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Inde : L’an 01 de la révolution ?

Partisan N°236 - Mars 2010

« Il n’est pas question de contraintes environnementales tant que nous aurons 800 millions de pauvres à sortir de la misère » : c’est, à peu de choses près, la justification du refus indien de tout accord à la conférence sur le climat de Copenhague. De nombreux intellectuels indiens, parmi lesquels la fameuse romancière et essayiste Arundhati Roy, ont tiré le signal d’alarme de l’opinion publique internationale. En effet, si le gouvernement indien n’a rien cédé aux écologistes, c’est qu’il avait déjà tout accordé aux multinationales minières et sidérurgiques. L’Etat a le projet d’exproprier les populations tribales adivasi (premiers habitants de l’Inde) et les paysans sans terre des forêts où ils sont réfugiés, depuis les siècles pour les premiers, au gré des crises du système capitaliste pour les seconds, pour en offrir l’exploitation aux Mittal, Tata, Rio Tinto et autres Vedanta.

Combien de millions de « déplacés » viendront alors s’ajouter à tous ceux déjà jetés dans des camps de réfugiés, ou, au mieux, les bidonvilles des mégapoles, par les quelque 300 « zones économiques spéciales » qui prospèrent en Inde aujourd’hui ? Justifier la destruction de forêts primaires et le pillage des ressources naturelles par le capitalisme industriel et financier (l’un n’existant pas sans l’autre) au nom de la misère qu’il crée et maintient relève du cynisme le plus éhonté ! Mais la bourgeoisie indienne est prête à tout pour maintenir sa domination. Prête à la guerre à outrance contre le peuple, prête aux solutions les plus autoritaires, quitte à nier toutes les formes démocratiques dont elle a revêtu son pouvoir.

Cette fuite en avant a un nom et une origine : « Green Hunt » et Lalgarh. Arundhati Roy et d’autres craignent que New Dehli ne choisisse une « solution à la sri-lankaise ». Le gouvernement indien a annoncé que l’opération « Green Hunt » allait mobiliser de 70 000 à 100 000 hommes (paramilitaires compris) et coûter environ 73 milliards de roupies. C’est considérable pour une simple opération de police, et surtout pour un Etat qui déclare avoir la misère de 800 millions de ses citoyens à juguler. Mais M. Singh a aussi déclaré devant le Lok Sabha (le parlement, c’est-à-dire les représentants de sa classe) : « Si l’extrémisme de gauche continue de prospérer dans les régions qui disposent de ressources naturelles et minières, le climat propice aux investissements en sera certainement affecté ». Tout est dit. Des bases militaires permanentes seront installées au coeur des zones d’exploitation, veillant de fait à la sécurité des exploiteurs. Dans ces conditions, on peut aisément imaginer comment sera traitée toute revendication venant des paysans expropriés ou des salariés surexploités : la répression directement au service de la productivité capitaliste !

Voilà la raison pour laquelle les événements de Lalgarh sont inadmissibles pour la bourgeoisie indienne. Voilà pourquoi il ne faut pas qu’ils se répètent, quels que soient les moyens à employer, quel que soit le coût matériel et moral à payer. La « révolution de Lalgarh » est le premier mouvement populaire autonome depuis Naxalbari en 1967, le premier qui ne soit pas instrumentalisé par les partis électoralistes, qu’ils soient sociaux-démocrates comme le PCI-M, ou communautaristes comme le Trinamool (« Intouchables »). Cette confiance en soi retrouvée par les masses laborieuses est en grande partie due aux efforts des cadres maoïstes qui ont vécu, travaillé et combattu à leurs côtés pendant des décennies. La capacité à élaborer des projets socio-économiques où les intérêts égoïstes du capitalisme n’ont plus leur place, de rendre une justice populaire qui défende enfin les pauvres face à leurs oppresseurs, de refuser tout compromis avec l’ennemi de classe, tout cela fait de Lalgarh l’allumette qui pourrait mettre le feu à l’Inde de la misère.

Omar

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