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Quelques éléments sur le mouvement ouvrier et notre tactique

Cause du Communisme N°3

Extraits de La Cause du Communisme N°3 - 1er trimestre 1981

Introduction :

Les documents d’orientation de l’OCML-VP sur la tactique dans les combats partiels de la classe ouvrière, sur l’activité communiste dans les syndicats sont centrés sur les rapports généraux entre conquête de l’avant-garde ouvrière et conquête des masses. Ils définissent la période tactique dans laquelle nous sommes et les tâches principales qui en découlent. De ce point de vue ils restent justes. Néanmoins les expériences récentes de l’organisation, pour une part relatées dans "Pour Le Parti", nous ont montré qu’ils étaient insuffisants pour diriger de façon précise notre activité. Insuffisants dans deux directions : en premier lieu, bien qu’ils définissent les tâches actuelles de l’O.C. ils restent flous ou très généraux quant à leur contenu, à la méthode pour les accomplir ; en second lieu ils sont insuffisants quant aux rapports entre les différentes tâches. C’est pour combler cette lacune en tirant le bilan de l’expérience que nous avons tenu cette année une Conférence de l’organisation sur la tactique dans les combats partiels, puis un Comité Central chargé de discuter des résultats de cette Conférence et du travail d’étude qu’elle a occasionné.

 

Au-delà du développement de certains principes de notre tactique déjà avancés par l’OCML-VP, ce travail était rendu nécessaire par les interrogations que suscite la période que nous traversons. En rapport avec les efforts que nous déployons notre progression est très lente : dans cette lenteur qu’est-ce qui tient à la situation objective et qu’est-ce qui tient à nos insuffisances et à nos erreurs ? Ne fallait-il pas revoir complètement notre définition de la période tactique actuelle, conquête de l’avant-garde ouvrière pour créer un parti révolutionnaire ?

 

Nous vivons incontestablement une période de reflux du mouvement ouvrier dans son ensemble, reflux qui n’épargne pas les révolutionnaires et qui a pour conséquence d’accroître la pression de la bourgeoisie sur nous dans le sens de l’abandon de nos objectifs révolutionnaires et des tâches élevées que nous nous sommes fixés. Cet abandon se manifeste au niveau d’un grand nombre de militants qui sont venus au marxisme-léninisme dans la période de flux qui a suivi mai 68, beaucoup ont lâché prise. Deux tendances représentent assez bien cet abandon des tâches révolutionnaires, l’une est représentée par les militants qui se réfugient dans le "partiel", bornent leur activité à un secteur de lutte particulier (syndicalisme, nucléaire, écologie, organisations de masses diverses,...) ; l’autre par ceux qui se réfugient dans l’étude théorique au nom des incertitudes - réelles - nées des échecs du socialisme et des échecs répétés des M.L. dans la reconstruction d’un parti. On ne peut combattre ces tendances qu’en comprenant les conditions objectives et subjectives qui ont entraîné le reflux général du mouvement ouvrier. Et à partir de cette compréhension, adopter pour nous-même la tactique destinée à renverser la tendance et à préparer dans les meilleures conditions le flux inéluctable à venir. Le texte sur la tactique dans les combats partiels ne répond pas totalement à ce problème, il y répond çà et là dans la mesure où les considérations sur la période actuelles sont indispensables pour définir notre ligne tactique dans les combats partiels. II ne faut donc pas l’isoler des autres documents où nous abordons d’autres aspects des tâches actuelles des M.L. : tâches internationales, tâches théoriques, d’organisation, d’unification des M.L.

 

Afin de replacer ce document dans le cadre général de notre ligne, donnons ici les principales caractéristiques de la situation de reflux et les réponses que nous lui apportons.
Le reflux général du mouvement ouvrier en France a d’abord une cause objective. La période de crise inaugurée en 1974, mettant fin à une relative prospérité e eu pour première conséquence de plonger la classe ouvrière dans l’incertitude du lendemain ; les 1 500 000 chômeurs officiels pèsent sur les ouvriers au travail, tandis que les luttes "ordinaires" c’est-à-dire les grèves pacifiques ne donnent plus de résultats palpables. D’où le repli, la peur du lendemain, l’individualisme. Accentuant ce mouvement "naturel" du début de crise, la politique de la bourgeoisie a consisté à accentuer la concurrence entre les ouvriers, à "briser les acquis" collectifs, par l’introduction massive du travail précaire sous toutes ses formes, par la politique de l’immigration(placer ceux qui sont là en position de sans-droits ou d’expulsés en puissance tout en introduisant une immigration plus docile), aménagement du temps de travail, etc.

 

Le repli ouvrier tient à des facteurs subjectifs également dont deux facteurs déterminants : la domination du réformisme et du révisionnisme sur le mouvement ouvrier a laissé la classe ouvrière désemparée, accentuant ses divisions. Ils cantonnent un mouvement ouvrier dans lequel ils sécrètent le corporatisme, l’individualisme, le chauvinisme et la division, à des formes de lutte insignifiantes, héritées de la période révolue de "croissance", et totalement inefficaces alors que l’heure n’est plus aux concessions quelles qu’elles soient. C’est la logique de leurs lignes politiques : le P.S.-C.F.D.T., après avoir été auréolés de leurs soutiens aux luttes ’dures", ont maintenant alignés leurs prétentions réformatrices sur les intérêts les plus immédiats de la bourgeoisie face à la crise : ils admettent ouvertement que la classe ouvrière doit nécessairement faire les frais du redressement et limitent dès lors leur action à la négociation sur la manière de procéder. Le P.C.F-C.G.T. contestent la bourgeoisie sur le terrain même de la gestion capitaliste et opposent un développement national au développement international des restructurations impérialistes. D’apparence plus radicaux, la défense de l’entreprise, de la nation impérialiste, revient au bout du compte à demander à la classe ouvrière de faire les frais du redressement. Ces différences entre les divers courants réformistes tiennent pour une part à la base sociale des uns et des autres, mais ils ont en commun d’exprimer les intérêts des couches petites-bourgeoises et aristocrates ouvrières qui ont intérêt à la bonne santé de l’impérialisme et d’appeler la classe ouvrière à "lutter" pour ces intérêts réactionnaires.
Parallèlement aux conséquences néfastes de la domination du réformisme sur un mouvement ouvrier déjà frappé par les conditions objectives nées, de la crise, les forces révolutionnaires connaissent une débandade caractérisée. Toutes les périodes de reflux du mouvement ouvrier connaissent le phénomène de l’abandon de la voie révolutionnaire par une partie des militants. Notamment les intellectuels, qui ont eu tant de poids dans le mouvement M.L. des années passées, savent bien s’enflammer pour la révolution quand la fièvre monte et que celle-ci apparaît comme une perspective pas très éloignée, mais savent aussi revenir à leurs études lorsque la lutte devient plus dure, lorsque la révolution apparaît comme une perspective éloignée, voire illusoire, à l’examen superficiel de la situation. Les forces révolutionnaires, les M.L. en particulier ont connu ces derniers temps ce genre de défections. Certaines crapules sont même passées à l’ennemi, n’ayant pas la pudeur d’ajouter le silence à leur abandon, et l’on a vu des anciens "leaders" d’extrême-gauche, parader dans la presse et l’édition bourgeoise pour cracher sur la révolution. Ce qui donne au phénomène une ampleur exceptionnelle aujourd’hui c’est que l’échec du socialisme en Chine après la mort de Mao, l’évolution négative du Vietnam Cambodge, et même de l’Albanie ont révélé les grandes lacunes théoriques des M.L. Alors que la Chine a été pour toute une génération de militants la réponse politique à la dégénérescence de l’U.R.S.S., la victoire des révisionnistes a porté le doute sur la question-même du but final. Si bien que le mouvement "normal" de défection des intellectuels les plus instables s’est étendu à un grand nombre de militants ouvriers et d’intellectuels révolutionnaires. Le reflux actuel du mouvement ouvrier est donc accentué par cette situation du mouvement révolutionnaire. Ces échecs du socialisme jouent aussi un rôle direct dans le reflux du mouvement ouvrier : les ouvriers, notamment les plus avancés, se posent des questions sur le but final, le socialisme, le parti, etc...
Quelles réponses apportons-nous à cette situation ? La première réponse c’est que nous ne croyons pas du tout que les facteurs objectifs qui déterminent la situation actuelle de reflux soient de longue durée. Certes nous pensons que la crise et la politique mise en œuvre par la bourgeoisie pour tenter de s’en tirer, modifie et modifiera encore la situation des classes sociales et les rapports entre elles, de même qu’elle modifie la structure interne de la classe ouvrière. Mais les facteurs qui dans l’immédiat favorisent la concurrence entre les ouvriers, l’individualisme, la peur et l’apathie, se transformeront en leur contraire. Leur effet total sera de créer les conditions d’un nouvel essor, d’une nouvelle unité de la nasse ouvrière. Mais il s’agit là de conditions qui se créent plus ou moins vite indépendamment de notre action. Notre action, par contre, doit consister à préparer l’essor inéluctable dans les meilleures conditions possibles.
La deuxième réponse, c’est que nous devons lutter contre le réformisme et le révisionnisme dans la classe ouvrière, montrer aux ouvriers avancés la responsabilité des réformistes dans la situation actuelle. C’est là que l’on prépare les conditions d’un progrès de l’organisation révolutionnaire. Dans une période de reflux, consolider des cellules communistes dans la classe ouvrière, se livrer par leur intermédiaire à un intense travail de préparation idéologique et politique. Gagner aujourd’hui des individus un par un pour qu’ils entreprennent leur travail révolutionnaire afin que l’on recrute par centaines demain. "Aller à contre-courant est un principe révolutionnaire", continuer à propager nos objectifs, en quoi ils répondent à la situation et non rabaisser notre activité sous prétexte que les masses ne sont pas aujourd’hui prêtes à lutter. C’est l’objet de ce rapport de préciser comment nous devons accomplir cette tâche.
La troisième réponse c’est que pour mener l’ensemble de notre activité et gagner les militants découragés, nous plaçons au premier plan les tâches d’élaboration théorique. Aussi bien en ce qui concerne l’analyse concrète de la société, profondément modifiée par les suites de la crise capitaliste, qu’en ce qui concerne le bilan de l’expérience historique du socialisme, cette activité est déterminante pour donner toute sa profondeur à notre action dans la classe ouvrière.
Voilà dans quel plan d’ensemble ce texte sur la tactique communiste dans les combats partiels s’inscrit.

Sommaire :

I. Combat partiel et révolution prolétarienne
- 1) Nécessité de la participation des communistes aux combats partiels de la classe ouvrière
- 2) Objet de la tactique

 

II. Le mouvement des masses ouvrières aujourd’hui
- 1) Le mouvement spontané
- 2) Quelques repères actuels
- 3) Les deux voies du mouvement ouvrier

 

III. L’action indépendante de l’organisation communiste
- 1) Quel salut aujourd’hui ?
- 2) L’action indépendante de l’OC conditionne toute tactique
- 3) Le fondement de l’action indépendante de l’OC c’est le programme
- 4) L’élaboration du programme révolutionnaire est un processus dialectique

 

IV. Les problèmes actuels de notre tactique dans les combats partiels
- 1) Des erreurs à éviter
- 2) Revendications et mots d’ordre
- 3) Formes et méthodes de lutte
- 4) Notre tactique est spécifiquement anti-révionniste (Front Unique)

 

V. L’action communiste dans les syndicats
- 1) Désyndicalisation et conséquences
- 2) Nature de l’action communiste dans les syndicats
- 3) Questions tactiques spécifiques

 

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