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Réflexions sur la question du Parti

Cause du Communisme n°4

Extraits de La Cause du Communisme n°4 - 1983

Introduction :

Nous faut il encore un parti ? Nombre d’ouvriers avancés et de militants se posent aujourd’hui cette question. Pourquoi ? Parce que la quasi-totalité des partis et organisations communistes font la preuve pratique de leur faillite. Il en est ainsi du PCF, qui après avoir usé et abusé du prestige acquis par le combat héroïque de ses militants notamment pendant la dernière guerre mondiale pour couvrir tous ses renoncements théoriques et pratiques apparaît de façon ouverte comme un parti d’ordre impérialiste. Il en est également ainsi de la plupart des organisations d’extrême-gauche, particulièrement celles qui se réclamaient du marxisme-léninisme, qui ont disparu ou achèvent de perdre le peu d’indépendance idéologique et politique qu’elles avaient conquis contre le révisionnisme. Il en est enfin ainsi de tous les partis qui, à travers la lutte pour la conquête du pouvoir et leur œuvre de transformation radicale de la société, avaient légitimement suscité l’espoir particulièrement la Chine avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) et se mettent à agir aujourd’hui comme de vulgaires petits-bourgeois. Soixante années de luttes, de souffrances et d’espoir pour en arriver là. N’y a-t-il pas de quoi désespérer ? Il y a pour le moins de bonnes raisons de s’interroger. Pourquoi les partis et organisations communistes font faillite ?

 

1) La crise du capitalisme d’abord. Une crise sans précédent qui s’étend à toute la planète, fruit de l’extension inconnue jusqu’alors des contradictions du capitalisme à l’échelle mondiale, de la division internationale du travail, de la dépendance étroite de chaque marché local avec le marché mondial dans lequel le développement considérable des forces productives, hommes et machines, vers laquelle sont irrésistiblement poussés le pays impérialistes mais contre laquelle se dressent les énormes moyens de destruction susceptibles d’anéantir tous les belligérants et surtout l’extension de la lutte des classes, où d’Afghanistan au Cambodge, du Nicaragua à la Pologne, de l’Irlande à l’Afrique du Sud les prolétaires poussés par leur instinct de survie et les besoins de « reconquête totale de l’homme » qu’engendre sa perte totale dans l’exploitation et l’aliénation accrue, sont contraints de retourner les fusils contre tous les exploiteurs. Ainsi, pendant que les exigences des masses entrent en contradiction de plus en plus ouverte avec l’ordre étatique bourgeois et posent de façon vitale et urgent la nécessité d’une stratégie politique de rupture profonde avec le capitalisme, les conditions objectives mûrissent pour que cette rupture puisse se réaliser à un rythme rapide dans une grand nombre de pays de sorte que la transition au communisme qui s’est heurtée successivement en URSS et en Chine au mur de l’isolement puisse être engagée de façon durable.

 

2) Depuis plus de trente années, les partis communistes issus de la 3ème Internationale (IC) ont pu entretenir l’illusion que les intérêts immédiats et profonds des masses pouvaient être gagnés par une stratégie de dépassement progressif et pacifique du capitalisme pour un socialisme de la répartition, obtenu par la nationalisation, le plan. Mais derrière les rodomontades sur le « socialisme réel » qu’il ne fallait pas confondre avec le socialisme scientifique (utopique ?), se cachait un fait : le capitalisme. Et la crise du capitalisme mondial a fait éclater cette vérité au grand jour. « Tous pour un et Dieu pour tous », telle est devenue la devise de ces partis qui défendent, chacun à leur manière, leurs intérêts bourgeois. Ici en envahissant l’Afghanistan, là en renforçant leur soumission à leur maître impérialiste, ailleurs en se faisant plus nationaliste que la nation et partout en utilisant la classe ouvrière comme une masse de manœuvre à leur service. Révélateur des contradictions insurmontables du capitalisme, la crise révèle également l’impuissance des thèses révisionnistes à faire adhérer durablement les masses à une politique contre-révolutionnaire. Nous avons aperçu l’amorce de ce mouvement, au cours des années 60-70 à travers la GRCP, les dénonciations de dissidents soviétiques, le printemps de Prague, les révoltes ouvrières en Pologne en 70 et les révoltes étudiantes et ouvrières dans tous les pays impérialistes. Nous en apercevons aujourd’hui son prolongement en Pologne et plus modestement en Europe à travers la perte de confiance du mouvement ouvrier dans ses dirigeants, partis et syndicats révisionnistes. En France, la perte d’influence du PCF-CGT dans le mouvement ouvrier, au profit de beaucoup d’illusion dans le PS, illustre cette tendance à la coupure pratique mais encore inconsciente.

 

Cette crise des Partis de la 3ème IC n’a pas manqué de toucher les organisations d’extrême-gauche, particulièrement celle qui se voulaient les continuatrices de la 3ème IC, nous y compris. Pourquoi ? Tant que le mouvement ouvrier était à l’offensive, largement encore confiant dans le PCF-CGT, l’illusion que la rupture idéologique est politique, seulement entamée autour de 68, étaient sérieuse et profonde trouvait une base matérielle dans l’adhésion de nombreux jeunes et petits-bourgeois attirés par la puissance du mouvement ouvrier et de quelques ouvriers attirés par la volonté d’opposer une alternative au réformisme. Mais, dès lors que, sous l’effet de la crise, la classe ouvrière s’est mise à chercher de nouvelles marques puis à faire progressivement le gros dos à mesure qu’elle découvrait au niveau national et international que l’issue que lui proposaient ses dirigeants traditionnels n’était pas susceptible de la libérer de l’exploitation, alors la grande masse des militants d’origine petite-bourgeoise des organisation d’extrême-gauche se sont éloignés. Éloignement d’autant plus brutal qu’apparaissaient dans les nouvelles conditions de l’affrontement de classe, encore plus inopérante une ligne politique qui ne divergeait de la ligne révisionniste que sur la forme : un peu plis active et plus dure.

 

La faillite des Partis et organisations communistes révèle la faillite de l’idéologie et de la politique révisionniste. Faut il pour autant désespérer de la perte de nos illusions ? N’est-ce pas au contraire une excellente chose ? L’expérience est aujourd’hui acquise d’une voie erronée. En nous obligeant à en tirer le bilan, l’histoire paraît aujourd’hui faire un retour sur elle-même. Mais ce n’est pas là qu’un retour d’inspection, pour mettre les choses en ordre, pour rendre conscient un processus inconscient et pour concentrer plus de forces avant d’effectuer un bond dans une phase nouvelle de la lutte des hommes pour leur émancipation.

 

Beaucoup de camarades, ouvriers avancés et militants, sont désorientés aujourd’hui. Poussés hier par un enthousiasme légitime, le plus grand nombre n’a pu trouver l’appui nécessaire auprès des partis et organisations pour maîtriser la perte de leurs illusions. Ces partis et organisation n’ont pas su trouver les ressources nécessaires pour opérer la rupture. Ils n’avaient plus de vie. Ils sont morts ou sont en train d’agoniser. De nombreux camarades, contraints hier dans ces partis et organisations à rentrer leurs difficultés et leurs organisations dans le strict cadre de la division du travail qu’exigeait la lutte pour le socialisme de la répartition, se replient en silence. Ils n’ont « rangé les valises » que le temps d’y voir clair, disent-ils, mais isolés, sans appui idéologique et politique, ils se retrouvent avec plus de doutes et de difficultés à y voir clair. A coté de ceux là, une minorité se met à parler haut et fort. Aussi surs de leur savoir qui leur donnait hier le pouvoir d’imposer leurs illusions aux militants et sympathisants, les voici qui, sans l’ombre d’une mise en cause de leurs responsabilités tiennent à nouveau le devant de la scène pour affirmer d’une façon ou d’une autre qu’il faut définitivement tirer le rideau, qu’il est inutile d’insister, que la révolution, le parti, le marxisme, le prolétariat tout ça n’existe pas. Voyez-vous, nous avons été victimes d’une illusion collective dont la responsabilité incombe à Mao TseToung, Staline, Lénine, Marx... Si tel était le cas, que montrent-ils tant d’acharnement à nous faire sortir de scène ? En vérité, ils sont eux-même, en proie aux mêmes doutes et interrogations mais plutôt que de s’attaquer aux difficultés que nous avons tous à rompre consciemment avec nos illusions, ils ne font que fuir leur ombre, fermer les yeux sur les difficultés, les éluder avec des mots.

 

Notre organisation s’est constituée en opposition à ces positions. Non pas que nous ne soyons pas également désorientés mais nous nous accrochons à une idée simple : il y a des problèmes. Ce sont Nos problèmes. Il faut les résoudre. Et nul ne les résoudra s’il ne s’y attaque pas. Pour cela nous sommes organisés. S’organiser, mais n’est-ce pas un des problèmes à résoudre ? Oui, comme celui de se libérer de l’exploitation qu’on doit justement résoudre parce qu’on est exploité. Alors pourquoi serait il impossible de résoudre le problème de l’organisation en étant organisés ? Produit du réflexe de grouper les forces pour une œuvre commune et bien sur aussi de nos illusions, notre organisation travaille, théoriquement et pratiquement, sur l’histoire et sur le présent, sur la classe et sur elle-même. Nous nous sommes organisés pour résoudre les problèmes politiques et voilà que nous découvrons que la solution des problèmes d’organisation dépend avant tout de la solution des problèmes politiques. On tourne en rond ? Nous voici en vérité au cœur de la dialectique vivante et concrète. Nous n’en sommes qu’au début de l’exploration, mais une certitude est déjà acquise : pour découvrir il faut rentrer dans la caverne.

 

Avertissement :

 

Je voudrais prévenir le lecteur que l’article qui suit n’est qu’une première approche théorique de la question du Parti et tout aussitôt m’excuser du caractère abstrait voire quelques fois confus de l’exposé. Pourquoi ce parti-pris alors que tant de problèmes concrets nous sont aujourd’hui posés pour construire un nouveau parti communiste en France ? A vrai dire, le premier problème concret qui a retenu mon attention est celui-ci : pour-quoi sommes-nous si peu nombreux à cher-cher à démêler et à résoudre les obstacles alors que tant de camarades, hier à nos côtés, baissent aujourd’hui les bras ? Au départ, j’étais ainsi parti avec l’idée de combattre l’aile la plus " avancée " de ce courant, qui remet en question la nécessité du parti voyant notamment dans la théorie léniniste la source de tous les péchés du mouvement communiste. J’avais alors dans l’idée de montrer que ces critiques relevaient en fait du même fétichisme de l’organisation que celui qui avait guidé l’échec des tentatives avortées au moins depuis la rupture du mouvement communiste international dans les années 60. Puis est apparu progressivement que derrière la remise en cause de la théorie léniniste du parti se profilait en réalité, que ce soit conscient ou pas peu importe ici, le rejet d’acquis plus fondamentaux encore du marxisme comme le caractère révolutionnaire
du prolétariat voire le matérialisme dialectique et historique lui-même. Aussi me suis-je attaché à rechercher plus profondément les bases matérielles du parti particulièrement à travers l’histoire de la formation de la théorie léniniste du parti. Et comme " à quelque chose malheur est bon ", mes divagations m’ont amené à voir sous un éclairage plus dialectique et matérialiste des questions telles que : le caractère contradictoire de la classe ouvrière, qu’est-ce que les aspirations des masses, le spontané est l’embryon du conscient... qui sont au centre des préoccupations de l’organisation depuis plus d’une année. Ainsi tout en m’éloignant des préoccupations initiales parti-culières je me suis rapproché de préoccupations plus générales et moins directe-ment organisationnelles. Et à vrai dire j’y vois là matière à regarder d’un œil différent les problèmes concrets que nous affrontons pour bâtir le parti. Pour l’immédiat, outre le fait qu’il m’était matériellement impossible de pousser le travail jusque là, je dois avouer que mes vues sur ces problèmes sont encore trop embrouillées pour que je les expose. J’espère néanmoins que les camarades ne se rebuteront pas devant la forme de l’article, son plan et son écriture et qu’il les aidera au contraire à approfondir leur réflexion critique de façon à ce qu’ensemble nous trouvions la solution à nos problèmes et à nos tâches.

Sommaire :

Réflexions sur la question du Parti

 

INTRODUCTION

 

I - LE CAPITALISME, LA CLASSE OUVRIÈRE ET LA POLITIQUE

 


- 1.1. LES RAPPORTS DE PRODUCTION CAPITALISTES
- 1.2. LA CONTRADICTION FONDAMENTALE DU CAPITALISME : la valeur d’usage (les forces productives) se rebelle contre la valeur d’échange (les rapports de production)
- 1.3. LA CLASSE OUVRIERE, SEULE CLASSE REVOLUTIONNAIRE JUSQU’AU BOUT
- 1.4. POUR LE COMMUNISME
- 1.5. "LA LIGNE IDEOLOGIQUE ET POLITIQUE EST DIRIGEANTE EN TOUT "

 

II - SUR LA THÉORIE MARXISTE-LÉNINISTE DU PARTI

 


- 2.1. LE PARTI POLITIQUE, CREATION SPONTANEE
- 2.2. LE PARTI COMMUNISTE, INSTRUMENT DE L’EXISTENCE-DISPARITION DU PROLETARIAT
- 2.3. LENINE ET LA THEORIE DE L’ORGANISATION
2.3.1. Lénine et la théorie de l’organisation
2.3.2. Pas de fétichisme des règles d’organisation
2.3.3. La règle générale : le centralisme démocratique

 

III - LA LUTTE DE LIGNES EST LE MOTEUR DE L’ÉDIFICATION DU PARTI

 


- 3.1. CONDITIONS D’UN NOUVEAU DEVELOPPEMENT DE LA THEORIE LENINISTE
- 3.2. LA LUTTE DE LIGNES DANS LE PARTI
- 3.3. SUR LA LIGNE DE MASSE
- 3.4. LA MINORITE PEUT AVOIR RAISON

 

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