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Pourquoi Sarkozy remet en cause la loi de 1905 sur la laïcité
Partisan N°200 - Février 2006
Des Imams plutôt que des emplois !
Article premier : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. Article deux : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départe-ments et des communes toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites aux dits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assumer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. Les établis-sements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.
Ce sont ces deux articles fondamentaux que le ministre de l’Intérieur et des Cultes, monsieur Sarkozy veut « toiletter » prétextant les problèmes de construction de nouveaux lieux de cultes pour les 4 à 5 millions de musulmans de France. Effectivement quand on y regarde de plus près, pourquoi l’État ne financerait- il pas des mosquées puisqu’il contribue, via les collectivités locales, à l’entretien de la plupart des églises ? La situation engendre de nombreuses hypocrisies : pour financer indirectement la construction de nouveaux lieux de culte, l’État et les collectivités locales encouragent la formation d’associations de loi 1901 à vocations culturelles. Ainsi Jack Lang (PS) a dû dire officiellement qu’il finançait un musée d’art sacré pour verser en 1998 une subvention de 762 000 euros afin de construire la cathédrale d’Evry dans l’Essonne. Cette cathédrale appartient pourtant à l’Église comme tous les édifices bâtis après 1905. Comment refuser aux uns ce que l’on donne aux autres ?
PLUS D’OPIUM POUR LE PEUPLE
Le 19 septembre 2005, dans son discours d’ouverture du colloque « La laïcité française dans son contexte international : singularité ou modèle ? », Le ministre de l’Intérieur et des cultes expose clairement sa stratégie en ce qui concerne les musulmans. L’enjeu pour Sarkozy est de contrôler idéologiquement l’orientation que l’islam prend en France et de le lier à l’État français. « Je veux faire émerger un islam de France parce que je refuse l’islam en France. » Beaucoup d’associations musulmanes reçoivent en effet de l’argent de pays du Golfe. « Reconnaître des droits pour pouvoir imposer des devoirs, n’est-ce pas là le message de la République ? Mais quels sont les droits lorsque les imams viennent à 95% de l’étranger, parce qu’il n’y a pas de formation d’imams en France ? ». Pour cadrer et contrôler, il a besoin de créer un appareil d’État, une institution : c’est le Conseil français du culte musulman (Le CFCM). « J’ai voulu qu’il y ait, au sein du CFCM l’ensemble des représentants du monde cultuel musulman, y compris l’UOIF. » Et il veut aussi « donner aux musulmans de France les moyens de gagner leur indépendance (…) Je préfère qu’il y ait un jour un institut de formation des imams de France qui parlent français, qui étudient dans nos universités, qui connaissent nos valeurs plutôt que de demander au gouvernement algérien, au gouvernement tunisien, de nous envoyer des imams qui ne parlent pas un mot de français et qui ne sont pas pétris de la culture et de la tradition françaises. » Ces imams « fabriqués-maison » serviront à pacifier les banlieues.
1905 : MÉNAGER LA HIÉRARCHIE CATHOLIQUE
Dès le départ, cette loi de 1905, tout en marquant une rupture, aménage des compromis avec l’Église catholique. En effet au Parlement, deux modèles de séparation se sont affrontés. Les Radicaux voulaient que l’État ne reconnaisse plus l’Église catholique en tant que telle mais se contente de garantir aux fidèles le droit d’association pour célébrer leur culte dans l’intention évidente de susciter un catholicisme coupé de Rome. Certains socialistes, comme Maurice Allard, issus du Parti Socialiste Révolutionnaire (PSR), d’origine blanquiste, étaient pour une séparation nettement antireligieuse. « L’église, danger politique et social doit être combattue de toutes les façons, et je m’étonne qu’au moment où nous entreprenons contre l’église le combat décisif, on nous demande de déposer les armes et d’offrir un projet à l’église dit libéral. » Critiquant le projet de loi, les Radicaux proposaient de remettre les églises aux municipalités, d’y installer des bibliothèques, des cours, des œuvres sociales et de substituer les fêtes civiques aux fêtes religieuses. D’autres, comme Aristide Briand, rapporteur de la loi, estimaient qu’elle doit respecter la structure du culte léguée par l’histoire : les évêchés dans l’attribution des églises. Et ceci dans l’intention de ménager la hiérarchie catholique. Et Jaurès se ralliera à ces positions. Cette version modérée finit par s’imposer. Mais il faudra attendre 1924 pour que les « associations cultuelles » soient acceptées par Rome. Pie X condamnera la loi. Puis en 1907, nouvelle modification, le 23 janvier une autre loi précise que les édifices du culte seront laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte « pour la libre pratique des religions ». Il est probable que la poussée du mouvement révolutionnaire en France, renforcée par l’influence de la Révolution russe, a obligé le gouvernement Rouvier, pourtant républicain modéré, à traiter définitivement la question de la séparation de l’Église et de l’État. Mais les législateurs ont fait en sorte de respecter et de ménager la hiérarchie catholique.
SARKOZY-NAPOLÉON MÊME COMBAT !
Les hiérarchies religieuses ont souvent soutenu les pouvoirs réactionnaires en place. En 1894, elle se sont rangées du côté des anti-Dreyfusards pour défendre une armée où beaucoup d’officiers étaient dévots et le journal La Croix s’est intitulé journal antisémite. Plus tard elle est complice avec les pou¬voirs fascistes italien, espagnol et hitlérien.
La hiérarchie chrétienne n’a-t-elle pas toujours enseigné la soumission à la classe dirigeante et le respect à l’ordre établi ?
L’Église s’est associée à tous les coups de force contre la souveraineté populaire. « Il n’est pas une conquête de l’esprit humain dans l’ordre social, politique, philosophique, scientifique qu’elle n’ait anathémisé et combattue. » Les églises étaient un instrument idéal des classes dirigeantes pour propager l’obscurantisme et l’ignorance. En 1849, Thiers, le boucher de la Commune de Paris en 1871, vocifère contre les instituteurs, ces « anti-curés », « qu’on ferme les écoles normales, que le curé de la paroisse se charge de l’instruction primaire. Aussi bien il apprendra toujours au peuple qu’il a plus besoin de moralité que de savoir. » Et Napoléon, très franc : « Je ne vois pas dans la religion le mystère de l’incarnation, mais le mystère de l’ordre social. » Et Sarkozy : « Il y a un siècle, il y avait les instituteurs, qui faisaient un travail remarquable. Et il y avait le curé. Même dans les familles où on ne croyait pas, on allait à la communale, puis on allait au catéchisme et on vous donnait quelques éléments sur ce qu’était le bien et le mal… Oui, l’église a contribué, aux côtés des instituteurs, à créer des citoyens conscients des enjeux et sachant distinguer le bien du mal. Je ne vois pas les religions comme l’adversaire de la société aujourd’hui. Je les vois plutôt comme un facteur d’apaisement. Car elles expliquent que l’espérance existe. »
A l’heure où le capitalisme n’a plus d’espérance à donner aux millions d’hommes, de femmes : chômeurs, précaires, travailleurs pauvres, etc. la religion est appelée pour calmer la révolte.
Alexandra

