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Défense de l’emploi et écologie/environnement

Partisan Magazine N°17 - Juin 2021

Jusqu’il y a peu de temps, les syndicalistes qui se revendiquaient écologistes n’avaient pas bonne presse dans leur syndicat, en particulier dans la CGT. Et réciproquement.

D’un côté les ultra-productivistes aveugles sur ce qu’on appelle les « dégâts du progrès », prêts à défendre l’emploi quelle qu’en soit la nature et quel qu’en soit le coût environnemental. De l’autre les ultras écolos intégristes qui revendiquent la fermeture de toutes les usines un tant soi peu polluantes, sans le moindre état d’âme pour les travailleurs envoyés au chômage, « ils n’ont qu’à aller travailler ailleurs ». Voir l’article qui suit sur l’exemple de la SNEM à Montreuil.

Il a fallu les grandes catastrophes industrielles du 20ème siècle pour que les choses commencent à bouger, Bhopal, Seveso, Tchernobyl et Fukushima, AZF et tant d’autres. Défendre l’emploi à n’importe quel prix, ça a commencé à faire désordre.

La CGT d’AZF a éclaté sur le sujet, entre les ultras productivistes qui ont cherché les raisons de l’explosion dans des complots improbables, alors que le CHSCT et la Fédération de la Chimie remettaient en cause à juste titre la responsabilité de Total.

Et petit à petit l’ambiance a changé, on voit désormais même Martinez avoir de bonnes relations avec Greenpeace, le PC et la France Insoumise se revendiquer d’une transition écologique et sociale « juste ». A la base, à Lubrizol (76), à Mourenx (64) contre SANOFI – voir Partisan Magazine N°15, sur l’étang de Berre (13) face à Arcelor et aux raffineries, des rencontres ponctuelles ont eu lieu, des alliances se sont construites, syndicats et riverains contre les toxiques chimiques. De leur côté les ultras écolos intégristes ne bougent pas d’un millimètre, mais est apparu un courant « écologique et social » radical, soucieux de prendre en compte la défense des travailleurs qui a quelque peu marginalisé les premiers.

C’est la lutte de la Papeterie La Chapelle Darblay, dans la banlieue de Rouen, qui va matérialiser le mieux ces évolutions et alliances. L’usine est dédiée au papier recyclé (hautement écologique, donc), et son patron veut la fermer, d’où une alliance inédite syndicats et écologistes pour sauver « la dernière usine de papier recyclé en France ».

L’argument est celui du recyclage – écologique par définition. Nous nous permettons d’être circonspects, car si la défense de l’emploi est évidemment incontestable, s’appuyer sur un argument économique très capitaliste, aussi écologique soit-il, n’est pas plus juste que la défense d’un arsenal militaire au nom du « Tuons français »… C’est encore une fois lier le sort du travailleur au sort de l’entreprise, une sorte de Greenwashing syndicalo-réformiste adapté à l’air du temps écolo.

Mais alors que dire des entreprises de recyclage Paprec, véritables bagnes anti-ouvrier ? Que dire de l’entreprise Environment Recycling dans l’Allier, véritable enfer chimique à ciel ouvert ?

Que dire des serres industrielles de production bio en Espagne ? Que dire de la production de voitures électriques (alimentées par l’électricité des centrales nucléaires) ? C’est quoi, au final, une production écologique dans un monde capitaliste ?

Comprenons-nous bien. Bien entendu, du point de vue de la nature et en première analyse, il vaut mieux produire du papier recyclé que de couper des arbres. Le problème, c’est d’en faire une perspective pour la défense de l’emploi, en forme de projet de société. Là, nous ne sommes pas d’accord ! C’est la nouvelle version modernisée du capitalisme à visage humain, et écologique bien sûr !

Alors, on ne peut rien faire, tout cela ne sert à rien ?
Absolument pas. Le combat écologique doit devenir une partie prenante du combat contre l’exploitation. Ce qui veut dire que les travailleurs doivent sans attendre les difficultés prendre la parole pour dénoncer toutes les atteintes à l’environnement, à la santé des travailleurs comme des riverains. Oui, ils sont très bien placés pour dénoncer les risques qu’ils vivent au quotidien.

Ils doivent sur cette base chercher des alliés dans la population riveraine, pour constituer des collectifs d’unité ouvriers/riverains contre les risques industriels, les atteintes à l’environnement et les risques chimiques. Mettre les usines à risque sous contrôle, exiger des analyses indépendantes, imposer les modifications nécessaires, jusqu’à l’abandon de produits et procédés trop risqués et incontrôlables. Et sur cette base exiger le reclassement dans d’autres productions moins aléatoires.

Dans ce travail de mobilisation et de confrontation, conscience et organisation grandiront à la fois de la nature profonde du capitalisme (et donc de tout ce qu’il y a à changer), et des forces à construire, qui sont les amis, et qui sont les ennemis, et qui sont les faux amis qui se cachent pour mieux nous tromper.

Et si l’emploi est un jour menacé, ils auront un réseau d’alliés déjà construit pour les combats à venir.

Nous l’avons dit, des expériences ont commencé à se mener ici et là, et c’est une bonne chose. C’est encore difficile parfois, beaucoup de confusion tant la force des réformistes pollue tout.
Mais c’est la voie à suivre

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