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Nouvelle France et immigration : pas de vacances pour la solidarité

Supplément à Partisan N°111 - Eté 1996

Un supplément de 6 pages, diffusé autour de l’expulsion et de la destruction du Foyer de la Nouvelle France à Montreuil le 4 juillet 1996. L’éditorial ci-dessous, le numéro complet à télécharger ci-dessous.


"Ça y est, ils l’ont fait. Le foyer rue de la Nouvelle France (bonjour le symbole) à Montreuil a été vidé par la police le 4 juillet et aussitôt rasé par les bulldozers.
Bien sûr, les résidents, qui dénoncent depuis un an les propositions de relogement, ont refusé de monter dans les cars gentiment mis à leur disposition.

Après une manifestation devant la mairie (rappelons que le maire, Brard, vient de quitter le PCF, parait-il sur sa gauche), ils ont été hébergé cette première nuit à la bourse du travail. Mais, dès le lendemain, la mairie exigeant qu’ils quittent Montreuil (puisque c’est le but, de les disséminer partout pour les rendre invisibles et saper les bases de leur vie collective), la CGT a subi les pressions et les a relégués dehors, sur le béton devant la Bourse où ils ont passé 2 nuits. Actuellement, ils sont hébergés provisoirement dans 2 salles, l’une appartenant à un centre protestant, l’autre à une association musulmane. Mais personne ne se bouscule pour les accueillir sur Montreuil et il va falloir rapidement qu’ils trouvent un endroit vivable pour continuer la lutte.

Car ce qu’ils demandent, plus personne n’en veut. Leur gros foyer d’origine près de la Porte de Montreuil a été détruit en 1980 et la mairie avait promis de reloger les plus de 200 résidents qui ne partaient pas sur Paris. C’est comme ça qu’ils se sont retrouvés dans des Algecos provisoires, pour au maximum 2 ans. C’était en 1980 ! Les travaux pour la reconstruction du foyer ont même commencé, mais ont été interrompus à l’arrivée de Brard comme maire. Les entrepreneurs ont été jusqu’à faire un procès à la mairie qui ne respectait pas ses engagements.

Bref, 15 ans plus tard et après plein de spéculations (le terrain a été vendu et acheté 3 fois par la mairie), on s’avise que les résidents de Nouvelle France sont toujours là (ils sont 330), dans des bâtiments forcément devenus insalubres. Au nom du refus des « ghettos », la mairie concocte un projet de relogement dans 7 sites différents, chers, mal conçus (chambres collectives, pas de salles communes, sanitaires insuffisants) ou carrément dans des foyers dans l’Oise pour plus de 100 résidents qui pour la plupart travaillent à Paris ou à Montreuil. Le problème majeur, c’est que les sites proposés sont petits : un seul a 80 places, les autres entre 17 et 45. Ce que mettent en avant les résidents, c’est que cela condamne leur système d’entraide basé sur la collectivité qui permet de continuer à faire vivre les chômeurs et à envoyer de l’argent à la famille au pays en Afrique.

Là est le fond et la divergence d’intérêt avec la mairie. Elle, dans un souci de gestion et de respectabilité (on sait que le maire de Montreuil trouve qu’il y a trop (d’ouvriers) maliens dans sa ville !) souhaitent les répartir et les éloigner. Le « ghetto » est le prétexte. En quoi de les loger dans des chambres sans vie sociale possible favorise leur intégration ? ce n’est que du vent. Là où cela devient franchement hideux, c’est que ces projets municipaux vont dans le même sens que ceux du gouvernement qui criminalise les foyers pour éradiquer (comme un corps étranger) ces lieux de vie collective qu’il ne contrôle pas (avec la jeunesse des cités, les foyers africains sont des lieux qui leur échappent, et donc qu’ils craignent). Le but profond est de rendre impossible la vie à ces travailleurs africains, et ainsi de les pousser à partir d’eux-mêmes, sans compter la pression et la division que cela exerce sur tous.

Et les résidents ? Justement, leur entêtement vital à maintenir leur vie collective (ils demandent à vivre en foyer, comme promis en 1980) se heurte à toutes ces menées. L’heure ne serait plus où les travailleurs décident de leurs besoins !

Et heureusement qu’ils sont têtus, les résidents, parce que le soutien qu’ils ont des organisations françaises est réduit à un noyau dur. A part le comité de soutien mis en place depuis un an (auquel participent l’OCL, la LCR, LO et VP), les autres se débinent joyeusement : le DAL, SOS, le MRAP, la CGT sont tentés par les propositions de Brard et gèrent un « soutien » à coups de communiqués. Caillot et Jacquard ont tenté leur médiation, sans succès.

Il ne reste plus que la voie ardue de changer le rapport de forces en contraignant la mairie et la préfecture à tenir compte de la volonté des résidents. Pour cela, il faut qu’ils trouvent un lieu d’hébergement vivable et qui serve d’appui au combat de popularisation qu’il faut relancer : vers les habitants de Montreuil et des alentours, vers les travailleurs du secteur qui doivent faire leur cette lutte à la pointe de l’opposition aux plans scélérats du gouvernement, et enfin vers les autres foyers pour les mobiliser davantage. L’été sera chaud à Montreuil. Venez-vous y chauffer. Il y a une permanence des résidents tous les soirs à la maison ouverte, 17 rue Hoche (métro Mairie de Montreuil)."

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