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Palestine : Un peuple qui était vivant

Dans la première partie de l’ouvrage, l’historienne retrace une autre histoire de la Palestine. On découvre une Palestine dynamique avant 1948 qui contrebalance « l’un des mythes fondateur de l’État d’Israël d’une Palestine économiquement délaissée » (p. 23). Un dynamisme que l’on découvre dans de nombreux secteurs. En effet, la société palestinienne est en avance sur d’autres pays de la région dans de nombreux secteurs, dont l’éducation. En 1932, le taux d’alphabétisation des enfants de plus de 7 ans s’élève à 25,1% en Palestine contre 17,4% en Turquie. D’un point de vue économique, les Palestiniens connaissent au début du XXème siècle un début d’industrialisation à l’instar des pays européens. Selon des archives historiques palestiniennes, l’industrie alimentaire et les ateliers de tissage constituent les secteurs industriels les plus porteurs en 1918. L’artisanat local se développe également dans certaines villes qui vont être reconnues internationalement pour leur savoir-faire : c’est notamment le cas de la ville de Naplouse connue pour son savon. Cet essor industriel va faire émerger une bourgeoisie commerciale locale en majorité chrétienne. De plus, cette situation économique harmonieuse pendant la période ottomane va inciter l’immigration de travail en Palestine. En effet, de nombreux habitants de pays voisins viennent y trouver du travail.
On retrouve également ce dynamisme dans la culture et les affaires publiques. Pendant la Première Guerre mondiale, la presse palestinienne connaît un élan important. Le nombre de journaux palestiniens augmente, selon Rachid Khalidi (historien palestinien) cité par Sandrine Mansour : « Sur un total de 200, 48 sont fondés avant 1929, 85 dans les années 1930 et 67 entre 1940 et 1948 ». Parallèlement à cela, des espaces de sociabilité se développent : des cafés, des bibliothèques, des clubs culturels deviennent autant de lieux informels de politisation.
A l’arrivée des Britanniques, la situation économique change. Selon l’historienne, « les Britanniques ont refusé dès le départ de comprendre et d’appréhender la réalité de la vie des Palestiniens et leurs coutumes traditionnelles » (p 24). Exclus d’un système économique qu’ils ont contribué à bâtir, les Palestiniens vont mener des actions de contestation contre le régime britannique.

Effervescence politique

Le réveil politique des Palestiniens va se faire progressivement et se développer contre la présence britannique et le projet sioniste qui prévoit un foyer national juif en Palestine (Déclaration Balfour, 1917). En 1918, le premier comité islamo-chrétien voit le jour pour assurer la sauvegarde des droits des Arabes de Palestine. Le comité souhaite former une opposition au projet sioniste et s’élever contre la déclaration Balfour.
Des manifestations éclatent dans plusieurs ville à Gaza, Haîfa et Jaffa contre les Britanniques. Le mouvement national palestinien se structure. En 1936, une grève éclate sur l’ensemble de la Palestine mandataire. Les protestataires appellent à un arrêt total de l’immigration juive et demande l’établissement d’un gouvernement national. Ces revendications prennent forme à travers l’établissement, en 1936, d’un haut comité arabe dont l’objectif est de représenter politiquement les intérêts des Arabes de Palestine.
A la suite de ce soulèvement, les Britanniques proposent un plan de partage de la Palestine en deux zones distinctes : une pour les juifs et une pour les Arabes. C’est le plan Peel. Les Palestiniens s’y opposent, considérant qu’il ne répond pas aux aspirations d’indépendance des Arabes de Palestine. D’autres propositions de partage seront mises sur la table mais toutes échoueront.
Le 29 novembre 1947, le plan de partage de la Palestine est voté aux Nations unies et prévoit la division de la Palestine en six parties : trois pour le futur État juif et trois pour le futur État palestinien. Au lendemain de cette décision internationale, la situation dégénère en Palestine. En effet, pour l’auteur, les résolutions votée par l’ONU n’ont pas été mises en œuvre : « En réalité lors des débats de l’Assemblée Générale, cette question de la mise en oeuvre pratique de la décision n’a guère été évoquée, en dehors de la nomination de la Commission spéciale des Nations unies, qui doit prendre en charge l’administration avant de la remettre à chacun des deux États, commission que les Anglais refusent de voir sur le terrain tant qu’ils y sont. » (p 120). Une semaine après le vote de partage aux Nations unies, des combats d’une grande ampleur éclatent entre les troupes sionistes et la résistance palestinienne. Ces événements entraînent une première vague de départs entre décembre 1947 et mars 1948. Soixante quinze mille personnes, principalement issues de la bourgeoisie palestinienne, fuient le pays.
En mars 1948, la mise en oeuvre du plan Dalet dont l’objectif est de prendre le contrôle des territoires du futur État juif entraîne l’expulsion de plus de 300 000 Palestiniens : c’est la deuxième vague d’exil connu sous le nom de Nakba (la Catastrophe).
Sandrine Mansour situe une troisième vague d’exode entre octobre 1948 et le milieu des années 50. Ce mouvement de population entraîne le départ d’environ 150 000 à 200 000 personnes. Les Palestiniens deviennent « une nation de réfugiés ». (...)
L’auteur conclut en rappelant le dessein de cet ouvrage par une citation de l’intellectuel palestinien Edward Said : « De dire qu’il y avait un peuple palestinien, et que, comme d’autres, il avait son histoire, sa société, et le plus important, un droit à l’autodétermination » (p. 225).

 


Sandrine Mansour-Mérien, L’histoire occultée des Palestiniens, 1947-1953, Paris, Éditions Privat, 2013, 238 pages.

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