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Interview : lutte et conditions de travail au CHU de Purpan à Toulouse

Nous avons interviewé une militante, infirmière au CHU de Purpan à Toulouse, sur ses conditions de travail et sur la lutte qui commence dans son service.

 

Peux tu nous expliquer le départ de la lutte dans ton service ?

 

Je travaille dans le service des urgences de Purpan à Toulouse. Depuis des années, nous dénonçons le manque de personnel dans le service ainsi que le manque de moyens. Nous devons faire face à trop d’activité par rapport à la capacité d’accueil et au nombre de soignant·e·s.
Depuis la mi-décembre, on connaît une phase aiguë de cette situation chronique. Nous avons plus de patient·e·s que nous sommes obligé·e·s de mettre dans les couloirs. Nous avons de plus en plus de prises en charge défaillantes et, bien sur, une attente interminable pour les patient·e·s ! Cette situation met en danger les patient·e·s mais aussi le personnel soignant.
Cette situation a provoqué un événement grave dans le service qui a conduit le personnel a poser un DGI (Danger Grave et imminent). De là, s’est enchaînée toute une série de rencontres avec la direction. Pour seule réponse, nous n’avons eu que mépris de leur part. En même temps ce n’est pas très étonnant. S’est donc enclenchée une mobilisation sur le service.

 

C’est le seul service au CHU qui est en lutte ?

 

Non, Ce n’est pas le seul service en lutte. Depuis plusieurs mois, des services d’orthopédie sont en grève ainsi que les ambulanciers et le service technique. Plus récemment on a vu le service de néonatologie se mobiliser. Les urgences psychiatriques sont également entrées en grève au même moment que nous.
Dans chaque AG, on pousse pour relier ces luttes car nous avons des revendications communes entre tous ces services. En plus, les agents savent que c’est seulement en étant unis contre la direction qu’on arrivera à obtenir quelque chose.

 

Comment se passe la lutte ?

 

Dans notre service des urgences, il n’y a pas eu de mouvement depuis longtemps. La mobilisation actuelle nous a permis de relever la tête et de se rendre compte de notre souffrance au travail et de celle des patient·e·s. Beaucoup de collègues sont donc très motivé·e·s et déterminé·e·s dans cette lutte. La mobilisation nous a permis de parler collectivement des soucis dans le service, de nous faire entendre. Il faut vraiment que tout le monde comprenne qu’on ne peut plus continuer à travailler dans ces conditions.
Les différentes rencontres avec la direction ont renforcé le sentiment collectif qu’on est vraiment pas dans le même camp et qu’ils ne nous feront aucun cadeau. On se rend vite compte que c’est seulement en imposant un rapport de force avec la direction qu’on arrivera à faire bouger les choses !
Nous sommes une grosse équipe dans ce service et nous travaillons tou·te·s en horaires décalés. C’est donc difficile de mobiliser tout le monde. Nous devons donc nous faire entendre et nous rendre visibles de tous et toutes. On marque alors des slogans sur nos blouses, on affiche sur les portes du service et on essaie de rendre vivant la lutte par des actions de visibilité (pancartes, banderoles, rassemblements bruyants et festifs...).
Nous ne sommes pas au stade de la grève dure, même si un préavis de grève est en cours depuis une semaine. Nous avons pas mal de contractuel·le·s dans le service, ce qui complique aussi la mobilisation. Les syndicats présents (Sud, CGT et CFDT) nous aident et nous soutiennent, même si on voit rapidement des lignes et des modes d’action différents. Pour l’instant, on a décidé de se concentrer sur une journée d’actions/grève par semaine.

 

Nous sommes en plein mouvement des Gilets jaunes. Y a t-il connexion avec le personnel en lutte ?

 

Au début du mouvement des Gilets Jaunes, ça avait pas mal prit ici au CHU. Pas mal de collègues en parlaient, certain·e·s allaient sur les ronds points ou en manif le samedi. Aujourd’hui, ça en parle moins, même si on sent une approbation du mouvement. Certains sujets, comme celui de la violence, fait encore beaucoup débat.
Par contre, le sujet du manque de moyen dans la santé traverse le mouvement des Gilets Jaunes depuis le début. On voit sur les ronds points ou aux manifs des affiches sur nos conditions de travail mais aussi sur celles des personnels des EHPAD ou des cliniques. Sur les dernières actions qu’on a pu faire sur le CHU, certains Gilets Jaunes sont venu nous soutenir. Leur présence a été très apprécié, ça a permis de faire des connexion entre différentes luttes.

 

La santé est un secteur très féminisé. Peux tu nous parler des conditions des femmes dans ton travail ?

 

Oui, effectivement, nous sommes une majorité de femmes dans le personnel soignant. Déjà, ce n’est pas anodin. Tout les secteurs touchant aux services à la personne, à la santé en général sont majoritairement investit par des femmes. Ce sont elles qui sont le plus impactées par les horaires décalés, le travail de nuit... A cela s’ajoute le boulot domestique, qui est encore porté majoritairement par les femmes. C’est une problématique à porter, surtout en temps de lutte. Comment peut-on s’organiser et lutter avec nos vies déjà bien remplies ? Moi je suis infirmière, je n’ai pas les pires conditions de travail. Les aides soignantes mais aussi le service de nettoyage, encore avec une majorité de femmes, ce sont elles qui triment le plus. Elles doivent porter leurs revendications spécifiques, en tant que femmes prolétaires. Il ne faut absolument pas invisibiliser ces problématiques.

 

Au delà de cette lutte pour les conditions de travail, que penses tu de la restructuration de l’hôpital en cours ?

 

On peut le voir depuis quelques années, les luttes se multiplient à l’hôpital. Et les revendications sont toujours les mêmes : les conditions de travail de plus en plus déplorables, le manque de personnel, de moyen, la prise en charge des patient·e·s qui se dégrade... Ce n’est pas anodin. C’est la logique capitaliste. Chercher à faire toujours plus de profit, même dans le domaine de la santé. Alors, ça restructure à tout va, au détriment des patient.e.s et du personnel soignant. L’hôpital, comme le reste, est géré comme une usine. On broie au maximum les travailleur·euse·s, on sous-traite un maximum, on planifie en sous effectif... Face à cette logique sinistre, les luttes dans la santé doivent s’organiser et nous devons construire les solidarités !

 

Correspondant·e·s OCML VP

 

Vidéo d’une des nombreuses actions durant la mobilisation. Prochain rendez-vous mardi 5 mars dès 9H devant l’Agence Régionale de Santé (10 chemin du raisin - 31000 Toulouse).

 

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