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Que penser des "Indigènes de la République" ?

Partisan Magazine N°3 - Octobre 2015

Le Parti des Indigènes de la République (PIR) est né dans le sillage du Mouvement des Indigènes de la République (MIR), issu d’un appel unitaire en 2005. Cet appel a eu un important écho à l’époque et faisait suite à la loi islamophobe interdisant le foulard à l’école en 2004 et précédait aux révoltes dans les quartiers populaires de novembre 2005 [1]. Suite à cet appel, un Mouvement politique puis un Parti ont vu le jour. Le PIR est une organisation faible numériquement (à peine quelques dizaines de membres) mais qui a une influence idéologique et politique relativement importante dans les milieux de l’immigration, contre le racisme, les crimes policiers etc. Alors pourquoi cet article ?
Pour ceux qui suivent un peu les polémiques autour de cette organisation, rassurez-vous il ne s’agit pas d’un énième texte entre universitaires afin de répondre les uns aux autres, dans leurs langages, à coup de dizaines de pages. Ni une attaque d’une quelconque officine sioniste qui cacherait mal sa haine anti-arabe.
Pour nous, communistes révolutionnaires, la polémique politique est importante. Nous la pratiquons avec différents courants réformistes ou centristes, car nous pensons que les idées justes ne se révèlent qu’en contradiction avec des positions fausses. Nous n’avions parlé du PIR qu’une fois en tant que tel [2], nous allons essayer d’apporter quelques précisions et réponses à leurs positions. Mais d’emblée affirmons une chose. Nous ne ferons pas une critique de leur trop grande « radicalité », justement parce que pour nous c’est l’essentiel de ce qui leur manque : prendre le problème à la racine.

 

D’où vient le PIR ?

 

Déjà, accordons un mérite au PIR.
Sa création en 2005 fut un moment politique important et rassembla largement des personnes en ayant marre de l’antiracisme de « gauche ».
Car soyons bien clairs, en ce qui nous concerne nous avons toujours dénoncé la politique pro-impérialiste, de soutien au colonialisme et aux politiques anti-immigrés de cette « gauche » prétendument antiraciste. Mais ça ne date pas des années 70 ou 80. Déjà en 1937, le gouvernement de Front populaire interdit l’Étoile nord africaine, l’organisation nationaliste et indépendantiste Algérienne, le PCF ne soulève aucune protestation. Bien plus en 1939, Thorez [3] affirme que l’Algérie n’est qu’une nation en formation et n’est pas mûre pour l’indépendance. Et ce n’est que deux exemples parmi de nombreux autres [4].
Il en est de même pour l’opération de récupération par la bourgeoisie du PS de la Marche pour l’Egalité et contre le Racisme en 1983 avec la création de SOS Racisme. Organisation antiraciste bourgeoise qui avait pour seul projet l’intégration de la fraction immigrée mobilisée à la politique gouvernementale en réduisant la question du racisme à un positionnement moral.
L’appel des Indigènes de la République a donc mis en lumière ce phénomène. Celui des faux amis de « gauche » dans les luttes de l’immigration et contre le racisme. Et n’oublions pas le chauvinisme et le paternalisme qui traversent un large spectre des organisations progressistes et révolutionnaires.
Mais dire juste cela serait insuffisant et masquerait une partie de la réalité. Car le mouvement ouvrier a toujours été porteur de combats et de références antiracistes. Des étrangers élus à la Commune de Paris [5], du PCF dans les années 20 qui luttent pour l’indépendance des colonies [6], les influences maoïstes des Black Panthers ou encore l’impulsion par la Gauche Prolétarienne du MTA dans les années 70 [7], les exemples sont nombreux.
Mais loin d’occulter cette histoire comme le fait le PIR, il est important de faire le bilan des expériences passées. En y faisant une critique acerbe quand cela est nécessaire mais en révélant aussi toutes les expériences positives porteuses de leçons pour l’avenir.

 

Buzz et peoplisation

Ce qui est frappant c’est de voir que cette organisation, si petite soit-elle, a un large écho et notamment médiatique.
Sans doute ce phénomène est à mettre en résonance avec la théorie du « choc des civilisations », le PIR y étant présenté comme le supposé adversaire de la « société française » faisant éructer tout ce qui ressemble à un chauvin, de la gauche jusqu’à l’extrême droite.
Mais il faut aussi regarder du côté de la stratégie du PIR lui-même. Il est passé maitre dans la petite phrase, le petit néologisme qui a pour objectif bien souvent de choquer le petit-bourgeois blanc plutôt que de construire un antiracisme conséquent.
C’est pareil dans sa manière de concevoir ses temps politiques. Il milite de la même manière que toutes ces organisations de gauche réformiste qui mettent systématiquement en avant des figures médiatiques ou invitent dès qu’il faut parler d’un sujet le bon chercheur en sciences sociales, le bon sociologue. Mais elle est où la parole de l’immense majorité des non-blancs de ce pays, la parole des ouvriers du bâtiment, des femmes de chambre de l’hôtellerie de luxe, des jeunes déscolarisés des quartiers populaires etc. ? Car à faire de la politique comme ça, loin d’être un outil d’émancipation on se transforme en boite de com’.

Blancs, non-blancs et classes sociales

 

Une des caractéristiques du PIR c’est de considérer que ce qui structure la société française n’est non pas le clivage gauche/droite [8] mais la race et donc le clivage blanc/non blanc.
Entendons-nous bien, et ne leur faisons pas un faux procès. Par race, le PIR n’entend pas race biologique mais bien « race sociale ». Ce que Houria Bouteldja définit ainsi : « la catégorie de « blanc » n’est pas une couleur […] Blanc c’est une catégorie politique, comme Indigène c’est une catégorie politique. Tous ceux qui sont victimes de discriminations raciales en Europe sont de mon point de vue des Indigènes, c’est une communauté politique. Et ceux qui en bénéficient à l’insu de leur plein gré [sont les blancs] » [9].

 

Sadri Khiari [10] va plus loin et affirme « Comme le Capital produit les classes, comme le Patriarcat produit les genres, le Colonialisme européen-mondial produit les races. Il constitue un mécanisme de différenciation et de hiérarchisation de l’humanité entre un pôle doté, en tant que race, de privilèges, invisibles ou manifestes, et un pôle racial dont la soumission à toutes sortes de violences, invisibles ou manifestes, garantit les privilèges du pôle dominant. » [11]

 

Pour nous, l’oppression est la domination politique, économique et idéologique d’un groupe social sur un autre, en raison de son sexe, de son âge ou de sa nationalité. Les formes de la domination sont principalement réglées par l’appartenance de classe. Ainsi tout blanc peut être un agent de l’oppression sur un non-blanc ; mais, de même que le non-blanc bourgeois n’est pas opprimé de la même façon que le non-blanc ouvrier, l’ouvrier blanc n’a pas les mêmes moyens de domination que le blanc bourgeois.
Mais il existe de fait une « ethnicisation » de la division du travail dans certaines branches industrielles en France, dans le bâtiment où les ouvriers africains occupent des postes peu qualifiés et les plus précaires, dans le nettoyage ou encore dans l’industrie automobile parisienne où les postes d’Ouvriers Spécialisés étaient occupés en très forte majorité par des immigrés, sans perspective d’y échapper y compris par la formation. La discrimination enfin dans l’accès à l’emploi pour les jeunes des quartiers populaires.
La discrimination par l’origine est aggravée par la condition d’exploité, elle est en grande partie neutralisée par l’appartenance à la bourgeoisie.
Houria Bouteldja écrit « quand on est chrétien mais d’origine libanaise, ou blanc de peau mais Turc, on n’est pas blanc » [12]. Quand on est pauvre, immigré, ouvrier, on n’est pas totalement « Français », on suscite méfiance et discrimination… mais quand on est blanc et pauvre aussi, même si c’est autrement. Par contre quand on est chrétien, d’origine libanaise, mat de peau, mais d’origine bourgeoise, et que l’on s’appelle Carlos Ghosn [13], on peut diriger un des plus grands groupes impérialistes français, sans que cela ne prête à discrimination.

 

Le racisme et l’État

 

Houria Bouteldja souligne qu’il faut identifier le « lieu de production du racisme : l’Etat nation impérialiste ». C’est en partie juste [14]. Ce qui l’est moins c’est de réduire cette production à « la nécessité d’élire un corps de privilégiés, les blancs, et de distribuer le pouvoir et la richesse en fonction notamment de critères raciaux. Autrement dit, il faut comprendre ’existence du ’salaire de blanchéité’ » [15]. La production du discours raciste n’a pas principalement une fonction économique, mais une fonction idéologique.

 

Les préjugés divers d’origine, sociaux, racistes, religieux… n’ont pas besoin de l’État pour exister, mais c’est toujours par l’action des appareils idéologiques et politiques de l’Etat qu’ils sont organisés en système de domination et de consensus, visant à reproduire une domination de classe et/ou une domination coloniale et impérialiste.

 

Les discours d’État répondent toujours à une situation spécifique de la lutte des classes. Le discours de consensus, « d’union nationale », vise toujours à rassembler autour de la bourgeoisie, de son État, de son idéologie, par la construction d’une menace « extérieure » ou le rejet d’un corps étranger à la « nation » ou à ses valeurs. C’est donc en même temps un discours de division des exploités, car ce sont eux les plus visibles, en même temps que les plus vulnérables… ceux qui par le cumul de leur « étrangeté » culturelle et sociale sont le plus à même de rassembler contre eux les couches bourgeoises, petites bourgeoises et les prolétaires arriérés.

 

Houria Bouteldja dit avec raison qu’il faut historiciser le racisme ou les contradictions. La xénophobie anti-italienne de la fin du XIXe siècle avait avoir avec la concurrence entre ouvriers, mais aussi avec les tensions entre les puissances coloniales italienne et française, autour de la Tunisie. La rédaction du Protocole des sages de Sion par la police tsariste se voulait un contre-feu à la montée du mouvement ouvrier révolutionnaire en Russie. L’hostilité particulièrement forte à l’égard des Algériens ne peut s’expliquer que par le discours produit par l’État pour s’opposer et disqualifier leurs aspirations nationales et leur guerre de libération. L’idéologie selon laquelle l’Islam serait par nature étranger à la démocratie et à la nation française, doit beaucoup au discours d’Etat de l’époque coloniale. En Algérie coloniale, l’Algérien qui voulait ou pouvait accéder à la pleine citoyenneté (ils étaient une minorité à le vouloir et à le pouvoir) devaient renoncer au statut personnel musulman. Cette exigence s’appliquait pourtant moins à une religion qu’à une origine puisque la Cour d’appel d’Alger pouvait statuer en 1903 que le terme musulman « n’a pas un sens purement confessionnel, mais qu’il désigne au contraire l’ensemble des individus d’origine musulmane qui, n’ayant point été admis au droit de cité, ont nécessairement conservé leur statut personnel musulman, sans qu’il y ait lieu de distinguer s’ils appartiennent ou non au culte mahométan » [16].

 

Ces idéologies produites dans un contexte colonial passé subsistent dans la société et au sein même de l’appareil d’Etat, comme y persistent les légitimations idéologiques de la colonisation fondées sur l’apport de la civilisation aux peuples à conquérir, peuples « infantiles », auxquels la « grande nation française » devrait apporter les lumières [17]. Conceptions idéologiques dont la gauche réformiste a été la propagatrice.

 

Un projet politique révolutionnaire ?

 

Lors de la constitution du MIR en PIR, cette organisation s’est doté d’un texte intitulé « Nos principes » [18] qui revient sur l’essentiel de leur vision politique. On est prévenu dès le début : « Avec l’Appel de 2005 et la déclaration intitulée « Qui sommes-nous », il constitue le socle de notre action actuelle » [19].

 

Bon déjà, on s’enlèvera la peine de se dire que le problème du PIR est un problème « d’articulation », qu’ils parleraient trop de « luttes raciales » et pas assez de lutte de classe ou de sexisme. Pour nous c’est au-delà : ce n’est pas un manque « d’articulation », c’est qu’ils n’en parlent pas du tout.
Et quand ils parlent de lutte contre le racisme et les moyens pour le combattre, on n’est pas déçu ! Ils affirment notamment : « Le PIR a pour objectif politique l’avènement d’une majorité politique contrôlant les principaux leviers institutionnels et déterminée à engager les profondes réformes institutionnelles, sociales, économiques et culturelles, nécessaires pour poursuivre le processus décolonial, dans ses différentes dimensions, et combattre les inégalités raciales » [20]. Ou encore dans le même type : « Le PIR a pour objectif, à plus long terme, la constitution d’un gouvernement décolonial, s’appuyant sur une nouvelle majorité politique dans le pays. Dans cette perspective, il travaille à construire des alliances susceptibles d’engager une dynamique de mobilisation et de regroupement sur une base décoloniale » [21].

 

Au moins ça a le mérite d’être clair, la révolution est bien loin. Affirmer cela ce n’est pas comprendre la vraie nature du racisme et son rôle sous le capitalisme. Les préjugés et les discriminations contre une fraction du peuple, du fait de son origine, sa culture, son faciès ou sa religion, ne sont pas nés avec le capitalisme. Mais ces craintes, ces peurs, sont devenues des instruments de domination politique et économique par l’action de l’État et sous ces appareils idéologiques (médias, école, sciences etc.). C’est toujours par l’action des appareils idéologiques et politiques de l’État qu’ils sont organisés en système de domination et de consensus, visant à reproduire une domination de classe et impérialiste.
Ainsi le projet politique du PIR n’est pas un projet antiraciste porteur de l’émancipation de toutes et tous. Mais bien un projet politique réformiste et idéaliste qui vise à promouvoir un Etat toujours bourgeois mais « décolonial » et antiraciste. On pourrait se demander pourquoi. Et bien nous affirmons que c’est en regardant vers la base sociale de cette organisation que l’on peut entrevoir des réponses. L’éviction dans le discours politique des contradictions de classes comme facteur principal des inégalités sociales, comme le fait le PIR, est toujours la marque d’une position de classe bourgeoise ou petite bourgeoise.

 

Combattons nos illusions, construisons nos outils !

 

Pour nous, la naissance du Parti des Indigènes de la République répondait à une aspiration juste. Encore trop souvent, les organisations de l’extrême gauche française ont une vision simpliste de la société et réduisent le combat révolutionnaire à la lutte entre ouvriers et patrons. Notre organisation n’est évidemment pas exempte de ces erreurs.
Mais l’essai n’a pas été transformé.
Déjà, ce qui est en soi choquant, c’est le fonctionnement d’une organisation qui reproduit pour l’essentiel les codes de la politique bourgeoise. On pourrait s’attendre à mieux d’une organisation qui se prétend représenter les « indigènes » de France. Style intellectualiste très peu accessible, mises en avant de quelques personnalités médiatiques, beaucoup plus d’interventions dans des colloques universitaires que dans les usines et les quartiers populaires etc.
Mais nous ne leur reprocherons pas leur petite taille ou leur faible influence auprès des gens qu’ils souhaitent toucher, nous rencontrons les mêmes difficultés.
Mais nous sommes sûrs d’une chose. Pour rallier le prolétariat à la perspective révolutionnaire, il nous faut nous appuyer sur les idées justes qui existent parmi lui pour combattre ses idées fausses.
Le PIR a une toute autre stratégie. Il opère depuis plusieurs années un glissement dangereux.
En se refusant de critiquer fermement le réactionnaire Dieudonné ou la bourgeoise Taubira car « indigènes », ils entretiennent des illusions sur le fait qu’ils ne seraient pas des ennemis. En refusant de se positionner sur le mariage pour tous sous le prétexte que cette question « n’est pas prioritaire » ils font le lit des homophobes [22]. En préférant dénoncer le « philosémitisme » au lendemain de massacres antisémites, ils entretiennent par opportunisme l’antisémitisme.
Et les exemples sont pléthores.
Alors, n’attendons plus grand chose de leur part. Mettons-nous surtout à construire nos propres outils, pour tracer la voie de notre émancipation, à toutes et tous dans l’entièreté de nos complexités !

Philosémitisme et antisémitisme

 

Dans son article « Racisme (s) et philosémitisme d’Etat ou comment politiser l’antiracisme en France ? » [23], Houria Bouteldja dénonce une mise en symétrie entre islamophobie et antisémitisme. Elle illustre notamment son propos par une banderole d’une manifestation toulousaine suite à l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher qui arborait : « Contre le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme » [24]. Il se trouve que ce sont les militants de l’OCML VP qui avaient défendu le contenu politique de ce mot d’ordre dans la préparation de cette manifestation. Nous allons tâcher d’expliquer notre point de vue.
Oui, il n’y a pas de symétrie entre islamophobie et lutte contre l’antisémitisme, d’abord parce que la politique n’est pas une affaire de géométrie, mais d’analyse concrète d’une situation concrète.

 

Pour Houria Bouteldja, « le lieu de production de l’antisémitisme n’est pas l’Etat. Les Juifs en France ne sont pas discriminés au travail et au logement, ne sont pas harcelés par la police et ne subissent pas de propagande médiatique antisémite à grande échelle ». C’est vrai. Elle reconnaît le rôle de l’extrême droite dans la propagation de l’antisémitisme et des agressions antisémites. Mais elle ne « croit » pas « qu’ils soient les lieux de production de l’antisémitisme ». Par un retournement logique surprenant elle « croit » « qu’ils [les militants d’extrême droite] tirent leur cohérence antisémite de l’existence même de l’Etat-nation fondé sur l’identité blanche et chrétienne ». En quelque sorte, l’antisémitisme, bien qu’il ne soit pas produit au sein de l’État en serait néanmoins produit par lui par le fait même qu’il serait fondé sur une identité « blanche et chrétienne ». Ainsi « le philosémitisme d’Etat [serait] une forme subtile et sophistiquée de l’antisémitisme de l’Etat-nation ». Beaucoup de conditionnels et bien peu d’argumentation pour établir que si l’État bourgeois n’est pas le lieu de la production de l’antisémitisme, il l’est tout de même en étant philosémite, c’est-à-dire qu’il se donnerait une posture de défense des juifs. Bref, pour Houria Bouteldja il est antisémite parce que philosémite. Mais on peut que constater l’acrobatie stylistique...

 

Enfin, Bouteldja pose une question qui nous interpelle. « Pourquoi cette gauche tient-elle à associer lutte contre l’islamophobie et lutte contre l’antisémitisme ? Pour ce qui me concerne, je n’ai pas d’opposition de principe à condition d’appliquer la même méthodologie que pour l’islamophobie, le racisme noir ou le racisme anti-rom, c’est-à-dire identifier le lieu de production de l’antisémitisme. C’est ce que cette gauche se garde bien de faire ». C’est ce que Bouteldja fait avec un raisonnement bien spécieux.

 

L’association de la lutte contre l’islamophobie et l’antisémitisme se justifie non par symétrie mais par analyse politique. Après les attaques contre Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher, l’association se fait politiquement dans la dénonciation des actes dont le caractère antisémite est revendiqué, et par la conscience que les ouvriers immigrés ou non qui se reconnaissent à des degrés divers dans l’Islam, seront les victimes par ricochet du massacre.

 

La lutte contre l’antisémitisme est devenue une composante de l’idéologie d’Etat, mais c’est tardivement, dans les années 1960. Soit bien après le génocide des juifs. Elle vise alors à faire oublier l’attitude de tous les États européens à l’égard des juifs fuyant de nazisme, rejetés et refoulés et le peu d’intérêt pour leur massacre connu par les Alliés dès 1941. Si la lutte contre l’antisémitisme est devenue tardivement une composante de l’idéologie d’Etat, c’est que pendant les années de guerre froide les plus intenses (les années 1950), la politique des bourgeoisies en France, en Allemagne (comme aux USA), a été de réhabiliter les collaborateurs ou les agents du nazisme pour les mettre au service de la guerre « contre le communisme ». Cette politique était alors peu compatible avec la mise en avant de la dénonciation du massacre des juifs auquel avait participé l’État français et nombre de ceux qui le servaient alors (Papon, Bousquet et bien d’autres moins connus).
La lutte d’État contre l’antisémitisme est devenu un enjeu lorsque le mouvement national palestinien a émergé après 1967 en tant que mouvement progressiste pouvant menacer Israël dont le rôle de gendarme régional de l’impérialisme est essentiel. Cette idéologie d’État n’est pas essentiellement du philosémitisme, mais un soutien politique au projet sioniste motivé par son importance stratégique pour l’impérialisme. D’ailleurs beaucoup de courants sionistes, en particulier aux USA, qui se recrutent parmi les chrétiens fondamentalistes sont en même temps de vrais judéophobes.
Dans cette activité de soutien au sionisme, l’État produit un discours d’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme. Alors que de son côté le sionisme se nourrit de l’antisémitisme pour gagner à la colonisation de la Palestine de nouveaux colons. Sionisme et antisémitisme se nourrissent l’un l’autre.
Nous dénonçons l’antisémitisme pour trois raisons. La première est que l’antisémitisme est une idéologie criminelle, comme les autres formes de racisme. La deuxième est que l’antisémitisme populaire, comme tout racisme, détourne la colère des masses des vrais responsables de leurs difficultés et de leur souffrance. La troisième enfin est qu’en sous-estimant l’enjeu de la dénonciation de l’antisémitisme (entre autres dans le soutien à la Palestine) nous laisserions le champ libre à l’idéologie d’État assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme, comme à celle de l’État sioniste et de ses organisations de soutien en France.

[2« Indigènes de la république » Sortons de la confusion, Partisan, 2006, http://www.ocml-vp.org/article65.html

[3Secrétaire général du PCF de 1930 à 1964.

[4Algérie, colonisation et communisme, Brochure de l’OCML VP, Avril 2012, http://www.ocml-vp.org/article726.html

[5En 1871, lors de la Commune de Paris, de nombreux étrangers participent au soulèvement populaire et certains se retrouvent à des potes dirigeants. http://www.ocml-vp.org/article174.html

[6Il y a 90 ans, au congrès de Tours, le PC était fondé !, Article paru sur le site de l’OCML VP, 2010, http://www.ocml-vp.org/article332.html

[7Voir l’article dans ce même dossier « Unité et/ou autonomie : l’expérience du mouvement communiste ». http://www.ocml-vp.org/article1636.html

[8Concept que nous rejetons au profit de l’affirmation de la domination de la bourgeoisie, en tant que classe sociale, ayant le pouvoir politique et économique.

[9Houria Bouteldja : « L’antiracisme des Indigènes »- Conférence Tayush, 26 novembre 2012 https://www.youtube.com/watch?v=Js304r70VCM

[10Membre fondateur du MIR/PIR. Ancien dirigeant trotskyste en Tunisie.

[11La contre-révolution coloniale en France, Sadri Khiari, La Fabrique, 2009. Page 23

[12Racisme (s) et philosémitisme d’Etat ou comment politiser l’antiracisme en France ?, Houria Bouteldja, 11 mars 2015, http://indigenes-republique.fr/racisme-s-et-philosemitisme-detat-ou-comment-politiser-lantiracisme-en-france-3/

[13Industriel franco-libanais-brésilien nommé PDG de Renault en 2005.

[14Le racisme se forme aussi dans les rapports de production, il naît aussi spontanément de la concurrence (réelle ou imaginée) entre travailleurs français et immigrés, concurrence pour le travail, pour les conditions de travail, et même pour les aides sociales.

[15ibidem

[16Français, Juifs, Musulmans... dans l’Algérie de 1830 à 1962 http://ldh-toulon.net/Francais-Juifs-Musulmans-en.html

[17Voir par exemple le discours de Dakar en 2007 de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, où il affirme « L’homme africain n’est pas assez rentré dans l’Histoire ».

[19Idem

[20Idem

[21Qui sommes-nous ?, PIR, février 2010, http://indigenes-republique.fr/le-p-i-r/que-voulons-nous/

[22« Si on m’interroge sur cette question, là où je suis, parce que je n’ai pas un avis universel, là où je suis, je dis, cette question ne me concerne pas. Parce que si on prend un micro et qu’on va dans les quartiers, au Mirail à Toulouse, au Mas du Taureau à Lyon, à la cité du Luth à Gennevilliers et qu’on demande aux gens « c’est quoi vos problème ? » les réponses spontanément, prioritairement ce sera le logement, le harcèlement policier, ce sera les discriminations, le chômage, ce sera un tas de questions liées à la vie du quotidien, cette question (du mariage gay) n’apparaîtra pas, j’en fais le pari. Ca ne signifie pas qu’il n’y a pas de pratiques homosexuelles dans les quartiers, ca signifie qu’elle n’est pas prioritaire et qu’on a d’autres choses beaucoup plus importantes et urgentes. », Universalisme gay, homoracialisme et « mariage pour tous », Houria Bouteldja, Février 2013
http://indigenes-republique.fr/universalisme-gay-homoracialisme-et-mariage-pour-tous-2/

[24Voir l’appel en ligne : http://www.ocml-vp.org/article1400.html

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