Archives > Malouines, quel enjeu ?

Malouines, quel enjeu ?

Pour le Parti N°48 - Mai 1982

L’invasion des Malouines par les troupes du Général Galtieri a eu lieu juste au moment où de puissantes manifestations populaires de rue commençaient à ébranler le régime militaro-fasciste argentin.

De toute évidence le moment choisi pour cette invasion militaire l’a été dans le but d’étouffer la lutte de classes renaissante en attisant la flamme du nationalisme. Et la manœuvre a partiellement (et momentanément) réussi. On a vu presque tous les partis de l’opposition (péronistes et réformistes) faire acte d’allégeance et décréter la paix sociale. Bref, selon eux, il faudrait que le peuple argentin renonce à la lutte, même aux droits démocratiques élémentaires, pour faire « l’Union Sacrée ». L’avenir dira combien de temps et dans quelle proportion le peuple argentin vendra ses intérêts les plus réels contre le plat de lentilles de la conquête des Malouines. Car enfin, quand bien même l’Argentine conquerrait dix archipels de ce genre, en quoi cela améliorerait le sort du peuple, en quoi cela le libérerait-il de la botte fasciste ?

Ceci dit cette affaire ne relève pas que d’une manœuvre de la fraction bourgeoise au pouvoir pour réaliser l’Union Nationale. Mais aussi du combat que se livrent les bourgeoisies de différents pays pour la conquête de nouvelles richesses.

Les Malouines ce n’est pas seulement 16 800 km2 de terres, pauvres. C’est toute la mer qu’il y a autour, et c’est une base, une étape vers les richesses du continent Antarctique.

Depuis quelques années le droit international a consacré « la zone économique des 200 milles » (370,4 km) en mer. C’est un enjeu important pour les puissances impérialistes qui conservent, comme restes de leurs anciens empires coloniaux, de nombreuses îles éparses à travers les océans.

Ainsi la France possède une trentaine d’îles (St Pierre et Miquelon, Antilles, Polynésie, etc. etc.) dans tous les océans. Elle est de cette façon avec les 200 milles marins, la 3ème puissance maritime mondiale avec 10 263 100 kilomètres carrés, derrière la Grande Bretagne (10 556 212 km2) et les USA (15 911 982 km2). Sans ces îles le territoire maritime français ne serait que de 340 000 km2 ! Par exemple les 6 km2 de l’ilot inhabité de Clipperton, au large du Mexique, « rapportent » d’un seul coup 425 000 km2 de mer. Et c’est pareil pour les Malouines pour la Grande Bretagne.

Derrière le conflit des Malouines, c’est le conflit des richesses de la mer. Si la Grande Bretagne « cède », c’est beaucoup d’îles qui seront revendiquées. Déjà la France s’est inquiétée de savoir si le Canada avait l’intention de récupérer Saint Pierre et Miquelon !

Les richesses de la mer, c’est 130 milliards de tonnes de poissons et éléments vivants, des centaines de milliards de tonnes de minerais, du pétrole et du gaz en abondance, etc. Ce sont des ressources immenses pour demain.

Tout cela excite bien des convoitises. Comme bien souvent ces îles sont peu ou pas habitées, ces convoitises entraînent et entraîneront de nombreux conflits entre les puissances nationales qui sont les plus proches d’elles, et les revendiquent, et les vieilles puissances colonialistes. Voilà pourquoi la France « socialiste », entre autres pays, a soutenu la Grande Bretagne dans cette affaire.

Et le journal patronal « Les Echos » s’interroge :
« Partout en Europe les budgets des marines nationales ont été rognés... La France ne fait pas exception, elle qui ne dispose que de minuscules garnisons dans beaucoup de ses îles. Elle n’est nullement à l’abri, et le conflit des Malouines vient, s’il en était besoin, lui rappeler comme à quelques autres pays, qu’il n’est pas toujours totalement erroné de maintenir en état un certain nombre de moyens militaires... La guerre des océans aura-t-elle lieu ? ».

La guerre entre les puissances impérialistes pour le partage du monde peut effectivement éclater à propos de n’importe quel incident. Pour le moment l’impérialisme US s’emploie à rétablir un compromis entre ses deux alliés argentins et anglais. Et l’affaire des Malouines, de ce point de vue, montre plutôt combien les contradictions s’exacerbent au sein même des grands camps impérialistes, entre les bourgeoisies. La crise du capitalisme met vraiment le désordre partout ! Tant mieux si les bourgeoisies s’affaiblissent les unes les autres. Mais nous n’en soutiendrons aucune dans leurs guerres. Au contraire.

C. Paveigne

Soutenir par un don