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Guinée : De Conakry à Nantes

Partisan N°235 - Février 2010

Partisan : Comment cette campagne de solidarité se présente-t-elle ?
Mamadou : En fait, le RUSF me soutient depuis mon arrivée à la fac. Ils m’ont aidé dans mes démarches d’inscription. Ils ont été là aussi comme soutien moral. C’est très important, en France je ne connaissais personne ! C’est le GASPROM* qui m’a orienté vers le RUSF. Ils m’ont aidé dans mes démarches juridiques.


P : Mais la mobilisation des étudiants se développe ?

M : La mobilisation à Nantes a commencé après le rejet de ma demande d’asile. Peu de temps avant, le 28/09/09, l’armée de Dadis Camara écrasait une nouvelle fois une manifestation de l’opposition qui s’était rassemblée dans un stade : 157 morts, des enfants tués, des viols... Le RUSF et l’Association des résidents guinéens de Loire-Atlantique ont organisé une Conférence sur la situation politique en Guinée-Conakry et une manifestation le 10 octobre pour protester contre le pouvoir de la junte. A cette occasion j’ai pu faire connaissance avec d’autres étudiants guinéens.
Le RUSF reçoit beaucoup d’aide spontanée de la part d’étudiants. La situation précaire des étudiants étrangers est connue, en matière de logement, ou à cause des lenteurs de l’administration, ou tout simplement à cause du non-renouvellement des titres de séjour. J’ai eu un article du journal local Ouest France. Je suis passé sur deux radios locales PRUN et Alternantes pour mobiliser les gens. Des bouffes à prix libre sont organisées régulièrement pour collecter l’argent nécessaire pour mon recours auprès de la Cour Nationale des Demandeurs d’Asile (CNDA) qui est à Paris. Un concert de soutien aura lieu probablement. Les délais de recours étant très longs, on va mobiliser sur la durée.

P : Quelles sont les raisons qui t’ont conduit à quitter la Guinée ?
M : Il faut tout d’abord parler de la situation politique. Depuis la décolonisation, la Guinée a connu deux présidents, Sékou Touré et Lansana Conte qui est décédé le 22 décembre 2008. Ces régimes étaient corrompus, anti-démocratiques et laissaient les occidentaux exploiter les richesses minières du pays (bauxite, diamants...). A chaque fois, ils ont pris le pouvoir par un coup d’Etat et ils massacrent le peuple lorsque le peuple manifeste. Depuis la fin 2005, le peuple s’est mobilisé régulièrement « contre le pouvoir absolu, contre la gabegie, contre la corruption ». En janvier 2007, tout le pays s’est mobilisé contre le vieux dictateur Conte, contre la vie chère. La répression a fait 180 mort. Le 23 décembre 2008, pour moi c’était la fois de trop, quand le capitaine Dadis Camara comme ses prédécesseurs, a fait un coup d’Etat. Il promettait la fin de la corruption, des narco-traficants (la famille Conte trempait dans le business de la drogue) et un retour à la suprématie civile dans les deux ans. Avec des amis étudiants, clandestinement nous avons organisé une marche le 25 décembre 2008 pour interpeller le peuple et refuser le régime militaire. Cette marche était appelée aussi par les partisans de Conte pour revendiquer des élections selon la constitution dans les 60 jours.

P : Et là, la répression a commencé ?
M : Dès le 24 décembre, une chasse aux sorcières est organisée dans tout le pays, les militants sont persécutés. Le gouvernement est dissout et l’assemblée suspendue. Le 25 décembre la manifestation est réprimée et dispersée. Sur une dénonciation, je suis arrêté en pleine nuit. La Direction de la police sous contrôle militaire m’accuse d’avoir organisé la marche. On me torture pendant deux semaines, pour connaître les responsables de la marche. Les conditions de détention étaient terribles. J’ai du acheté un policier pour obtenir la visite d’un médecin. J’ai dû encore payer pour organiser ma fuite. Je ne pouvais trouver refuge dans ma famille, ni ailleurs en Guinée. Je me suis caché dans le coffre d’une voiture jusqu’à l’aéroport. Là des bagagistes m’ont aidé à prendre place dans l’avion avant le décollage. Je n’ai su la destination vers la France que lorsque le pilote a fait une annonce. A l’arrivée, j’ai été gardé en zone de rétention pour m’expliquer sur l’absence de passeport, je leur ai parlé de mes blessures, du coup d’Etat... On m’a conseillé de quitter Paris et de me faire domicilier administrativement à l’AIDA (Accueil et information pour demandeurs d’asile). C’est comme ça que je suis arrivé à Nantes.


Pour contacter le comité de soutien de Mamadou* :

rusf@nantes.fr et 06.72.89.99.40

Mamadou : nom d’emprunt pour protéger la famille restée au pays.
OFPRA : Office français de protection des réfugiés et apatrides
GASPROM : Groupement Accueil Service et Promotion des travailleurs immigrés, 24 rue Fouré 44000 Nantes

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