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Editorial : la loi du plus fort… c’est la guerre !

Partisan N°88 – Mars 1994

La « paix » du Nouvel Ordre Mondial

Les miliciens nationalistes serbes de Karadzic se sont donc finalement pliés à l’ultimatum de l’OTAN. Qui n’a pas été surpris par l’atmosphère de fête qui régnait parmi eux à cette occasion ?
Soyons clairs : l’intervention des casques bleus ne fait qu’entériner le partage déjà acquis. Il permet même le redéploiement de l’artillerie lourde des nationalistes serbes ailleurs en Bosnie, dans les autres zones toujours en conflit. Il reproduit le désarmement de l’armée bosniaque par l’ONU il y a un an à Srebrenica : cette ville est aujourd’hui toujours bombardée.

 

L’obus meurtrier sur le marché de Markale n’aura probablement amené qu’un peu de répit aux habitants de Sarajevo, toujours assiégés et désormais désarmés par ceux-là même qui prétendent les défendre. Pour combien de temps ? On comprend l’amertume des Bosniaques qui, une fois de plus, sont sacrifiés sur l’autel de la « paix ». Or cette paix, c’est celle du plus fort, celle du dépeçage de la Bosnie-Herzégovine, celle du nationalisme et de l’ultra-chauvinisme. C’est celle du Nouvel Ordre Mondial et des grandes puissances impérialistes.

Pourquoi la menace d’intervention ?

Il a fallu plus de 46 résolutions inappliquées de l’ONU pour que la menace soit un peu moins timide, sans pour autant d’ailleurs qu’elle soit mise à exécution. C’est que les contradictions entre les grandes puissances se sont développées.

 

L’Allemagne a des intérêts économiques directs dans la région (50% des importations et des exportations européennes de l’ex-Yougoslavie, 70% du commerce de la Slovénie, par exemple). Les immigrés, et aujourd’hui les réfugiés yougoslaves sont très nombreux et poussent à l’intervention pour « pacifier » la région et permettre leur renvoi, alors que les difficultés économiques s’accentuent après la réunification.

 

La France est intervenue pour ne pas laisser le champ libre à l’Allemagne, en utilisant son atout, la puissance militaire.

 

Confronté à un discrédit important au niveau intérieur (incapacité à régler le problème du chômage), au même discrédit au plan international (des paroles, rien que des paroles…) le gouvernement Balladur et Mitterrand ont décidé de hausser le ton pour récupérer un peu de crédibilité.

 

Les Etats-Unis sont peu influents dans la région, ce qui leur permet de tenir des discours très radicaux sans avoir à les appliquer. Cela ne les empêche pas de former la colonne vertébrale de l’axe militaire, de mettre un pied dans la partie sud des Balkans, en Albanie (installation de cinq avions espions), au Kosovo et en Macédoine.

 

Quant à la Russie, elle réapparaît spectaculairement sur la scène internationale. La crise économique est catastrophique et provoque une vague nationaliste en soutien aux nationalistes serbes qui est un puissant dérivatif. Nation dépecée (l’éclatement de l’URSS), humiliée, en ruine, le parallèle avec l’Allemagne de l’entre deux guerres et la percée du nazisme saute aux yeux.

 

Les enjeux économiques directs en Bosnie sont faibles. Il n’empêche que l’accroissement des difficultés internes comme des rivalités mondiales montrent comment un petit foyer de tensions peut accentuer de grosses contradictions…

Réapparition des risques de guerre

Le Nouvel Ordre Mondial est en pleine évolution. Après la Guerre du Golfe où les intérêts économiques étaient évidents et le consensus relativement acquis, l’intervention en Bosnie montre que les rivalités entre grandes puissances s’accentuent. Sarajevo et ses habitants sont bien loin, le conflit prend des ramifications européennes et mondiales. Oh, il n’y aura pas d’éclatement immédiat, mais ce qui se passe actuellement va peser pour le futur. Les risques de conflit généralisé réapparaissent sous une nouvelle forme, même s’il est impossible de prédire s’il éclatera, où et quand.

 

Les requins des grandes puissances cherchent à se repartager le monde dans une situation économique difficile. Ils sont prêts à tout pour ce repartage, à la barbarie de la guerre, à sacrifier les peuples (aujourd’hui le peuple bosniaque) pour leurs intérêts économiques et militaires.

Définir les camps

Voilà qui nous permet en opposition de définir notre camp, celuid es peuples, des internationalistes, de la libération sociale.

 

Nous disons NON au Nouvel Ordre Mondial des grandes puissances qui prétendent régenter le monde. Cela veut dire :
Non à la démilitarisation de Sarajevo, qui n’est que l’acceptation de la loi du plus fort ;
Non à toute intervention militaire quels qu’en soient les pseudos motifs humanitaires
Levée de tous les embargos et blocus qui ne sont que la manifestation de l’ordre de ces brigands
Retrait des Casques Bleus dont la présence entérine ces rapports de forces et contribue à l’emprisonnement des populations.

 

Notre soutien va aux anti-chauvins de tous les camps, aux intellectuels serbes de Belgrade qui tentent difficilement de faire entendre la voix d’une « autre Serbie », aux déserteurs, aux pacifistes de Croatie, aux combattants bosniaques effectivement et ouvertement anti-chauvins.
Au-delà, notre soutien va à tous les militants yougoslaves qui tentent d’élaborer une nouvelle voie de libération sociale, sur les ruines du nationalisme et de l’exploitation.

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