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Aux USA comme en France, l’Etat traite les pauvres en ennemis

Editorial de Partisan N°197 (octobre 2005)

Il y a bien des points communs entre la catastrophe dans le Sud des États-Unis et les incendies ayant eu lieu en région parisienne !

D’abord, il s’agissait de désastres prévisibles. Pour ce qui est des USA, de multiples études prévoyaient ces inondations en cas d’ouragan important. Malgré cela, les moyens prévus pour ce type de crise ont été amputés au profit de l’action dite « anti-terroriste ». Avec l’arrivée de l’ouragan, le pouvoir a demandé aux habitants d’évacuer mais sans leur fournir aucuns moyens. Résultat : les plus pauvres, plusieurs dizaines de milliers, sans voiture et sans argent, sont restés. Ensuite, les victimes, déjà désignées coupables pour ne pas avoir évacué, ont attendu en vain des secours et ont dû, pour se nourrir, commencer à se servir dans les magasins. Les chaînes de télé, à partir de ces images, ont dressé un tableau horrible de territoires livrés aux « bandes de pillards ».

Enfin, si l’État s’est allégé dans sa capacité à gérer les problèmes collectifs, il s’est renforcé dans ses capacités de répression. Montrer sa force, répondre aux critiques, c’était, tout à fait logiquement, mettre en oeuvre ces forces de répression.

Cinquante mille hommes en armes ont
ainsi été déployés sur les zones dévastées.
Mais leur « mission » n’était pas de
porter secours. Il s’agissait de reprendre
le contrôle de ces zones et d’empêcher
les pillages. Bref, de défendre la propriété
privée. De nombreux cas de personnes
abattues ont été signalés. Ces forces
manoeuvrent comme en zone d’occupation.
Comme en Irak, d’où reviennent
d’ailleurs certaines de ces troupes.
L’ennemi, cette fois, c’est le travailleur
pauvre... et noir de surcroît ! D’autant
plus dangereux qu’il commence à s’organiser
pour remplacer l’État défaillant.
Le gouvernement français a proposé
son aide aux USA ; les journaux couvrent
l’événement et tous prétendent que
cette défaillance de l’État ne pourrait
arriver ici. La preuve ? Les inondations
du sud de la France et les réactions
exemplaires des préfets ! C’est oublier
rapidement les 15 000 morts de la canicule
de 2003. Si l’État a été efficace alors,
c’est dans le camouflage de l’ampleur
du désastre.

Quant aux incendies parisiens, ils
étaient eux aussi prévisibles : la construction
HLM en déclin depuis 25 ans,
la sélection, par les offices, des candidats
les plus solvables, la quasi-disparition,
dans le privé, des logements en loi de 48
qui constituaient un logement social de
fait, la montée du prix du foncier, favorisée
par tous les gouvernements, etc.
Tout cela aboutit à des listes d’attente
énorme pour un logement HLM de plus
en plus inaccessible. Cela produit les
marchands de sommeil qui s’engraissent
sur le dos des victimes de la crise
du logement. Cela produit des taudis de
plus en plus dégradés qui attendent la
prochaine opération immobilière.
Et quand ces foyers de tuberculose et de
saturnisme flambent, que fait le gouvernement
 ? Il dénonce ses occupants.

Coupables de vivre là-dedans. Coupables
de leur précarité, de leur pauvreté. Et
comme, il n’est évidemment pas question
de remettre en cause une politique du
logement à l’oeuvre depuis trente ans, la
solution, comme pour la Nouvelle-
Orléans, est militaire. Ils envoient ses sections
armées pour vider les squats.
Le pouvoir, aux USA comme en France
traite les pauvres comme des ennemis.
Mais le pauvre est aussi un travailleur,
un sans-papiers qu’il s’agit de terroriser
pour qu’il accepte ses conditions de travail
humiliantes en se faisant invisible,
un chômeur que les nouvelles mesures
pousse vers des travaux de plus en plus
précaires.

Et le Contrat Nouvelle Embauche qui
s’annonce ! Il est prévu pour deux millions
de personnes licenciables, à n’importe
quel moment, sans justificatifs. Il
n’y a pas loin entre la matraque qui vise
les sans-papiers squatters et la contrainte
organisée pour exploiter au plus bas
coût de plus en plus de salariés.
Face à cela, il ne sert à rien de demander
aux soi-disant pouvoirs publics
qu’ils prennent leurs responsabilités. Ils
les prennent déjà dans cette guerre
qu’ils mènent contre nous. Il devient de
plus en plus absurde de réclamer de
l’État capitaliste qu’il nous protège des
catastrophes qu’il entraîne. Si nous voulons
un État protecteur, c’est à nous de
le construire après avoir abattu celui-ci.
La seule issue est dans notre organisation
durable. En tant que sans-papiers,
chômeurs ou salariés, nous avons
besoins de construire, renforcer nos collectifs,
nos syndicats de lutte. Mais surtout,
en tant qu’exploités, il nous faut
nous organiser politiquement et construire
le parti qui nous manque pour
nous orienter face à cette guerre qu’ils
nous mènent.

DES PAPIERS POUR TOUS ! UN LOGEMENT DÉCENT POUR TOUS !
UN EMPLOI ET UN SALAIRE DÉCENT POUR TOUS !

A lire dans Partisan n°197 :

Télécharger Partison 197 en pdf (825 ko)

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