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Le Forum Social Mondial de Dakar et la caravane des sans-papiers.

Partisan N°246 - Avril 2011

En février a eu lieu à Dakar le 11e Forum Social Mondial. Beaucoup de monde, Martine Aubry, Olivier Besancenot... et la caravane des sans-papiers. Voici le compte-rendu de ces derniers.

Nous avons été au Forum social mondial à Dakar en passant par le Mali. Nous y avons été en tant que sans-papiers ou plutôt en tant qu’anciens sans-papiers ayant participé à la lutte. L’obtention d’un récépissé ou d’une carte de séjour nous a permis de franchir les frontières. Nous y avons été à 24 personnes, avec l’aide du Ministère de la Régularisation et grâce à l’argent collecté le long de la marche de Paris à Nice. Sur place, nous avons été accueillis par des ex sans papiers expulsés ou par les familles de sans-papiers. Nous sommes partis de Bamako, et circulé dans plusieurs villes du pays, nous sommes arrivés à 53 personnes à Dakar.
L’idée de la caravane Bamako/Dakar revient au collectif « Afrique/Europe interactes  » avec l’aide d’associations locales. Nous étions autonomes.

Chaque jour, il y avait une AG de l’équipe de la caravane, les individus étaient mis plus en avant que le collectif. Il y avait des heures de palabres surtout sur des détails.
Nous avons rencontré le représentant de partis progressistes au Mali, et débattu avec Mariko, député à l’Assemblée nationale.
Le plus intéressant dans le voyage avec la caravane, c’était la possibilité de débattre dans les villes et des villages. Nous avons manifesté partout, parlé avec des gens, expliqué la situation des sans-papiers, le pillage des pays dominés (et ce durant un mois), les gens nous écoutaient et débattaient. Nous sommes passé à Tambacouda, Kaolac, Kayes... nous avons été jusqu’à la frontière de la Mauritanie, car la plupart des gens qui viennent en Europe passent par cette frontière.
Des associations ont demandé la présence de l’armée malienne car ils avaient peur de la présence de al-Qaïda dans la région. Ces associations étaient là pour cadrer, jusqu’à la fin c’était un peu comme ça même à Dakar.

Nous étions logés chez l’habitant, car dans chaque famille (au sens large), il y a au moins un sans-papier. C’était vraiment les moments les plus intéressants, on voit comment les gens vivent, on voit leur situation.
Il fallait débattre et expliquer que la France et l’Europe expulsent, mais que c’est avec l’accord du gouvernement Malien aussi. Le problème des sans-papiers ne peut être résolu que si il y a un mouvement social au Mali ou au Sénégal. Pillage colonialiste, oui, mais les gouvernements locaux sont complices. Les associations locales, et les ONG, étaient gênées par nos discours. Car, elles sont subventionnées par les gouvernements, pour parler de démocratie.

Arrivés à Dakar, nous avions écrit à l’ambassade de France, pour exiger le retour de 2 sans-papiers expulsés récemment. Après débats, le 26 janvier, nous faisons une manifestation surprise devant l’ambassade de France (voir le site de l’Association Malienne des Expulsés). Au bout d’une heure, la police nous charge sans prévenir, on a été tabassés et gazés (voir la vidéo sur le site Télé Liberté). Nous avons fait aussi une manifestation dans la ville de Dakar et à l’université afin de signaler notre présence.

A Dakar, l’Université où se tenait le Forum était impressionnante. Elle était grande, surpeuplée. Nous étions 70 000 au Forum mondial, les étudiants de l’université n’étaient pas au courant de notre venue. Nous étions hébergés comme toujours, chez d’ex-sans-papiers. Les ateliers ont commencé le 8 février, dur d’y aller, car il était difficile de trouver les lieux prévus, c’était comme la fête de l’Huma, mais en pire. Chavez, le président du Venezuela est venu et a fait un discours, Martine Aubry, dirigeante du PS est passée dans un 4/4 aux vitres fumées, Besancenot du NPA était présent.

Nous avons fini par trouver la grosse tente de la CGT, le lieu était réservé au débat sur les sans-papiers. Il paraît qu’ils n’étaient pas au courant de notre présence. Ils ont parlé des grèves, en disant qu’ils avaient tout organisé. Chauveau était présent ainsi qu’un membre de l’UD de Paris. L’atelier du premier jour du forum était par rapport aux grèves.
Les interventions étaient faites par Chauveau de la CGT et des représentants de Solidaires et de la CFDT. L’idée générale était que c’est la première fois que 11 organisations se mettent ensemble pour démarrer une action en commun. C’est la première fois que 6 000 sans-papiers ont débrayé avec le soutien des organisations syndicales.
Grâce à ça, les Français ont compris que les sans-papiers sont des travailleurs comme eux. C’est un acquis. Ils n’ont rien dit sur ce qui avait été obtenu.

Nous avons fait plusieurs prises de paroles en envisageant la suite. Nous disions, c’est très bien si les sans-papiers ont servi à l’unité de 11 organisations, bien que les français comprennent que les sans-papiers sont là pour travailler, bien que les 11 ont soutenu durant plusieurs mois.
Maintenant, il faut élargir, reconnaître que les sans-papiers font partie de cette lutte, nous sommes aussi une organisation des travailleurs. Ils n’ont rien répondu. Nous sommes là pour la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers, nous ne sommes pas que de la force de travail, nous avons de la famille, nous sommes contre l’émigration jetable. Nous ne sommes pas des travailleurs seulement quand nous sommes embauchés, nous ne voulons pas de divisions, donc nous ne voulons pas de critères. Seul Solidaires a affirmé être d’accord avec la régularisation de tous les sans-papiers.

Le lendemain, nous avons fait un atelier commun au stand de Solidaires. Nous y avons affirmé, que le 2ème pas, c’est une grève des adhérents de tous les syndicats, en même temps que les travailleurs sans-papiers, même sur une seule journée. Avec la revendication de « régularisation de tous les sans-papiers ». Solidaires a invoqué sa petite taille, qui l’empêchait de le faire. Nous avons répondu, que la raison d’être de Solidaires est d’être un syndicat différent, alors il faut être différent en proposant cette unité.

Le problème des sans-papiers commence après avoir traversé les frontières, travail, contrôle au faciès, école, partout on demande des papiers. Ceux qui en restent au seul problème de passer les frontières sont les Européens. Le criminel Ben Ali n’a pas de frontières, il est accueilli partout. Logement, métro, partout, il y a des contrôles, des douanes pour les sans-papiers, c’est pourquoi il faut réclamer la liberté de circulation pour tous les travailleurs.

Photo : blog de Laetitia Tura

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