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Les mass-médias n’auront jamais la classe… ouvrière

Partisan N°236 - Mars 2010

Un vieux mythe voudrait que les journalistes soient neutres et les médias de masse de simples moyens de se divertir ou de s’informer en toute neutralité. En réalité c’est l’exact contraire de ce que sont les médias et la presse.
Les faits ne sont pas neutres. Karl Marx nous apprend que les évènements historiques sont influencés par les rapports sociaux, les rapports de force entre les différentes classes sociales avant tout. On attendrait donc que les médias nous expliquent systématiquement les enjeux de classe derrière chaque actualité, derrière chaque guerre, derrière chaque crise, chaque conflit social.
Pourtant, à y regarder de plus près, deux phénomènes empêchent irrémédiablement les médias de masse d’être au service de la vérité matérialiste : la nature des médias et l’appartenance sociale des journalistes.

La nature bourgeoise des médias de masse

La totalité des médias de masse privés sont des sociétés capitalistes basées sur la recherche du profit et appartenant le plus souvent à d’immenses groupes industriels ou empires médiatiques.
TF1 appartient au puissant groupe Bouygues, côté en bourse, présent dans plus de 80 pays et employant environ 145 000 salariés. Le groupe Bouygues étend ses activités dans les domaines du BTP (construction), de la télécommunication, des médias, de l’énergie et des transports.
Le groupe Lagardère, lui, possède Europe 1, Virgin Radio, Virgin 17, Hachette Filipacchi Médias, MCM, RFM, Paris Match, La Provence et bien d’autres médias. Il possède également 34 % de Canalsat, qui possède elle-même une multitude de chaines. En plus de ses activités dans les médias, le groupe Lagardère est également le troisième plus gros éditeur au monde (presse et livres) et est surtout l’un des principaux actionnaires du groupe d’aéronautique EADS, connu pour la fabrication des Airbus. Le groupe EADS n’est pas uniquement un groupe aéronautique civil mais représente avant tout un groupe industriel militaire : il s’agit du premier groupe de défense en Europe et du deuxième au monde. A ce titre, EADS est une des clefs de voûte du complexe militaro-industriel français et donc de l’impérialisme français.
L’exemple des groupes Bouygues et Lagardère n’est pas extraordinaire ; la totalité des médias de masse privés appartiennent à de tels groupes. Cependant ces exemples permettent de démontrer à quel point les médias ne peuvent se situer que dans le camp des puissances bourgeoises qui les dirigent. Ces médias véhiculent donc leur logique et leur idéologie. Sous une apparence de pluralité (jamais nous n’avons eu accès à autant de médias qu’aujourd’hui) et de neutralité, c’est la même et unique vision du monde qui est répétée à l’infini sur toutes les ondes et dans tous les journaux : la vision et les intérêts de la bourgeoisie. Comme si cette nature capitaliste des mass-médias privés ne suffisait pas, il est aussi intéressant de jeter un œil sur l’origine sociale des journalistes.
La sélection des journalistes et leur ancrage dans la classe bourgeoise
Les deux principales filières pour devenir journaliste sont les Instituts d’études politiques (IEP = Sciences Po) et les écoles de journalisme. Dans le premier cas, il s’agit d’une filière publique mais réservée aux étudiants d’élite : seulement 2 % de fils et filles de la classe ouvrière sont candidats au concours d’entrée en 2002 contre plus de 70 % de fils et filles de cadres, professions intellectuelles supérieures, professions libérales et chefs d’entreprises*.
Dans le deuxième cas, il s’agit d’écoles privées dont les frais de scolarité sont exorbitants (3000 € par an au minimum) et constituent d’emblée une sélection sociale imparable. Dès le départ, on ne laisse pas n’importe qui se lancer dans les études de journalisme, l’enjeu est sans aucun doute trop important pour la bourgeoisie.
Pour que ces bons élèves ne soient jamais tentés de mordre la main de leurs maîtres une fois le précieux poste de journaliste obtenu, les rémunérations qui leur sont proposées leur évitent toute tentation de fraternisation avec les classes populaires.
Par exemple un journaliste en début de carrière à TF1 gagne 2 668 €, de même pour un journaliste débutant au Monde, où le salaire le plus élevé culmine à 9 324 €, ce qui équivaut à plus de 7 fois le smic. Le salaire moyen dans la presse écrite étant de 3 680 €.
L’ensemble de ces chiffres ne concerne que les journalistes titulaires et à temps plein. Les pigistes, intermittents et autres précaires, qui représentent la majorité des salariés de ce secteur, n’ont ni le même niveau de rémunération ni la même stabilité de l’emploi.

La bourgeoisie tient à tenir les rênes idéologiques et économiques des médias pour nous abreuver tous les jours de son idéologie, nier le rôle des masses et nous empêcher de prendre conscience de la force de la classe ouvrière. Contre ces tentatives de découragement et de diffusion du fatalisme, nous devons mener le combat pour une information indépendante, réellement ouvrière, libre et représentative des masses. Sans sortir de Science-Po, chacun de nous, en lien avec nos camarades de travail, de syndicat ou de quartier, peut témoigner de sa réalité de classe, de ses combats, de ses solidarités, de la culture populaire, du monde que nous voulons vraiment. Correspondants du réel, vous pouvez nous envoyer, brèves, infos, comptes-rendus, coups de gueule ou articles.
(La question des médias « publics » fera l’objet d’un autre article).

Des militants VP et un contact.

*source IEP Paris
**source Acrimed

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