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Le Pape à Reims
Partisan N°112 - Septembre 1996
La venue du pape à Reims est somme toute un petit événement sans grande importance. S’il est juste de manifester contre la venue du criminel Karol Woytila, et de dénoncer le retour à l’ordre moral, il faut essayer d’aller un peu plus loin pour comprendre ce qui se passe.
La poussée intégriste
Tous les commentateurs dénoncent justement la tendance à la réaction et le retour à l’ordre moral prônés par l’Eglise catholique. Mais on ne peut séparer cette tendance de la poussée de tous les courants intégristes. « Le Monde » du 13 août montrait par exemple comment le monastère intégriste du Barroux dans le Vaucluse, base de Monseigneur Lefebvre, avait été reconnu par le Vatican en 1989 et réintégré dans l’Eglise catholique sans avoir modifié une virgule de ses positions et servait maintenant de base d’appui au développement du Front National dans tout le département.
Les courants les plus réactionnaires se développent parmi les catholiques, qu’il s’agisse de charismatiques ou d’intégristes : ils partagent tous la défense de l’ordre moral et de l’autorité, le retour aux valeurs chrétiennes fondamentales les plus réactionnaires.
Mais l’intégrisme n’est pas le propre de Jean-Paul II et de ses sbires du FN. On l’a vu à l’œuvre dans l’Eglise orthodoxe en Serbie et en Russie, les popes bénissant par exemple les soldats de la purification ethnique avant leur départ au combat. On le voit dans le développement des sectes fondamentalistes protestantes, comme la secte de WACO aux USA et autres sectes archi-racistes et réactionnaires, ou des Mormons qui font œuvre de colonisateurs en Amérique du Sud. On l’a vu au Japon avec la secte Aoum. On le voit chez les Juifs, par exemple chez les colons des territoires occupés qui défendent des thèses ouvertement racistes envers les Palestiniens.
On le voit bien sûr dans l’Islam avec les courants les plus fanatiques, qu’ils se revendiquent de l’Iran, du Soudan ou du GIA algérien.
L’intégrisme n’est pas le fait d’une religion particulière, c’est la tendance à l’œuvre dans toutes les religions du monde.
Il faut même élargir la tendance au développement de toutes les sectes (la France a son lot) qu’elles se revendiquent ou non d’une religion. Rappelons la formule fameuse : « les églises ne sont finalement que les sectes qui ont réussi » …
Ainsi, on ne peut pas un jour parler du GIA et un autre de Jean-Paul II comme s’il s’agissait de phénomènes différents.

Nationalisme et intégrisme
Reflet de l’ordre moral et de la réaction bien sûr, l’intégrisme religieux (quelle que soit la religion) est aussi presque toujours le pen¬dant du nationalisme, comme le montrent tous les exemples d’actualité.
C’est normal : les difficultés sociales, la guerre économique accentuée au plan mondial et ses conséquences désastreuses poussent au repli national, à rechercher les causes de la misère chez "l’étranger", et non dans la logique d’un système d’exploitation. Ce repli nationaliste dû à des causes économiques et sociales se recherche alors des justifications idéologiques : l’étranger bouc émissaire, la défense d’une identité, d’une pseudo "pureté", qu’elle soit ethnique ou nationale.
Problème : cette recherche se heurte à la réalité, c’est à dire au caractère mondial de l’économie et des échanges de population que tous les discours ne peuvent nier.
On comprend que l’identité religieuse intégriste devienne alors le support excellent de ce repli nationaliste, dans la mesure où elle relève du domaine subjectif pur et n’a besoin d’aucune preuve matérielle.
Intégrisme religieux et nationalisme sont étroitement liés, et on ne peut combattre le premier sans combattre le second. En ce sens, le collectif "Clovis n’est pas la France" qui prétend combattre l’intégrisme papal au nom d’une France républicaine est voué à l’échec.
Contre l’obscurantisme
Le développement de tous les intégrismes religieux et des diverses sectes ne tombe pas du ciel (sic !!). C’est le développement d’un obscurantisme lié à la période que nous traversons.
D’une part l’avenir est incertain et les contradictions multiples, à l’échelle de la planète, c’est à dire qu’il y a de plus en plus de questions. D’autre part, les certitudes se sont effondrées avec la fin du bloc de l’Est, et pour beaucoup tout est remis en cause, on ne peut plus avoir confiance en rien. Autrement dit il n’y a plus de réponses.
La multiplication de ces questions sans réponses est la porte ouverte à la pensée "magique". C’est à dire à la recherche à tout prix de réponses, même si elles doivent être irrationnelles (religieuses ou sectaires). C’est la marque certaine d’un recul du matérialisme, de la rigueur scientifique qui accepte de vivre avec le doute, des questions sans réponses (mais qu’il faut chercher en permanence à résoudre). Et depuis l’aube de l’humanité, la formation de l’homme s’est faite dans le matérialisme contre la pensée magique primitive. C’est ce combat acharné qu’il faut continuer aujourd’hui, contre le pape et ses émules.
Mais malheureusement cette déformation "magique" se retrouve chez certains militants qui refusent de s’engager au nom des doutes, des questions sans réponse, de l’absence de garanties. Ils subissent, à leur manière, le poids de cet obscurantisme.
Il faut être audacieux, il faut assumer ses doutes sur les points délicats, tout en affirmant ses positions quand elles sont vérifiées... Voilà la démarche militante, matérialiste, rigoureuse et scientifique.
On ne combattra pas l’intégrisme ou les sectes sur le terrain de l’idéologie, c’est à dire de la magie. On les combattra sur le terrain politique (ce que fait par ailleurs à juste titre le collectif "Clovis n’est pas la France"), non seulement contre leurs positions réactionnaires, mais en affirmant les nôtres, en affirmant aussi une démarche constructrice et matérialiste à l’opposé de la démarche religieuse.
A bas l’obscurantisme et le nationalisme !
Avortement et contraception libres et gratuits ! Libre circulation des travailleurs !
A.Desaimes