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Démocratie et Révolution, la plateforme de VP

Partisan Magazine N°19 - Mai 2022

Depuis l’origine notre organisation s’est démarquée des courants politiques qui proposent un projet de « démocratie pure », de capitalisme démocratique, qu’il s’agisse l’appareil d’Etat, du système électoral ou des entreprises.

Plutôt que de réécrire une nouvelle fois ce que nous disons depuis plus de 40 ans, nous publions ci-dessous des extraits de notre plateforme politique. Celle-ci date de 1993, mais sur ces paragraphes au moins, n’a pas pris une ride ! Alors voici trois extraits significatifs.
• Le premier se positionne face au parlementarisme et aux élections, sujet particulièrement sensible en cette période électorale, entre présidentielles et législatives.
• Le deuxième aborde la question du combat pour la démocratie, pas en tant que recherche d’une illusoire démocratie parfaite à la sauce réformiste, mais comme partie intégrante du combat de classe.
• Enfin, le dernier extrait aborde notre conception de la démocratie, comment nous la voyons et la mettons en œuvre aujourd’hui pour la démocratie prolétarienne de demain.
Cet article sert d’introduction au dossier de ce magazine, nous revenons ensuite dans d’autres articles sur des sujets plus politiques et d’actualité. Mais il était nécessaire de commencer par exposer notre vision du monde et nos conceptions politiques.

Cahier n°1

350 - Démocratie pour les bourgeois, pas pour les travailleurs !

Le discrédit des pays de l’Est, faussement qualifiés de "socialistes", est, pour les idéologues bourgeois, l’occasion rêvée de redorer le blason de leur "démocratie". Et pourtant...

351 - Démocratique : l’État bourgeois ne l’est que pour la bourgeoisie.

Le parlementarisme serait le fin du fin de la "démocratie" ; l’expression de la volonté et du pouvoir du peuple ? En fait, il n’a jamais été, dans le meilleur des cas, que le moyen donné au peuple de choisir des "représentants" qui se sont toujours pliés, de gré ou de force, aux exigences du capital. La démocratie parlementaire a toujours été une illusion. Elle l’est d’autant plus que la réalité du pouvoir passe du parlement à l’exécutif et à la formidable machine bureaucratique des ministères et des commissions diverses. Elle tend aujourd’hui à tomber entre les mains des institutions internationales. C’est là, de plus en plus souvent, que se préparent, en concertation avec les représentants des trusts impérialistes et des banques, la politique économique, les lois et les décrets, qui n’auront plus qu’à être avalisés par les "représentants du peuple".

Ce sont des fonctionnaires du capital qui détiennent la réalité du pouvoir et qui assurent, par-delà les aléas des élections et des alternances politiques liées au multipartisme, la continuité du pouvoir bourgeois et de sa politique.

Les arbitrages qui s’imposent entre les différentes fractions de la bourgeoisie s’exercent au parlement ; mais aussi et surtout à travers les luttes d’influences qui se déroulent dans les cabinets ministériels et des institutions centrales de l’État. Cependant, la préservation du pouvoir de la bourgeoisie exige qu’elle exerce sa dictature sur le peuple. Aussi n’a-t-elle jamais négligé les appareils de répression : armée, police, justice... qui sont ses ultimes remparts. Elle sait les utiliser quand sa domination idéologique et politique ne parvient plus à faire accepter au peuple son exploitation et sa soumission.
Lorsque le pouvoir de la bourgeoisie est menacé, elle n’hésite pas à user des armes. L’expérience en a été faite à de nombreuses reprises par des réformistes plus ou moins radicaux. Allende au Chili, Aristide en Haïti, entre autres, en ont fait les frais.

Aujourd’hui, en France, la parole n’est pas aux armes ; tout simplement parce que les exploités sont trop faibles et inorganisés pour mettre en danger le pouvoir des bourgeois. Inutile pour ces derniers de serrer trop la vis ; ils risqueraient de provoquer la révolte.

Pourtant, les scandales qui éclaboussent les hommes politiques, leur incapacité à résoudre les problèmes de société, leur défense de l’ordre établi et leur coupure d’avec la réalité quotidienne que vivent les travailleurs... provoquent un abstentionnisme populaire croissant. Mais ce désaveu touche plus souvent les hommes, que le système politique dont ils sont le produit. D’où le risque que les exploités se tournent vers de nouveaux venus, tout aussi bourgeois.

Cahier n°3

570 - Combat démocratique et lutte pour la Révolution

La résistance des exploités ne se manifeste pas seulement dans les domaines de l’exploitation ou des conditions matérielles de d’existence. La tendance de l’impérialisme à la réaction conduit à étendre le combat sur le terrain démocratique : contre la répression, pour le droit à l’organisation et à l’expression des exploités, contre les discriminations racistes et sexistes, pour la défense des acquis démocratiques. Combat pour l’égalité des droits, contre la double peine, pour le droit d’asile, pour le droit à l’avortement, contre l’emprisonnement de militants... Ces combats ont repris de la vigueur ces dernières années, avec le discrédit des sociaux-démocrates dans un domaine dont ils prétendaient se faire les meilleurs défenseurs.

Le combat démocratique ne touche pas les fondements du capitalisme ; il ne remet pas en cause l’exploitation. Il risque a priori de déraper plus facilement vers des positions humanistes de défense de la "démocratie pure".

Nous ne défendons jamais la démocratie en général. Mais nous participons à ces combats pour développer notre conception de la démocratie prolétarienne, celle des exploités, dans le combat contre la tendance à la réaction de l’impérialisme. La définition des amis et des ennemis, la délimitation des camps dans le combat démocratique, ne se font pas entre "démocrates" et non démocrates, mais en dévoilant le contenu de classe de la question qui est en jeu dans ce combat. Nous ne pouvons pas faire alliance, même implicitement, avec le PS contre Le Pen, avec nos exploiteurs contre un ennemi au discours plus radical.

Néanmoins, nous participons à ces combats : pour convaincre les mouvements qui les portent des limites de la lutte démocratique pure ; pour les pousser jusqu’aux racines de classe de la lutte qu’ils mènent. Si nous revendiquons par exemple le droit de vote pour les immigrés, ce n’est nullement dans une perspective électoraliste et parlementariste, mais parce que c’est le moyen de supprimer une division, de favoriser le combat contre l’exploiteur commun.

Cahier n°2

430 - Pas de monde nouveau sans démocratie, sans dictature du prolétariat

Depuis plusieurs années, la bourgeoisie mène une intense polémique idéologique sur la question de la démocratie, en s’appuyant sur l’effondrement du bloc de l’Est et sur les erreurs passées du mouvement communiste.

431 - La démocratie a toujours un caractère de classe.

La démocratie "pure", ça n’existe pas. La démocratie n’est que la forme que prend, dans le domaine du droit et de l’organisation du pouvoir, la domination d’une classe sur une autre.

Dans la société bourgeoise, la liberté politique pour les exploités est conditionnelle. Elle est d’autant plus large que le pouvoir bourgeois n’est pas menacé. Bien des situations le montrent, comme la répression de la Commune de Paris, celle du mouvement populaire au Chili, le massacre du 17 octobre 1961, ou plus récemment l’attitude de la bourgeoisie face aux opposants à la guerre du Golfe.
Dans les usines, cette liberté est encore plus réduite. La bourgeoisie, dans tous les cas, garde le monopole du pouvoir. C’est elle qui se fait élire, c’est elle qui contrôle les médias et qui impose ses modèles idéologiques. Ce sont ses intérêts économiques qui s’imposent aux travailleurs, pour qui le droit au travail est un droit sans contenu réel.

Le parlementarisme, c’est le système de représentation électorale qui ôte aux masses tout pouvoir de décision et d’action sur leur propre vie. Il leur permet seulement d’élire, de temps en temps, des "représentants" qui échappent totalement à leur contrôle. Ce système favorise les rapports clientélistes et la démagogie populiste. Le parlement n’est d’ailleurs qu’une chambre d’enregistrement, puisque toutes les décisions importantes sont prises dans les cabinets ministériels. Elles sont en fait discutées avec les grands groupes financiers et industriels qui détiennent le pouvoir économique, et par conséquent la réalité du pouvoir politique.

432 - La dictature ouvrière : condition de la démocratie pour les travailleurs.

De même que la démocratie bourgeoise n’existe que tant qu’elle est garantie par la dictature de la bourgeoisie... la démocratie pour les ouvriers et les autres exploités, ce qu’on appelle la démocratie prolétarienne, ne peut se maintenir que si les ouvriers imposent leurs intérêts contre ceux de la bourgeoisie ; que s’ils imposent leur dictature sur la bourgeoisie.

Le mot dictature n’est pas populaire, mais il exprime bien ce dont il s’agit. Pour transformer la société, les ouvriers ne doivent pas occuper le pouvoir à la place de la bourgeoisie. Ils doivent briser l’appareil qui servait si bien cette classe : l’État bourgeois. Il leur faut construire un pouvoir différent, qui permette la participation de tous, mais qui impose la contrainte aux anciens comme aux nouveaux bourgeois.

Mais la liquidation de l’ancien appareil d’État ne peut pas être le fruit d’un décret. Seuls l’émergence et le développement de nouvelles structures étatiques, les Conseils, et la suppression de toute délégation absolue, caractéristique du parlementarisme bourgeois... pourront assurer sa destruction effective. Cette dictature ne peut donc s’imposer que par la mobilisation des masses ; par la lutte quotidienne, et le contrôle des travailleurs sur toute la société.

La démocratie, dans l’État de dictature du prolétariat, est fondée sur les Conseils Ouvriers, les Comités Populaires, ou autre appellation des organes du pouvoir : ces structures de masses qui apparaissent spontanément dans tout processus révolutionnaire. Ces conseils doivent permettre aux masses de prendre elles-mêmes progressivement en charge toutes les tâches de l’État, en réduisant le plus possible l’appareil spécial qu’il constitue. Cette démocratie, nous l’expérimentons aujourd’hui, à une petite échelle, dans les Comités de Grève.

La démocratie ouvrière est sélective et préférentielle. Elle exclut de l’appareil d’État les anciens exploiteurs, en leur interdisant par exemple la participation à ces conseils. Elle doit, en particulier au début, assurer une sur-représentation des ouvriers et réunir les conditions matérielles : temps, formation, etc., pour accroître leur participation. Cette démocratie est une des conditions de la transition au communisme, car la classe ouvrière est la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout.

Contrairement aux pratiques répandues, tant à l’Est qu’à l’Ouest, cela exige le débat politique le plus ouvert possible dans les conseils, pour pouvoir s’orienter dans la transition au communisme. Pas de discussions sans fin, mais un vrai débat, pour analyser, enquêter, décider, et appliquer majoritairement les décisions. Pour fonctionner durablement, cette démocratie exige la préservation des droits de la minorité.

Comme nous le rappelle douloureusement l’histoire, un État, même ouvrier, peut devenir un instrument d’oppression au service d’intérêts bourgeois. Le droit d’expression et d’organisation des masses, y compris pour se protéger de l’État, doit être garanti : droit syndical, droit de grève, droit et pouvoir de contrôle sur l’appareil d’État et sur les représentants élus...

Pour que ces droits ne soient pas formels, le parti et l’État ne doivent pas imposer par en haut aux organisations ouvrières, ni aux conseils, les dirigeants qu’ils jugent les meilleurs. La désignation des dirigeants des organisations de masses et des conseils doit être le fruit de la lutte politique, dans le respect d’un fonctionnement démocratique des organismes concernés.

Pour ce qui est du pluralisme des partis politiques sous la dictature du prolétariat, cette question n’est pas tranchée dans Voie Prolétarienne. Elle fait l’objet de discussions. Toutefois, on peut rappeler certaines données :

a) La première, c’est que le pouvoir du prolétariat, étant encore mal assuré pendant toute une période, ne pourra pas tolérer l’activité des partis qui se seront opposés à la révolution ou qui refuseraient d’inscrire leur activité dans le cadre du nouveau système politique.

b) La seconde, c’est que ni le multipartisme, ni le système de parti unique, ne préservent de la mainmise de la bourgeoisie, ancienne ou nouvelle, sur l’appareil d’État. Le multipartisme n’est pas la garantie de la démocratie pour les exploités. La démocratie prolétarienne repose d’abord sur la participation active et directe des travailleurs à la direction de la société, et sur la transformation de l’appareil d’État.

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