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Les Fralib toujours debout

Le 3e plan social (PSE, puisqu’on appelle plan de « sauvegarde de l’emploi » les plans de licenciements) a été annulé en appel en février 2013, comme les deux précédents l’avaient aussi été. Donc tous les licenciements étaient annulés et tout le monde devait être réintégré. C’est le contraire qu’a fait Unilever : il a mis fin aux contrats de conversion en cours et licencié tout le monde (hormis les délégués). Donc nouvelle assignation au tribunal en juillet 2013, pour le juge d’exécution. Rendu en novembre : oui, le PSE est bien annulé, Unilever doit présenter un nouveau plan social pour l’effectif d’origine : 182 salariés. Réponse d’Unilever, ok, on accepte le jugement. Et il présente un 4e plan social... pour les 14 délégués restants ! On ne peut que se dire : à braver la loi comme ça depuis 3 ans, c’est qu’il est sûr de ses arrières, que ça ne lui retombera pas dessus. Donc qu’il a obtenu des garanties des différents gouvernements (si si, il a changé)... Ce qu’on appelle la loi du plus fort !

 

Deuxième claque : en janvier 2014, suite à d’autres procédures, tous les salariés restants qui n’ont pas négocié leur départ, 63 après 3 ans et demi de lutte, passent individuellement en conciliation aux Prud’hommes. Le but d’Unilever : brandir encore une fois un chèque (prime complémentaire de 90 000 €) sous le nez de chaque salarié, pour encore diviser le collectif (et ils y croyaient, annonçant même en CE « Aux Prud’hommes, vous allez avoir des surprises »). Bilan : 63 refus individuels sur 63 ! Encore une tentative de division par terre...

Donc, du côté juridique, les ouvriers de Fralib sont toujours en position de force contre Unilever pour le contraindre à lâcher de la sous-traitance ou une aide économique substantielle pour la relance de la production sous statut coopératif, le but qu’il se sont fixé pour garder un emploi au lieu de se battre pour une prime. Ce qu’ils veulent obtenir d’Unilever, c’est de quoi assurer les conditions de production et de revenu pour les 77 salariés qui veulent continuer à vivre de leur travail. Lesquels continuent de mener actions diverses (blocages de voies routières ou ferrées, de plateforme Unilever, du ministère de l’Agriculture,...) et campagne de boycott des produits Unilever (marques Omo, Skip, Persil, Sun, Lipton, Eléphant, Fruit d’or, Planta, Alsa, Amora, Maille, Magnum, Carte d’or,... on ne va pas citer tout, tapez marques Unilever dans un moteur de recherche internet !). Ils restent mobilisés et déterminés, malgré les tensions palpables que les hauts et les bas de la lutte provoquent.

 

Et le problème de l’argent montre aussi la grande dissymétrie entre le géant Unilever et la poignée d’irréductibles qui s’opposent à lui. L’argent pour Unilever n’est pas un problème, le budget est sans limites pour contrer les ouvriers en lutte ! A ce qu’on sait, Unilever a dépensé plus de 60 millions d’euros pour casser leur lutte, bien plus que leurs besoins pour redémarrer la production sans eux ! Cela confirme encore que la lutte de classes menée fermement est directement politique : un monopole ne lâche rien qui puisse remettre en cause ses capacités de gérer l’exploitation. Gageons qu’il a le soutien de tout le MEDEF pour y parvenir...

 

Face à cette fermeté de la multinationale, le gouvernement est bien obligé de suivre ! Il aurait aimé cacher sur ce dossier mineur son rôle de quartier général de la bourgeoisie en servant d’intermédiaire entre les ouvriers en lutte et le trust. Si celui-ci était disposé à en lâcher un peu. La promesse de campagne de Hollande aux salariés en lutte : « Je serai toujours à vos côtés » fait un gros flop et confirme les Fralib dans leur compréhension : c’est de lutte de classes qu’il s’agit et on voit quels intérêts défend le gouvernement... conformément à ses autres décisions d’ailleurs : l’ANI pour faciliter les fermetures, les promesses de baudruche pour casser les luttes et décourager la résistance (sidérurgie, PSA Aulnay, Goodyear), les baisses de charges patronales,... la panoplie est complète et sans équivoque.
Le gouvernement Sarkozy était dans le soutien clair à Unilever (Xavier Bertrand était intervenu personnellement pour donner un coup de pouce au trust). Celui de Hollande joue à On ne peut pas faire plus, il ne faut pas les embêter sinon ils fermeront d’autres usines. Comme Montebourg, croisé par hasard dans une gare à Paris, qui l’a reconnu : « Si Unilever ne veut rien lâcher, laissez tomber et trouvez une solution sans eux », lui qui avant les élections promettait de réquisitionner la marque Eléphant à un prix dérisoire comme ce que paie Univoleur !

 

Donc, on le comprend, la lutte est difficile car c’est toute la bourgeoisie qui est en face : ceux chargés officiellement de faire appliquer la loi se débinent quand elle condamne les intérêts du Capital. Même si la trahison des promesses est bien comprise, elle est dure à avaler et à surmonter. Comment faire plier Unilever ? Les actions collectives, la bataille juridique, le soutien non démenti des municipalités Front de Gauche et même de la Communauté urbaine de Marseille leur permettent d’être toujours dans l’usine, mais pas de faire plier Unilever. L’extension du conflit aux consommateurs, l’appel à la solidarité des autres travailleurs, la jonction avec les autres boites en lutte régionalement (KemOne, SNCM, Moulins Maurel) et nationalement (Goodyear) ou dans le trust (soutien aux travailleurs d’Unilever menacés de fermeture à Strasbourg), tout cela est fait. Mais ne suffit pas encore. Il faut continuer à frapper sans relâche tous ceux d’en face pour que le prix politique à payer (Unilever comme gouvernement) soit enfin trop élevé.

 

Au niveau économique, les ouvriers cherchent et trouvent d’autres débouchés de production, il paraît clair que la SCOP arrivera à exister. Mais dans quelles conditions économiques pour garder tous ceux qui luttent ? Le capitalisme a beaucoup d’armes pour affaiblir et détourner la résistance des travailleurs. La SCOP peut même en être une si elle les oblige à courber l’échine et à se consacrer à l’intensification de l’exploitation pour survivre économiquement...

 

Trois ans et demi de lutte et ils sont toujours invaincus face à Unilever, c’est déjà une sacrée victoire. La suivante, plus décisive, est encore devant...

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