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La zone franche de Lomé.

Partisan N°240 - été 2010

Togo : 50 ans après l’indépendance du pays, les entreprises étrangères, et notamment françaises, sont toujours là.

D’immenses grues sont à l’œuvre pour décharger des cargos géants. Des conteneurs sont entreposés ici à perte de vue. C’est le seul port en eau profonde d’Afrique de l’ouest. Il dessert le Togo bien sûr, mais aussi tous les pays du Sahel (Burkina Faso, Niger, Mali). Le Français Bolloré en a pris le contrôle l’an dernier. Il y a donc ici une zone franche, qui offre des conditions très avantageuses à quelque 60 entreprises, presque toutes étrangères. Une dizaine sont françaises. Yves Dossou dirige une association de promotion des droits de l’Homme au Togo. Il dénonce : « Une entreprise qui vient s’installer, pendant 10 ans est exonérée de taxes d’importation comme d’exportation. C’est vraiment le paradis pour ces entreprises. Mais malheureusement pour les jeunes Togolais qui viennent travailler, ils vivent dans des conditions déshonorantes. »

Cette zone franche a été crée il y a 20 ans pour lutter contre le chômage. Elle regroupe 10 000 emplois, mais les conditions de travail sont déplorables. Les gens mangent avec des bleus couverts de poussières à côté de route non goudronnées. Un travailleur explique : « Les employeurs ne respectent pas le droit du travail. Une grande partie des ouvriers ne gagnent même pas le salaire minimum de 28.000 francs CFA par mois (un peu + de 40 euros). Beaucoup sont à temps partiel. En plus, le port est loin du centre de Lomé, d’où des frais de déplacement importants ». Jean est titulaire d’une licence de lettres modernes. Il n’a pas d’autre choix que de travailler à la chaîne dans une usine d’emballage de la zone franche pour faire vivre sa femme et ses deux enfants. Il regarde avec envie ses patrons indiens arriver chaque jour au travail en confortable berline. « On voit des étrangers à la tête de ces entreprises, vous voyez des millions gagnés par ces gens là, 2, 3, 5 millions pour ces gens qui ne font rien, qui surveillent simplement ces travaux, et juste à coté vous voyez l’ouvrier qui travaille pour l’usine pour 30/40 000 francs CFA ». Les employeurs ne veulent pas s’exprimer. Le responsable des employés de la zone franche fait une déclaration où il nie « toute exploitation ».

A la Confédération Syndicale des Travailleurs du Togo, on affirme que la zone franche du port de Lomé est une zone de non-droit, un concentré de post-colonialisme. « C’est une nouvelle forme d’esclavage, la différence entre aujourd’hui et hier, c’est qu’hier on avait la chaîne que l’on nous attachait, aujourd’hui c’est de l’esclavage moderne. C’est, au temps de l’indépendance, comme si nous n’avions pas d’indépendance. » Depuis l’an dernier, quelques avancées... Certaines entreprises acceptent désormais des syndicats. Mais la plupart des patrons ferment toujours les yeux sur les conditions de travail.

(d’après un reportage signé Franck Mathevon, sur France Inter, en mai)

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