pas oubliée une minute pendant les 24 heures de la journée. Chaque heure la garde est relevée aux points les plus proches du gros du bataillon. Sur les lieux les plus éloignée d’où se trouve la compagnie de la force de base, les relèves sont plus espacées, mais également minutées.
Les marches de campagne, qui simulent des retraites ou qui, lorsque l’ennemi guette ou prépare réellement quelques incursions contre les Comités Populaires Ouverts (CPO), sont constantes. "El Diario" prit part à ces divers déplacements en suivant ici les maoïstes.
La première fut une retraite stratégique dirigée par les commandants de l’Armée Populaire de Guérilla (APG) alors que les troupes réactionnaires avaient déclenchées une fusillade contre le poste d’entrée du CPO et du Bolson.
La retraite se fit aux environs de 9 heures du soir par un chemin boueux et plein de broussailles. Au bout d’une demi-heure le bataillon avisa une ferme inhabitée apparemment depuis déjà pas mal de temps : ce sera le logement jusqu’au lendemain. Portant marmites, médicaments et munitions, sans compter l’armement et les vêtements de nuit, tout le monde se prépara à passer la nuit là.

La justice populaire dans les comités populaires ouverts

Les cadres politico-militaires et ceux qui forment l’Assemblée Populaire du peuple avaient convoqué à une réunion de masse pour le lendemain soir. Il s’y tiendrait un jugement populaire de trois personnes dont une femme.
Et il en fut ainsi. Le jour suivant la femme fut conduite à l’Assemblée Populaire avec les deux hommes. Les charges qui pesaient contre eux étaient très graves. La femme s’était chargée de tirer des informations aux combattants de l’APG en tentant de les attirer sexuellement, pour transmettre ensuite ces renseignements à la réaction. Les deux hommes, qui avaient appartenu à l’APG, avaient été découvert en train de violer une femme et de voler les biens du Parti. Tous les trois furent jugés et exécutée. Les participants affirmèrent que c’était là une juste sanction pour ceux qui, s’appuyant sur la confiance des masses, trahissent et trafiquent avec ses intérêts, ternissant ainsi le rôle que joue l’héroïque Armée Populaire dirigée par le PCP.
Il y eut d’autres retraites, plus épuisantes encore, qui avaient pour but de forger les nouveaux combattants à une rude et simple vie de sacrifices. L’une d’elle consista en une longue marche de 6 heures, une autre dura 4 heures. Pendant ces manœuvres les responsables, politiques et militaires détachèrent, vers la force locale, le groupe qui s’adaptait le mieux à cette nouvelle situation,

Force locale et force principale de l’APG

Le contact avec les trois compagnies de la force locale de l’APG fut un pur hasard. Ce n’est que ces derniers jours qu’elles venaient d’achever une campagne de tâches politiques et militaires dans la zone. Elles se préparaient à de nouvelles actions en vue du dixième anniversaires de la guerre populaire. La visite de leur campement, quoique brève, nous permit de saisir la vie des combattants, de prendre des photos et de nous entretenir avec leurs responsables.
Plus tard nous avons appris que plusieurs compagnies de cette force s’uniraient avec une des compagnies des la force principale de l’APG pour réaliser des actions militaires d’envergure.
La nouvelle nous parvint de l’attaque de la base policière d’ENDEPALMA, ou furent tué 4 commandants, 4 capitaines et de nombreux flics furent mis hors de combat.
Quelques jours après accompagnés par une délégation (qui avait prévu un affrontement avec la réaction) nos reporters arrivèrent au bout plusieurs heures d’une longue marche en un lieu donné du département de Iluànuco. C’est à ce moment là qu’on apprit qu’une recherche, secrète mais vainc, avait été faite par les flics sur notre lieu de repos, très près d’où nous étions maintenant.

Le 11ème anniversaire de la guerre populaire fêté dans la joie

A l’arrivée au Comité Populaire, où bivouaquait une partie de la force principale de l’APG, les responsables locaux noue offrirent toua les moyens possibles pour accomplir notre travail de journalistes.
Nous étions déjà le 17 Mai. Et à l’occasion de l’anniversaire de la guerre populaire, ils avaient préparé tout un programme de célébrations qui s’appuyait sur une plus grande cohésion entre les masses des divers comités populaires.
La manifestation centrale a été un meeting ou fut retransmis une information de la Session Plénière du Comité Central du Parti Communiste du Pérou. Il fut écouté avec beaucoup d’intérêt par la grande masse des gens.
Une pièce de théâtre fut également mise en scène, elle traitait du boycott des élections dirigé par le PCP en 1980 dans le district de Chuschi (Ayacucho).

C’est ainsi que fonctionne la nouvelle économie

La nouvelle économie qui se développe dans les comités populaires et dans les bases d’appui révolutionnaires rejette les vieux rapports de production et d’échange pourris contrôlées par les grands propriétaires terriens et par les chefs du narcotrafic.
Bien que subsiste encore le monopole de la commercialisation des produits de base comme le cacao (contrôlés par les oligopoles italiens et par la coopérative agro-industrielle d’ancien type "Naranjillo" la nouvelle économie est basée aussi sur le principe de l’auto subsistance et sur le travail collectif exigé par les nécessités de la guerre populaire.
Dans les zones dénommées "cocayères" (ou depuis peu d’années seulement on plante de la coca afin de tenir compte de terres peu fértiles pour cultiver autre chose) le PCP a promu la culture de produit de base comme la yucca (pour la production de fibres textiles et d’engrais), la banane, la pituca (espèce de tubercule géante d’orient) et le cacao entre autre, visant à ce que les comités ne dépendent pas de la commercialisation de la coca. Plus encore il considère comme important l’appui aux cultures de produits de base en permettant l’introduction d’engrais dans les Comités Populaires Ouverts avec un minimum de surcout. Par exemple, le commissaire à l’économie et à la production d’un Comité Populaire se charge de contrôler que les petits commerçants qui distribuent les engrais ne le fassent qu’en prenant un taux maximum de 30% de bénéfice. Avant, ces produits étaient commercialisés avec des gains de 300% ; ces taux rendaient impossible qu’une autre culture que celle de la coca soit développée par les paysans.
L’économie de type nouveau qui s’est mise en marche est exemplaire et sert à avancer dans la résolution des problèmes liés aux conditions de vie et d’alimentation.
Le paysan et sa famille est amuré d’un logis et d’une parcelle de terre cultivable. La terre dame les CPO est pour ceux qui la travaillent ; il n’existe ni sous-location, ni héritage des terres. Tous ceux qui sont disposés à travailler sous le système d’organisation et de direction des CPO acquièrent ces opportunités qui leur étaient refusées dans l’ancienne société.
Les échanges de produits sont fréquente, mais ils sont contrôlée par le commissaire à l’économie qui veille à la pratique de justes prix entre les parties. Fréquemment les échanges et les trocs se font entre des fruits et des légumes et des produits provenant de la ville (huile, pâtes, épices et autres). Et l’on voit aussi souvent des échanges de produits de la zone avec des tubercules et des oignons produits dans la montagne.
En ce qui concerne le commerce, les prix sont régulée dès que les produits entrent dans la zone du Comité d’Appui Ouvert. Le bénéfice maximum est de 30%s, Le contrôle de la consommation des boissons alcoolisées est encore plus rigoureux. Pour ne pas en encourager le commerce (et par suite la consommation) le profit des vendeurs est limité à 5% seulement. La consommation d’alcool dans les endroits publics est limitée aux Samedis et aux Dimanches seulement.

La coca

La zone du Haut Huallaga est mondialement connue comme un centre de production de coca. Le paysan pauvre de cette importante vallée tropicale consacre une partie de son temps à la cueillette des feuilles de coca.
Un problème à résoudre dans la zone, et qui pose un dilemme au paysan, c’est la valeur insuffisante à laquelle lui sont achetée ses produits de base en comparaison avec la valeur du kilo de feuilles de coca. Alors que la banane, le cacao et la yucca sont achetée par les commerçants et les monopoles à des prix infimes (ne couvrant pas même les efforts de culture et de cueillette), la coca, elle, est acheté par des intermédiaires (les trafiquants) à des prix qui couvrent en moyenne le coût de la transformation ce qui permet aux paysans d’investir dans les semences des denrées courantes.
Il existe des zones contrôlées, organisées et administrées par le Parti Communiste du Pérou où l’on produit des cultures de riz d’excellente qualité ; de même qu’on y administre des élevages de poulets et autres animaux dont la taille n’avait jamais été vue auparavant dans la région. Au total, l’économie du Nouvel État se développe vigoureusement malgré les difficultés et les entraves mises pur la vieille société et par ses représentants.
Dans les Comités Populaires Ouverts on peut apprécier la ferme volonté du peuple dirigé par le PCP à développer un système économique d’auto subsistance qui ne dépendra plus des dollars qui proviennent du commerce de la feuille de coca. Pour cela les CPO stimulent non seulement les cultures de base, ils promeuvent également l’élevage de porcs, de sangliers, de poules, de canards, de moutons et des animaux de trait. Un des principaux buts des responsables à la production des CPO est de développer un commerce fluide et un échange marchand avec les villages et les Comités de la montagne. Ceci afin d’équilibrer l’alimentation par d’autres produits qui manquent terriblement dans la zone : tels que l’oie, les tubercules, l’olluco et les légumes verts.

Soutenir par un don