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Vème Congrès de l’Internationale Communiste (juin-juillet 1924)

Cet article fait partie d’un recueil sur la guerre en ex-Yougoslavie.

Résolution « Sur les Questions nationales dans l’Europe Centrale et dans les Balkans » (extraits)

La guerre impérialiste, où la bourgeoisie s’est efforcée d’entraîner les travailleurs par des mots d’ordre trompeurs sur la protection des petites nationalités et leur droit de disposer d’elles-mêmes, a conduit en réalité, par la victoire d’une des deux coalitions capitalistes, au renforcement des antagonismes nationaux et de l’oppression nationale dans l’Europe Centrale et dans les Balkans.
Dictés par l’Entente victorieuse, les traités de Versailles, de Saint-Germain et ceux qui les ont suivis ont créé, pour la lutte contre la Révolution prolétarienne, de nouveaux petits Etats impérialistes : Pologne, Tchéco-Slovaquie, Yougo-Slavie, Roumanie, Grèce, fondés sur l’annexion de territoires considérables peuplés d’autres nationalités et constituant des foyers d’oppression nationale et de réaction sociale.
La question de l’oppression nationale est aujourd’hui à l’ordre du jour, même pour certaines grandes puissances qui, avant la guerre, étaient les acteurs, et sont devenues maintenant les victimes de la politique d’oppression. L’exemple le plus éclatant en est l’Allemagne. L’impérialisme de l’Entente ne s’est pas contenté d’annexer conformément aux « traités de paix » des territoires peuplés d’Allemands, il a prétendu démembrer l’Allemagne par une série d’annexions raffinées et masquées sous prétexte d’ « autonomie nationale » (occupation des villes du Rhin), ou bien par des actes de brigandage non déguisés et dépassant tous les traités, comme l’occupation de la Ruhr.

 

Ainsi, la question nationale a acquis, après la guerre mondiale, une importance nouvelle et est en ce moment une des questions politiques les plus essentielles de l’Europe Centrale et des Balkans. La lutte des peuples opprimés contre le joug national devient une lutte contre la domination de la bourgeoisie impérialiste sortie victorieuse de la guerre, de même que la consolidation des puissances impérialistes de création récente signifie la consolidation de l’impérialisme mondial.
L’importance de cette lutte contre l’oppression nationale est encore accrue du fait que les nationalités opprimées par la Pologne, la Tchéco-Slovaquie, la Yougo-Slavie, la Roumanie et la Grèce sont composées en majeure partie de paysans et que leur lutte pour l’émancipation nationale est en même temps une lutte des masses paysannes contre les propriétaires fonciers et les capitalistes d’autres nationalités.

 

En conséquence, les partis communistes de l’Europe Centrale et des Balkans doivent soutenir de toutes leurs forces le mouvement national révolutionnaire des nationalités opprimées.
Le « droit de chaque nation à disposer librement d’elle-même jusqu’à la séparation » doit, dans la période prérévolutionnaire actuelle, s’exprimer dans les Etats impérialistes nouvellement créés par le mot d’ordre : « Séparation nationale des peuples opprimés de Pologne, Roumanie, Tchéco-Slovaquie, Yougo-Slavie, Grèce ».
Le Congrès constate, dans certains partis, l’existence d’une déviation qui consiste en ce que des camarades et des groupes basent leur attitude envers le mouvement national-révolutionnaire de leur pays sur les Etats créés par les traités de Saint-Germain et autres. Ces camarades et ces groupes, au lieu de s’attaquer à ces Etats basés sur l’oppression nationale et dirigés contre la révolution prolétarienne, demandent seulement leur réforme partielle et l’autonomie des populations qu’ils oppriment.
Le Congrès condamne résolument cette déviation, de caractère social-démocrate, de même que la déviation national-bolchéviste, qui fait que des communistes, au lieu de soutenir le mouvement national-révolutionnaire lui-même, se mettent au service des classes possédantes et des partis qui en ont la direction, ce qui revient à placer les travailleurs sous l’influence et l’hégémonie de la bourgeoisie chauvine.
Le Congrès pose aux partis communistes de l’Europe Centrale et des Balkans la tâche suivante : Tout en soutenant de toutes leurs forces le mouvement national-révolutionnaire des peuples opprimés contre le pouvoir de la bourgeoisie dominante, constituer, dans les organisations nationales révolutionnaires, des Cellules communistes, de façon à prendre la tête du mouvement national-révolutionnaire des peuples opprimés et de l’orienter dans une voie claire et bien définie, celle de la lutte révolutionnaire contre la domination de la bourgeoisie, en solidarité étroite avec tous les travailleurs luttant en commun, dans chaque pays, pour le pouvoir ouvrier et paysan.
Seule, cette union des éléments communistes à l’intérieur des organisations nationales peut assurer aux classes laborieuses la prépondérance en face des éléments bourgeois, féodaux ou aventuriers qui, trop souvent, les exploitent dans leur intérêt de classe ou en font des instruments de l’impérialisme de tel ou tel gouvernement capitaliste.

 

Le Congrès met tous les partis communistes en demeure de mener une lutte énergique contre la haine nationale et le chauvinisme allumés par la bourgeoisie et les partis social-traîtres, en expliquant aux travailleurs des peuples opprimés ou oppresseurs le caractère social de l’oppression nationale et de la lutte révolutionnaire nationale, et la dépendance où se trouve cette lutte de celle du prolétariat mondial pour l’émancipation sociale et nationale intégrale des travailleurs.
Le Congrès condamne également la déviation particulariste et estime que l’exercice du droit des nations à disposer d’elles-mêmes, jusqu’à se séparer, n’a rien de commun avec le particularisme et n’est pas en contradiction avec le développement des forces de production.
Le Congrès constate la signification contre-révolutionnaire de la politique colonialiste des classes dominantes des petits Etats impérialistes, qui conduit à une exacerbation extrême des antagonismes nationaux. Il oblige les partis communistes de Pologne, de Roumanie, de Yougo-Slavie, de Tchéco-Slovaquie et de Grèce à mener une lutte énergique contre cette politique.
Le Congrès approuve le mot d’ordre, lancé par les partis communistes balkaniques, d’une Fédération des Républiques ouvrières et paysannes, indépendantes et égaies, des Balkans.
Constatant la croissance rapide de l’antisémitisme dans les Etats impérialistes nouvellement créés, surtout en Pologne, en Roumanie et en Hongrie, et la tendance des classes dominantes à s’en servir pour distraire l’attention des travailleurs des véritables coupables de leur misère et de la lutte révolutionnaire, le Congrès oblige tous les partis à mener contre l’antisémitisme une lutte résolue et énergique en lançant les mots d’ordre : suppression des limitations de toutes sortes dont souffre la population juive, et pleine liberté pour elle de développement intellectuel.
En ce qui concerne la question nationale dans les divers pays de l’Europe Centrale et des Balkans, le Congrès décide :

-MACEDOINE ET THRACE

1. Les questions de la Macédoine et de Thrace sont, depuis une dizaine d’années, la cause de conflits sanglants incessants entre la Turquie, la Bulgarie, la Grèce et la Yougo-Slavie, et un moyen de politique impérialiste dans les Balkans.
La dernière guerre impérialiste de 1914-1918 dans les Balkans, qui s’est terminée par la ruine économique, l’asservissement politique et le repartage de la Macédoine et de la Thrace entre la Yougo-Slavie, la Grèce et la Bulgarie, a encore envenimé la question nationale et approfondi les haines entre peuples.
Le partage de la Macédoine entre la Yougo-Slavie, la Grèce et la Bulgarie a renforcé l’aspiration des Macédoniens, dans les divers tronçons de leur patrie démembrée, à s’unir et à constituer une Macédoine, une et indépendante. (...)

QUESTION UKRAINIENNE

(...)

LA QUESTION YOUGO-SLAVE

1. La Yougo-Slavie est un Etat à nationalités multiples. La bourgeoisie serbe, qui exerce l’hégémonie, représente une nation qui ne constitue que 39% de la population. Les autres peuples composant l’immense majorité de la population sont tous plus ou moins soumis à l’oppression nationale et à une politique de dénationalisation.
2. Les Serbes, les Croates, les Slovènes forment trois nations distinctes. La théorie d’une nation serbo-croate-slovène n’est que le masque de l’impérialisme serbe.
3. Le Parti Communiste de Yougo-Slavie doit lutter résolument contre l’oppression nationale sous toutes ses formes, pour le droit des nations à librement disposer d’elles-mêmes, et soutenir les mouvements d’émancipation nationale, en s’efforçant sans cesse de les soustraire à l’influence de la bourgeoisie et de les lier à la lutte commune des travailleurs contre la bourgeoisie et le capitalisme.
4. La question nationale en Yougo-Slavie n’est pas une question constitutionnelle et c’est pourquoi on ne peut l’identifier à celle de la révision de la constitution de Vidowdan. C’est, premièrement, la lutte de populations, opprimées nationalement, pour le droit à disposer librement d’elles-mêmes, et, deuxièmement, la lutte révolutionnaire des travailleurs dans toute la Yougo-Slavie.
5. La lutte contre l’asservissement national, pour le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, jusques et y compris la séparation, et pour le pouvoir ouvrier et paysan doit être liée à la lutte contre la bourgeoisie serbe, contre la monarchie et contre la sanction politique de la constitution de Vidowdan.
6. Quoique la question nationale ne puisse être résolue par la révision de la constitution, le Parti Communiste de Yougo-Slavie doit tout de même prendre une part active à la campagne de révision, afin de renverser le régime d’oppression de la bourgeoisie serbe et de conquérir le maximum de garanties, de droits politiques et de liberté pour les travailleurs des nationalités opprimées, en s’efforçant sans cesse de les unir dans la lutte pour la création d’un pouvoir ouvrier et paysan et en leur expliquant que, seul, il peut résoudra définitivement la question nationale.
7. Etant donné qu’il existe en Yougo-Slavie un mouvement de masse contre l’oppression nationale sous toutes ses formes, le problème national a une forme actuelle bien nette et intéressant directement les travailleurs.
Le droit des nations à disposer d’elles-mêmes doit être formule par le Parti Communiste de Yougo-Slavie comme le droit, pour la Croatie, la Slovénie et la Macédoine, de se séparer de l’Etat yougo-slave et de former des républiques indépendantes.
8. En ce qui concerne la population croate et slovène des territoires occupés par l’Italie, le Parti Communiste italien devra mener sa propagande dans le sens des mots d’ordre indiqués plus haut, en liaison avec le parti frère de Yougo-Slavie.

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