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Marxisme

Partisan N°274 - Mai 2014

Le marxisme c’est pas sorcier

L’ORIGINE OU MOT
Le qualificatif « marxiste » semble employé pour la première fois au sein de l’Association Internationale de Travailleurs. Marx a dit « à la fin des années 1870 », écrit Engels (1), « en se référant aux « marxistes » français : « Tout ce que je sais, moi, c’est que je ne suis pas marxiste ». Rapportée par Paul Lafargue, la phrase est un peu différente : « Si c’est cela le marxisme, moi, Karl Marx, je ne suis pas marxiste » (2). Est-ce le marxisme des guesdistes du Parti Ouvrier Français qui n’était pas conforme ? Ou bien avaient-ils tort de prendre la pensée de Marx comme un dogme ? Le suffixe « isme », nous dit le petit Larousse, indique une doctrine, une école. Or Marx ne s’est-il pas battu toute sa vie contre les doctrinaires ?

SIGNIFICATION
« Notre conception de l’histoire », poursuit Engels dans la même lettre (1), « est avant tout une directive pour l’étude ». Marx : « Il ne s’agissait pas de réaliser un quelconque système utopique, mais d’intervenir en connaissance de cause dans le processus historique de bouleversement social qui se déroulait devant nos yeux » (3). Pour « transformer le monde », comme le préconise la dernière des Thèses sur Feuerbach (4), mieux vaut en effet le connaître. Lénine résumera ainsi : « Notre doctrine n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action » ; c’est ce qu’ont « toujours dit Marx et Engels » (5).
« Marx était avant tout un révolutionnaire. Contribuer, d’une façon ou d’une autre, au renversement de la société capitaliste et des institutions d’Etat qu’elle a créées, collaborer à l’affranchissement du prolétariat moderne..., telle était sa véritable vocation. La lutte était son élément » (Discours d’Engels sur la tombe de son ami) (6).
Marx écrivait lui-même, alors qu’il venait de terminer le premier Livre du Capital : « J’étais constamment au bord de la tombe. Tant que j’étais capable de travailler, je devais réserver tous les moments pour terminer mon œuvre, à laquelle j’ai sacrifié ma santé, mon bonheur de vivre et ma famille... Si l’on voulait être une brute, on pourrait naturellement tourner le dos aux souffrances de l’humanité, et s’occuper de sa propre peau » (7).

LES MOTS QUI SERVENT À CAMOUFLER
Les déformations de Marx et du marxisme sont innombrables. Les uns le mettent au pinacle, réussissent à faire de sa lutte contre les dogmes... un nouveau dogme, oublient ses limites (pensez à son autocritique sur l’Irlande et la décolonisation) (8). Ou, au contraire, s’appuient sur ses limites pour mieux le trahir (voir le rectificatif d’Engels à propos du matérialisme non dialectique) (9). Ce sont là les pentes glissantes de ses héritiers « marxistes ».
D’autres font du marxisme une théorie parmi d’autres, qui, plus est, datée. « Mr Wiss », écrit Marx à Engels, « a déclaré qu’il partageait nos idées au point de vue économique. Tu vois comment procèdent ces chiens » (10).
Le plus triste, c’est de voir des intellectuels sincèrement marxistes oublier de travailler à l’organisation des ouvriers. Ou des militants ouvriers, qui travaillent à l’organisation de leur classe, ne pas se soucier de la seule lutte qui vaille, la prise du pouvoir, le dépassement du capitalisme et la libération de toute l’humanité. Le marxisme, c’est tout de même un peu sorcier, parce que la réalité est complexe

POUR EN SAVOIR PLUS
1) Lettre à Conrad Schmidt, 5 août 1890 ; OC, éd. du Progrès, tome 3, page 506.
2) Wikipedia, Marxisme, Le marxisme de Marx.
3) « HerrVogt », 1860 ; dans Sociologie critique, Payot, page 98.
4) OC, éd. du Progrès, tome 1, page 9.
5) Tome 24, page 33, Lettres sur la tactique, avril 1917.
6) Le 17 mars 1883 ; OC, tome 3, page 168.
7) Lettre à S. Meyer, le 30 avril 1867.
8) Lettre de Marx à Engels, 10 décembre 1869.
9) Engels à Joseph Bloch, septembre 1890 ; OC, tome 3, page 511.
10) Lettre du 1er décembre 1851.

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