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Algérie, après les présidentielles

Partisan N°106 - Janvier 1996

Le 16 novembre, les élections présidentielles étaient organisées pour fournir une légitimité à un pouvoir issu du coup d’état de janvier 1992. Elles ont, sans surprise, porté à la magistrature suprême le général Liamine Zéroual, l’homme fort d’un régime dont le noyau stable est toujours l’armée. Mais l’événement n’est pas là. La surprise est venue d’un fort taux de participation (75%), alors que les principales forces d’opposition (FFS, FLN, FIS) appelaient au boycott et que les groupes armés menaçaient de représailles les votants. Quelle interprétation donner de ces résultats ? Les militants du Cercle pour la construction du parti socialiste ont organisé le 21 Décembre une réunion dont les informations et réflexions ont nourri l’article qui suit qui n’engage néanmoins que Partisan.

L’interprétation politique des résultats peut se faire à plusieurs niveaux.

Le 16 novembre est incontestablement une victoire politique du pouvoir bourgeois incarné par Zéroual. Elle sanctionne une victoire militaire acquise sur le terrain contre les groupes armés islamiques. Cette victoire peut être vue à trois niveaux, c’est d’abord pour le régime, le fait d’avoir pu, malgré les menaces, organiser cette élection qui s’est déroulée sans problème et au dire des camarades algériens, sans manipulation notoire. Le deuxième c’est que le régime en sort légitimé par le vote, ce qui est un facteur de renforcement au plan international. Très vite d’ailleurs la bourgeoisie français a repris contact avec ce pouvoir ainsi « purifié ». Enfin le régime et l’armée, sont apparus comme le seul rempart face aux islamistes fascisants du GIA et des groupes armés.

Pourtant dans un contexte où les groupes armés menaçaient les votants de mort, le vote massif des algériens et surtout des algériennes, y compris dans les quartiers populaires est clairement interprété par les camarades du cercle comme une mobilisation antifasciste pour barrer la route du pouvoir au FIS. La participation populaire apparait conne une volonté de résistance, et non pas contre un chèque en blanc donné au pouvoir. Il s’agit plus d’un désaveu de l’action des groupes armés que du courant intégriste islamiste qui, avec le Hamas (25% des votants), constitue un des courants politiques principaux du pays, même si son score est en relatif tassement par rapport aux voix obtenues antérieurement pas le FIS.

Le résultat est par ailleurs une incontestable défaite des forces qui appelaient au boycott comme les signataires de la plateforme de Rome (FFS, FLN, FIS).

Mais si cette élection est une défaite du FIS, acquise grâce à l’appui du peuple hostile aux groupes armés et refusant le terrorisme fasciste, il ne s’agit pas pour autant, comme a pu l’écrire la presse française, d’une victoire de la démocratie.

Le pouvoir bourgeois toujours organisé autour de l’armée, n’a pas cessé de développer des attaques contre les démocrates et les organisations populaires. Une association de jeunes comme le RAJ (Rassemblement Action Jeunesse) et des associations féminines se sont vu refuser des salles. La censure des journaux est fréquente, le journal « Liberté » et l’hebdomadaire « La nation » ont été plusieurs fois suspendus.

De plus le pouvoir n’a pas un projet aux antipodes des islamistes et il propose justement maintenant un gouvernement d’union nationale aux partis ayant participé aux élections. C’est à dire en particulier aux intégristes de Hamas. Il ne faut donc pas s’attendre à voir les droits démocratiques des femmes algériennes reconnus, ni le code de la famille abrogé.
De plus, le pouvoir accélère les réformes de libéralisation et l’ouverture du marché algérien aux capitaux impérialistes, ce qui va entraîner rapidement de grandes restructurations et de nouvelles vagues de licenciements.

Face à ces résultats, les camarades algériens du « Cercle » qui avaient proposé l’abstention, ont ouvert le débat sur la justesse de cette consigne (par rapport à une consigne de vote nul), et sur l’évaluation des causes politiques de leur sous-estimation de la mobilisation populaire contre le FIS, qui s’est manifesté par la participation au vote. Ce débat s’exprime dans leur journal El-MASSIRA. Mais au-delà de ces questions, l’orientation que proposent ces camarades s’organise autour de quatre tâches :
-  la nécessité de combattre militairement et politiquement les groupes armés, en toute indépendance par rapport au pouvoir. Cela pose, entre autre la question de la participation aux groupes d’autodéfense qui se créent spontanément ou non, et de la tactique à adopter pour cela.
-  Dans la lutte contre la politique antidémocratique et antisociale du pouvoir bourgeois, en s’appuyant sur les aspirations démocratiques (de nature politique, sociale et nationale), il faut construire sous la direction de la classe ouvrière un front démocratique, et qui devrait développer l’autonomie des mouvements de masse.
-  Développer la solidarité de l’immigration, et plus généralement la solidarité des travailleurs avec les luttes démocratiques et sociales en Algérie.
-  Enfin construire un parti qui puisse articuler la lutte actuellement principalement démocratique à la lutte des exploités pour leur libération, pour le socialisme.

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