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Quinze jours de résistance à Lejaby

Partisan N°243 - Décembre 2010

Suppression de 197 emplois dans les ateliers de lingerie Lejaby, à Bellegarde et Bourg-en-Bresse, dans l’Ain, et au Teil, en Ardèche. Mais là où il y a exploitation, il y a résistance ! Une ouvrière nous parle de l’occupation du siège social à Rillieux-la-Pape (Rhône).

L’annonce du plan de licenciements ne nous a pas vraiment surprises, parce que le climat était déjà très mauvais depuis plusieurs d’années. D’une entreprise familiale, Lejaby est passé par des propriétaires américains puis autrichiens. Après un nouveau changement de direction en 2003, notre travail s’est encore dégradé avec pour seul objectif les rendements, les chiffres. Le chronométrage était de plus en plus pesant, il n’y avait plus d’embauches. 70% de la production était déjà à l’étranger, au prix de notre emploi et de la qualité des produits. Ils nous ont dit que « nous coûtions trop cher », alors que beaucoup d’entre nous ont passé des années à l’usine. Moi, j’ai 28 ans de boîte. De l’autre côté, les travailleurs du Maghreb ou de Chine sont payés avec moins qu’un salaire de misère.

Comment avez-vous décidé et organisé l’occupation du siège ?

Nous avons pris les devants, et nous étions prêtes lorsque la direction a finalement annoncé les suppressions d’emplois. Nous avons séquestré le patron le premier jour, ce qui a provoqué la venue d’un huissier et le contrôle d’agents de sécurité privés pour écarter les soutiens extérieurs et la presse. Mais rapidement nous sommes passées à l’occupation, pour obtenir de meilleures conditions de licenciements, parce que les indemnisations légales étaient inacceptables. Depuis 15 jours, 50 à 80 femmes occupent le site, se relaient jour et nuit, prennent en charge concrètement cette lutte. Il y a bien sûr le soutien de nos maris, mais aussi d’autres travailleurs de Rillieux qui font des collectes sur les marchés, parlent de nous... Au début, certains nous ont dit : elle n’y arriveront pas ! Et pourtant on a continué ! La solidarité nous a permis de tenir deux semaines, alors que l’on vit au smic.

Comment tu vois la fin du mouvement ?

Le patron a assigné en justice 5 des nôtres pour mettre fin à l’occupation du siège social. Elles ont été choisies au hasard, pour renforcer la pression. Nous avons finalement accepté les nouvelles conditions : 15 000 € de prime, plus 600 pour les 5 premières années d’ancienneté et 500 les autres, ainsi que les jours de grève payés. Je dois partir à la retraite dans un an, donc je peux faire face. Mais l’emploi va bien sûr être perdu, et que vont faire les ouvrières qui ont encore 10 ou 20 ans de travail devant elles ? Où vont-elles pouvoir trouver du boulot ? On est un exemple concret des vrais objectifs de la loi sur les retraites.
Nous sommes parties dans ce mouvement ensemble, mais ce n’est pas une victoire pour toutes les LejabyEs. Avec cet esprit de solidarité, c’est très triste de partir chacune de son côté. Il y a de la joie et en même temps de la tristesse. Tu sais, l’usine c’est en même temps pénible, très dur, et ça crée des liens très forts entre nous.

Les bourgeois licencient pour la productivité, pour valoriser leur capital. Et qu’importe l’origine de ces capitaux ! S’ils ne font pas ainsi, ils seront supprimés dans le déchaînement de la concurrence mondiale. Ce que les camarades montrent par leur lutte, c’est la voie de la justice pour la classe ouvrière, privée de son travail par le talon de fer du capital financier. Alors pas d’illusions : français ou pas, spéculateurs ET industriels, les bourgeois et leur système nous mènent dans le mur. Nous sommes une grande force, développons notre capacité de combat pour gagner. De la résistance, passons au combat sans concession pour l’intérêt ouvrier :
Zéro licenciement !
Cette guerre économique mondiale n’est pas la nôtre !
Travailler tous, moins, autrement !

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