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Unité et/ou autonomie : l’expérience du mouvement communiste

Dans le mouvement ouvrier, deux attitudes opposées et fausses ont existé concernant le rapport entre unité de la classe et prise en compte des oppressions spécifiques.
La première est celle développée par le PCF après guerre. Les contradictions entre les ouvriers sont ignorées ou leur traitement renvoyer à plus tard « quand la révolution aura triomphé ». L’unité se construit dans la lutte contre « les patrons » [1].
La seconde orientation, la plus débattue dans le mouvement communiste, a été celle du Bund (Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie) [2], au début du XXème siècle. Le Bund voulait organiser les minorités juives opprimées de l’Empire russe de façon autonome au sein de l’organisation révolutionnaire. Ce débat a ressurgi dans les années 1970, à propos des immigrés dominés, discriminés ou marginalisés dans les organisations ouvrières. Des militants ouvriers étrangers, constatant le chauvinisme porté par le PCF ou le racisme dominant, ont pu considérer alors que chaque composante immigrée de la classe ouvrière devait se doter d’organisations politiques spécifiques, indépendantes des organisations françaises, pour faire valoir leurs intérêts d’ouvriers. La critique du chauvinisme, du racisme et du révisionnisme n’était pour ces camarades que l’affaire des militants et des organisations françaises.

 

Pour éclairer ces questions, nous allons traiter de la manière dont les ouvriers étrangers, issus d’une immigration de travail, se sont intégré au mouvement communiste, et les débats qu’il y a eu sur la façon de prendre en compte ou pas leurs spécificités sociale, culturelle, voire religieuse et les oppressions spécifiques qu’ils subissaient (racisme, inégalité des droits etc.).

 

La pratique de l’Internationale Communiste

 

Au début du XXème siècle et surtout après la création de l’Internationale communiste, le rapport entre l’unité et l’autonomie dans l’organisation des ouvriers étrangers est clair dans ses principes. L’union de tous les ouvriers opprimés doit se faire dans une même organisation révolutionnaire [3]. Les partis communistes sont alors des sections nationales de l’Internationale. Le Parti communiste n’est pas encore français, mais la section française de l’Internationale communiste. Tout ouvrier communiste étranger se doit de militer dans le Parti de son pays de résidence. Cela n’exclut pas que dans ce parti existent des structures spécifiques par nationalité (dits groupes de langue) qui permettent aux ouvriers ou ouvrières étrangers de participer pleinement aux activités du Parti en prenant en compte leurs difficultés spécifiques.
Le Parti communiste rejette alors toute distinction entre les Français et les étrangers, et exige l’égalité absolue de tous les droits en s’opposant à la fermeture des frontières, réclamée par les réformistes de la CGT [4]. Conformément à cette ligne, et pour organiser les ouvriers immigrés en France, le Parti communiste crée des organisations spécifiques qui regroupent plus largement que les seuls communistes. Pour les travailleurs immigrés issus des colonies, c’est l’Union intercoloniale.
Elle publie un journal : le Paria qui parait, de sa création en 1922, à 1936. Il dénonce aussi bien la condition des ouvriers étrangers en France que l’exploitation de leur pays par le colonialisme. Cette organisation a formé des dirigeants de mouvements de libération nationale, soit communistes comme Ho Chi Minh [5], soit nationalistes, comme Messali Hadj [6].

 

Mais l’organisation spécifique n’était pas qu’une question de structure. Elle est subordonnée à la ligne politique. Quand le PC se rallie à la démocratie bourgeoise, au drapeau tricolore et à la Marseillaise et qu’il cesse de soutenir les droits inconditionnels des peuples colonisés à l’indépendance, le Paria disparaît.

 

An début des années 1950, alors que le Parti dit soutenir, à nouveau, le droit des peuples colonisés à l’indépendance, des Algériens adhèrent au Parti. Mais le PCF ne soutient pas l’insurrection nationale algérienne de novembre 1954. Les militants algériens de ce parti le quittent quand en 1956 il vote les pouvoirs spéciaux demandés par le gouvernement socialiste [7], pour accroître l’effort de guerre en Algérie.

 

Les positions du Parti Communiste en 1931

« Le mot « étranger » n‘a pas de sens. Il en a encore moins lorsqu‘il s‘agit des exploités de notre propre capitalisme. Les chômeurs français, comme les chômeurs étrangers, sont tous des chômeurs du capitalisme français et du capitalisme international. Ils sont victimes, au même titre, de la crise du capitalisme qui meurtrit la classe ouvrière internationale.
C‘est en vertu de ce principe que nous demandons pour les travailleurs étrangers les mêmes droits que pour les travailleurs français. […]
Il est exact que, dans certaines entreprises, le travailleur étranger est souvent moins payé que le travailleur français. […]Il est exact qu‘il accepte quelque fois de travailler à un salaire moindre que celui qu‘accepterait le travailleur français. Mais cela tient a cette cause particulière que le travailleur étranger est ici soumis à des conditions extrêmement dures. Il n‘a pas sa liberté d‘action, il est menacé à tout instant d‘être renvoyé dans n‘importe quelle région de France, loin de sa famille, par le service des étrangers. Il est menacé d‘expulsion s‘il bouge. Comment veut-on que, dans ces conditions, il ne soit pas tenté d‘accepter n‘importe quel salaire ?
C‘est pourquoi nous réclamons pour les travailleurs étrangers - et c‘est la seule garantie pour la classe ouvrière - les mêmes droits syndicaux, les mêmes droits politiques que pour les travailleurs français. C‘est l‘intérêt véritable du prolétariat français de réclamer l‘égalité absolue des droits entre lui et la main-d’œuvre étrangère et coloniale. C‘est la seule façon d‘éviter une concurrence qu‘un patronat à l‘affût de tout pour diviser les ouvriers fait naître et entretient savamment »
.Discours du député communiste Jacques Doriot à la Chambre, le 20 novembre 1931. En 1934, maire de Saint-Denis, guidé par une ambition personnelle et écœuré par la politique stalinienne, il basculera dans le fascisme et créera le seul vrai parti fasciste en France : le Parti populaire français.

Le débat ressurgit dans les années 1970

 

A la fin des années 1960 de nombreux immigrés sont embauchés dans les usines, venant entre autres du Maghreb et d’Afrique noire. Ils sont jeunes, issus souvent de la campagne. Ils sont des acteurs importants des grèves ouvrières dans la région parisienne et dans le Rhône, mais aussi des luttes contre les conditions de vie imposées dans les foyers. Ces travailleurs ne sont pas encore encadrés par le PCF. Les organisations révolutionnaires tentent de les gagner. La Gauche prolétarienne (GP) [8] est la plus connue. Mais si elle s’adresse de façon particulière aux immigrés, par des tracts en arabe et en insistant sur la solidarité avec la Palestine, elle ne les organise pas de façon spécifique. Créée en 1968, la GP disparaît en 1973.

 

Le Mouvement des travailleurs arabes (MTA) est fondé en 1972 par des militants des Comités Palestine et des proches de la GP. Il se veut une organisation politique indépendante, autonome des organisations françaises. Il se mobilise à l’automne 1973 après un été sanglant au cours duquel de nombreux travailleurs immigrés ont été assassinés. Le 14 septembre, il appelle à une grève des travailleurs arabes et à un rassemblement devant la Mosquée de Paris [9]. Le résultat est inégal [10]. D’autant qu’en ne s’adressant ni aux autres travailleurs africains subissant le racisme, ni aux travailleurs français, il a suscité des critiques de division. Le bilan de cette grève est tiré par le MTA le 9 mars 1974, au moment d’une coordination de ses militants à Grenoble, bilan qui souligne les effets de division et d’isolement d’un appel aux seuls travailleurs arabes [11]..

 

En 1971 et 1972, l’Organisation communiste Révolution (OCR) [12]
organise des ouvriers immigrés à partir des usines et dans les foyers. Elle gagne des ouvriers immigrés et crée avec eux des organisations politiques qui leur sont spécifiques : africaine, algérienne. Ces organisations sont à la fois distinctes et unies avec OCR. Les militants communistes immigrés sont membres de l’OCR, mais l’inverse n’est pas vrai. Les dirigeants des organisations immigrés sont représentés au CC de l’OCR, mais ce n’est pas le cas à l’inverse. Il y a donc unité politique au sein de l’organisation pour tout ce qui concerne la lutte de classe en France, et autonomie dans la définition de la ligne et des tâches pour les pays d’origine. Cette expérience est de courte durée. Après la fusion de l’OCR avec l’OC GOP [13]
, qui donne naissance à l’Organisation communiste des travailleurs (OCT), les divergences s’accumulent et l’organisation éclate au début des années 1980. D’ailleurs, si l’OC GOP était engagée dans la défense des droits des travailleurs immigrés, elle était plutôt hostile à l’intégration de travailleurs étrangers, au nom du respect de leur autonomie. Position incompatible avec celle de l’OCR.

 

L’immigration, une « question centrale » pour VP dès sa création

 

Dès sa création en 1978, VP fait de la question de l’immigration une « question centrale », considérant que « la division de la classe ouvrière entre Français et immigrés est la principale question aujourd’hui, pour des raisons qui tiennent à l’histoire et à l’actualité de l’impérialisme, le point clé de l’unité de classe est l’unité entre Français et immigrés » [14]. Selon VP, la lutte pour l’égalité des droits n’est pas principalement dirigée vers les immigrés, mais vise en premier lieu les Français influencés par « le chauvinisme impérialiste et révisionniste ». En 1981, VP fait encore campagne contre les lois discriminatoires dont sont victimes les travailleurs immigrés et, à cette occasion, souligne le caractère « anti-ouvriers de ces lois ». Toutefois dans son bilan, l’organisation reconnaît qu’avoir « laissé de coté la question du racisme » était une erreur. En effet, « si objectivement ces lois ne sont pas racistes au sens exact [puisque ce sont des lois de division de la classe], il n’empêche que le gouvernement s’appuie sur le racisme pour les faire passer et le crée à l’occasion ». De plus « les immigrés ressentent spontanément le problème ainsi ». L’organisation reconnaît donc avoir fait une erreur en négligeant l’enjeu du racisme, « point d’appui idéologique pour faire passer ces lois et préparer l’Union nationale ».
Au début des années 1980, il y a débat dans VP à propos du travail de dégagement des ouvriers immigrés en tant que militants communistes. Devait-on seulement chercher à le faire dans la lutte des classes en France, à partir de leur situation de prolétaires, en traitant peu les tâches de la lutte au pays ? Ou, au contraire, fallait-il articuler les deux ? L’organisation a tranché en affirmant nécessaire la prise en compte de la lutte politique (nationale et anti-impérialiste) dans leur pays dans leur politisation. L’aspect principal restant la lutte politique ici, mais menée d’un point de vue internationaliste.

 

Construire l’unité de classe dans un contexte de pression réactionnaire accentuée !

 

L’objectif de l’organisation est le même qu’à sa création : construire l’unité de la classe en organisant toutes les fractions de celle-ci. Mais, aujourd’hui, le contexte politique et idéologique est marqué par une pression réactionnaire plus forte qu’il y a quarante ans. Tant au niveau national qu’international.

 

Les Français ou les étrangers originaires de pays dits musulmans sont particulièrement stigmatisés. Un racisme et une méfiance affichés les frappent. Poussant un certain nombre de travailleurs, par réflexe de défense, à revendiquer et à affirmer en positif l’identité que la bourgeoisie et ses médias dénoncent.
Dans un tel contexte, l’orientation proprement politique de la lutte pour l’unité (égalité de tous les droits politiques, reconnaissance des droits des pays dominés à l’indépendance et à l’expropriation des biens impérialistes dans leurs pays) est toujours nécessaire. Ces exigences affirment que les communistes ne partagent en rien les intérêts, les conceptions de l’Etat impérialiste, et nous opposent au chauvinisme impérialiste. Conditions nécessaires, mais non suffisantes, à la participation pleine et entière des prolétaires étrangers de France à la construction du parti.
En 1987, un militant étranger en quittant VP avait dit combien il avait été ébranlé par les préjugés de certains militants de l’organisation à l’égard de l’Afrique. Combien il avait perçu dans des remarques anodines des préjugés « de civilisés » à l’égard de sociétés qui étaient perçues comme ne l’étant pas. Il confirmait ainsi qu’en dépit d’un engagement sincère anti-impérialiste et révolutionnaire, les militants français peuvent porter, à leur insu, des préjugés, des visions construites par la bourgeoisie impérialiste et ses médias, qui choquent les travailleurs des pays dominés.
Ces préjugés et ces idées nuisent à l’unité de l’organisation, et la lutte idéologique et politique contre elles doit être menée. Mais comment ?

 

Au niveau de masse, des organisations de femmes, ou de travailleurs étrangers, permettent la prise en compte de leurs besoins spécifiques dans la lutte collective. Elles favorisent l’expression de militants qui sont dominés plus que les autres dans la société et l’ont été dans le mouvement ouvrier, du fait de son machisme, ou de son chauvinisme. Mais comment traiter cela au sein de l’organisation communiste ?
Au sein de l’organisation communiste, il ne faut pas craindre, mais au contraire encourager la lutte idéologique sur les contradictions relevant des origines nationales, des genres, des orientations sexuelles, etc… et des dominations qui y sont associées. Cette lutte contre des pratiques ou des idées qui peuvent nuire à l’unité politique sur des bases internationalistes, est indispensable. Toutefois, les formes dans lesquelles elle doit être menée reste encore flou au sein de VP, bien que cette lutte soit perçue comme une nécessité, pour faire face de façon unie aux agressions réactionnaires de la bourgeoisie.
Nous avons vu que la constitution d’organisations autonomes permanentes au sein du Parti pouvait contribuer à saper l’unité et renforcer les particularismes nationaux ou autres au détriment de l’unité. C’est la position théorisée par Lénine. Mais l’ignorance des contradictions, des effets de domination à l’intérieur du Parti ou de l’organisation et l’absence de leur traitement nuisent aussi à l’unité. Consciente du problème, l’organisation ne l’a pas encore traduit dans ses modalités pratiques.

 

Voie Prolétarienne entend développer l’unité politique du prolétariat multinational de France. Cela concerne en premier lieu la contradiction entre « immigrés » et « Français ». Faire vivre politiquement la caractère multinational de la classe ouvrière de France ne peut se faire en niant, ou plus souvent en ignorant, les apports des travailleurs étrangers au combat politique, ici et dans leur pays. Construire l’unité du prolétariat multinational de France, c’est développer en positif une culture ouvrière internationaliste, non pas dans les mots, mais porteuse des luttes de tous les peuples dont sont originaires ceux qui le forment.

Le Bund et la question de l’autonomie

 

Le Bund (Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie), est fondé à Vilne (aujourd’hui Vilnius, capitale de la Lituanie) en 1897. Il veut unifier tous les travailleurs juifs de l’Empire russe dans le cadre d’un parti socialiste unifié.
Bien que le terme « juif » soit dans le nom du parti, ses fondateurs ne voulaient pas créer un parti spécifiquement juif : ils sont des sociaux-démocrates qui travaillent en milieu juif et yiddish. Pour eux, le parti devait être un détachement du mouvement socialiste russe œuvrant en milieu juif.
Le Bund est un parti socialiste laïque, s’opposant à ce qui lui parait réactionnaire dans la vie traditionnelle juive. Le Bund marque la rupture d’une tradition juive ancrée dans les communautés de Russie. Un aspect de cette rupture est une stricte égalité hommes-femmes dans le Bund.
Créé avant le Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), le Bund est une fraction constituante de ce parti au Congrès de Minsk tenu en mars 1898. Au cours des cinq années suivantes, le Bund est reconnu comme étant le seul représentant des travailleurs juifs au sein du POSDR, même si beaucoup de socialistes russes d’origine juive rejoignent le Parti directement.
Au second congrès du POSDR en août 1903, le statut de l’autonomie du Bund à l’intérieur du parti est rejeté à la majorité et les délégués du Bund quittent alors le Congrès. Le Bund rejoint ensuite formellement les rangs du POSDR lorsque toutes ses fractions se réunifient au 4ème congrès (de l’Unité) tenu à Stockholm en avril 1906. En général, le Bund tend à soutenir la fraction des Mencheviks et s’oppose à la fraction bolchevique conduite par Lénine.
Il combat en effet la prétention du Bund à représenter tous les « Juifs ». Selon lui le POSDR, « afin que personne ne puisse lui attribuer un caractère national, s’est donné le nom de parti de Russie et non de parti russe ». Il considère en 1905 que « l’organisation des ouvriers juifs — le Bund — y [étant] entrée en conservant son autonomie, l’unité des sociaux-démocrates juifs et non juifs dans un seul parti s’est malheureusement trouvée détruite ». Il affirme alors que de ce fait « des idées nationalistes nettement contraires à l’idéologie de la social-démocratie se sont répandues parmi les militants du Bund » et que « au lieu de chercher à rapprocher les ouvriers juifs et non juifs, le Bund s’est engagé dans la voie de l’isolement des ouvriers juifs, en faisant ressortir dans ses congrès le particularisme des Juifs en tant que nation ». […] « S’obstinant à se déclarer le seul représentant du prolétariat juif, le Bund ne voulait, en outre, admettre dans ses activités aucune limite régionale. Le IIème Congrès du P.O.S.D.R. ne pouvait, évidemment, accepter ces conditions, car dans de nombreuses régions — dans le sud de la Russie, par exemple — le prolétariat juif organisé adhère directement au parti » [15].
Le Bund s’oppose au sionisme, affirmant que l’émigration en Palestine n’est qu’une forme de fuite en avant. Lors de son 4ème congrès, le Bund définit « le sionisme comme une réaction de la classe bourgeoise contre l’antisémitisme et la situation anormale du peuple juif. Le sionisme politique érigeant pour but la création d’un territoire pour le peuple juif ne peut prétendre résoudre la question juive, [...] ni satisfaire le peuple dans son ensemble ». Toutefois, cela n’empêcha pas beaucoup de bundistes d’avoir des sentiments sionistes et le Bund connut une hémorragie continue de militants qui prennent le chemin de l’émigration. Beaucoup de bundistes, comme Ben Gourion [16], sont devenus des militants des partis sionistes de « gauche » en Palestine, puis en Israël.
Le Bund a été favorable à la Révolution de février 1917, mais n’a pas soutenu la Révolution d’Octobre menée par les Bolcheviks. Avec la guerre civile russe et l’augmentation des pogroms antisémites des nationalistes et des Blancs, le Bund reconnaît le gouvernement soviétique et ses membres combattent dans l’Armée rouge en grand nombre. En avril 1920, le Bund se scinde, perdant son aile gauche au profit des Bolcheviks. En 1922, le Bund avait cessé d’exister comme parti indépendant dans la nouvelle Union soviétique.
L’expérience du Bund, son échec, ne vaut pas comme réponse définitive à la question de « l’autonomie » des minorités dans le cadre d’une organisation révolutionnaire. Mais elle révèle l’ambiguïté de la question de l’autonomie. Le Bund ne se voulait une organisation autonome que pour faciliter l’adhésion au socialisme des prolétaires juifs en prenant en compte la lutte contre les obstacles idéologiques qui leur étaient propres. Mais il a cultivé aussi un nationalisme dont a bénéficié le sionisme en dépit de l’hostilité du Bund à ce courant. Enfin et surtout le révolution d’Octobre et la guerre civile, devenues la forme exacerbée de la contradiction de classe, a poussé une fraction des prolétaires juifs à rallier le Parti communiste, les autres émigrant en Palestine. C’est-à-dire à reconnaître comme principale la contradiction de classe dans cette phase aiguë de la lutte politique.

[1Cette attitude est développée dans l’article « Même patron, même combat ? » de ce même dossier.

[2Voir encart sur le Bund

[3Selon la position énoncée en 1905, par Lénine, à propos de la minorité opprimée juive : « Les ouvriers de toutes nationalités — et surtout ceux qui ne sont pas de nationalité russe — subissent en Russie un joug économique et politique tel qu’on n’en voit dans aucun autre pays. Les ouvriers juifs souffrent à la fois d’une oppression économique et politique, particulièrement pesante pour eux en tant que nationalité privée de tous droits, et d’une oppression qui les dépouille des droits civiques élémentaires. Plus cette servitude est lourde, et plus est grande la nécessité de l’union la plus étroite entre les prolétaires des diverses nationalités, faute de quoi une lutte victorieuse contre l’oppression serait impossible. Plus l’autocratie spoliatrice s’emploie à semer la discorde, la méfiance et la haine entre les nationalités qu’elle opprime, plus sa politique qui pousse les masses inconscientes aux pogroms est infâme, et plus, sociaux-démocrates, nous devons travailler à fondre tous les partis sociaux-démocrates isolés, appartenant à diverses nationalités, en un seul Parti ouvrier social-démocrate de Russie ».
https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/05/vil19050531.htm

[4La CGT est réformiste après l’exclusion des syndicats révolutionnaires par la majorité. Les exclus se constituent en 1922 en une Confédération générale du travail unitaire (CGTU), qui travaille alors en étroite collaboration avec le Parti communiste et rejoint l’Internationale syndicale rouge (ISR).

[5Hô Chi Minh est né le 19 mai 1890 et mort le 2 septembre 1969 à Hanoï. Il est le fondateur du Parti Communiste vietnamien et de la République démocratique du Viêt Nam. Il adhère à la SFIO en 1919. Au congrès de Tours en décembre 1920 qui donne naissance au Parti communiste, il se fait remarquer par son intervention sur les colonies. À partir de 1922, il fait partie de l’Union intercoloniale. En 1923, il est à Moscou. Il est nommé vice-président de l’Internationale paysanne de l’Internationale communiste, qui l’envoie en Chine pour former les bases d’une organisation révolutionnaire indochinoise. Arrivé à Canton en novembre 1924, il y recrute de nombreux Indochinois exilés (dont des nationalistes) et il y fonde en 1925 le Thanh Nien (Jeunesse Révolutionnaire du Vietnam). À Hong-Kong, en février 1930, avec l’aide de Mao, il fonde le Parti communiste indochinois (PCI) pour inclure le Cambodge et le Laos.

[6Messali Hadj, né à Tlemcen le 16 mai 1898 et mort à Gouvieux, dans l’Oise, le 3 juin 1974. Il a joué un rôle pionnier dans le processus menant à l’indépendance algérienne. Il réclame dès 1927 l’indépendance de l’Algérie. Il est le fondateur du Parti du peuple algérien (PPA), du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et du Mouvement national algérien (MNA). Messali crée le MNA après l’insurrection engagée par le Front de libération nationale (FLN). Dès 1957, le MNA est décapité par le FLN et Messali Hadj privé de tout rôle après la création de la nouvelle République algérienne.

[7En janvier 1956, les élections législatives sont une victoire de la gauche réunie dans un Front républicain, que le PCF soutient sans y participer. La gauche a promis la fin de la guerre par la négociation, mais dès février Guy Mollet, dirigeant socialiste et Président du conseil (Premier ministre), sous la pression des colons abandonne ses promesses politiques. Il demande en mars les pouvoirs spéciaux pour intensifier la guerre contre le peuple algérien. Le PCF vote les pouvoirs spéciaux en espérant obtenir ainsi des reformes sociales du gouvernement PS.

[8La Gauche prolétarienne (GP), créée en France en septembre 1968, est une organisation se voulant maoïste et se réclamant de l’héritage du Mouvement du 22 Mars et de l’UJC (ml) après la dissolution par décret de ceux-ci le 12 juin 1968.
Voir à ce sujet l’article « Histoire de la Gauche Prolétarienne » paru dans Partisan Magazine N°2 de mai 2015.

[9Voir article de Abdellali Hajjat dans Plein droit n°67, décembre 2005 « Le MTA et la « grève générale » contre le racisme de 1973 ».

[10Succès important dans les mines du Nord, sur le chantier de l’aéroport de Roissy, la grève a peu d’impact parmi les OS immigrés de l’automobile (Idem).

[11Idem

[12L’Organisation communiste Révolution, plus connue sous le nom de « Révolution », a été crée en 1971 par une scission de la Ligue communiste révolutionnaire. Elle ne se définissait pas comme trotskiste et reconnaissait le rôle positif de la Révolution culturelle chinoise. En 1976, elle a fusionné avec l’OC GOP pour former l’Organisation communiste des travailleurs (OCT).

[13Groupe maoïsant issue en 1972 du Parti socialiste unifié. Elle fusionne en 1976 avec Révolution pour donner naissance à l’OCT. Certains militants de la Gauche ouvrière et paysanne (GOP) refuseront cette fusion et rejoindront l’OCML VP.

[14Bilan de la campagne égalité des droits de 1979 de l’OCML VP.

[15Lénine, « Aux ouvriers juifs », 1905
https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/05/vil19050531.htm

[16Fondateur de l’État d’Israël, dont il est Premier ministre de 1948 à 1953 et de 1955 à 1963.

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