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Il y a 50 ans, le 17 octobre 1961

Partisan N°250 - Octobre 2011

Le 17 octobre 1961, à Paris, le FLN organise une manifestation pacifique contre le couvre-feu imposé aux Algériens depuis le 5 octobre. Elle est durement réprimée par la police qui procède à 15.000 arrestations et se déchaîne contre les Algériens faisant plus de 200 morts.

1961, un tournant dans la guerre

Le 8 janvier 1961, par référendum, 75 % des électeurs, las de la guerre, se prononcent pour l’autodétermination en Algérie. En février, les partisans d’une Algérie française créent l’Organisation de l’armée secrète (OAS) qui engage des campagnes de meurtres et d’attentats avec l’espoir d’empêcher l’indépendance. En Algérie, fin avril, des généraux se soulèvent. Ce putsch est un échec. Mais l’action de l’OAS va s’amplifier, en France et en Algérie, contre tous les partisans de l’indépendance de l’Algérie.
La bourgeoisie accepte l’indépendance, par nécessité et intérêt, mais elle tente de l’imposer à des conditions inacceptables pour le FLN. Elle veut séparer de l’Algérie le Sahara où l’on a trouvé du pétrole. Les négociations engagées en mai avec le FLN échouent en juillet sur cette question. La bourgeoisie va alors combattre le FLN, plus que l’OAS, pour l’affaiblir et imposer à la table des négociations le MNA. En France, les militants FLN sont assassinés par la police et les harkis. Ils ripostent en tuant des policiers. Le 5 octobre, le couvre-feu est imposé aux Algériens à partir de 20 heures.

Le mouvement ouvrier et le PCF face à l’indépendance du peuple algérien

Sur l’indépendance de l’Algérie, le PCF a toujours été prudent. Jusqu’en 1956, il la conçoit dans une Union française. Puis, il s’y résout comme étant la seule issue conforme aux intérêts de la France. Le droit à l’indépendance est absent de ses mots-d’ordre. Il veut la Paix en Algérie par la négociation. Au nom de l’action de masse comme seule juste, il refuse son soutien au FLN. Ses militants arrêtés pour avoir aidé le FLN sont exclus. Début 1956, il n’hésite pas, voulant une alliance avec le PS, à voter les pouvoirs spéciaux demandés par un gouvernement de gauche qui permettent à celui-ci de renforcer l’effort de guerre et la répression en Algérie. Légaliste, il rejette l’insoumission et la désertion des soldats. Dans les usines, certains communistes soutiennent pourtant leurs camarades algériens. Quelques jeunes militants refusent de servir dans l’armée, comme Alban Liechti ou le fils de Raymond Guyot dirigeant du parti. Mais ces cas sont isolés.
La modération du PCF ne paie pas. Avant 1961, ses mobilisations pour la Paix en Algérie ont peu d’écho dans les usines. Les arguments chauvins sur l’intérêt de la France n’amènent pas les ouvriers à soutenir l’indépendance, même s’ils sont contre la guerre. Beaucoup d’ouvriers ont des fils à l’armée. Les Algériens sont pour eux « ceux contre qui on se bat ». En interne, le PCF constate la force des idées colonialistes parmi les travailleurs. Mais plutôt que de les combattre, il s’y adapte pour conserver son influence de masse.

Le PCF et le 17 octobre.

Dans les semaines qui précédent le 17 octobre, dans de nombreuses entreprises, la CGT dénonce les rafles d’ouvriers qui disparaissent des ateliers. De son côté, sachant que la manifestation sera réprimée, le FLN demande à des progressistes d’y participer pour témoigner ensuite des actes de la police. Le PCF invité à s’y associer ne répond pas.
Le 17 au soir, les radios de la Police affirment faussement que des policiers ont été tués. Cela va les déchaîner contre les Algériens dont des centaines seront tabassés à mort et jetés à la Seine. Le bilan de police : 2 morts et des milliers d’arrestations. Le 18, l’Humanité dénonce les violences et sous-entend qu’il y a plus de victimes. Mais, le journal dit ne pas pouvoir tout écrire de crainte d’être censuré. Le bureau politique du PCF « dénonce les sanglants événements » et la CGT appelle à organiser des « protestations et des actions de masse ». Mais les actions à la base sont rares et très minoritaires. Les travailleurs français ne bougent pas pour défendre « leurs frères de classe algériens », comme les y appelle pourtant un tract du PCF à Renault.
De novembre à février 1962, les travailleurs français se mobilisent contre les assassins de l’OAS qui multiplient les attentats. Ceux-ci attaquent des locaux de la CGT et des progressistes. Il y a des tués. Le 8 février la répression policière d’une manifestation contre l’OAS fait 8 morts, au métro Charonne. Tous militants communistes. Le lendemain, la grève générale de protestation est suivie par 2 millions de travailleurs. Le 13 février, les usines débrayent et plus de 500.000 personnes participent à l’enterrement des victimes.

L’actualité du 17 octobre

Pendant ces années de guerre, une fracture a partagé la classe ouvrière. Pour la majorité des ouvriers français seuls sont frères de classe d’autres Français, et pour eux compte plus la défense de la démocratie contre le fascisme que celle de la libération des peuples du joug impérialiste. Cette fracture, le PCF et la CGT ont essayé, vainement, de l’effacer en mettant en avant l’argument économiste les intérêts communs des ouvriers face à leur patron.
Par chauvinisme (l’indépendance est conforme à l’intérêt de la France), par légalisme (pas de soutien au FLN), pour rester un parti de masse (préserver les positions acquises dans l’Etat), le PCF a trahi un internationalisme et une solidarité de classe qu’il affirmait en parole. Au contraire, un parti d’avant-garde doit savoir aller à contre-courant des idées dominantes dans la classe ouvrière, en faisant valoir les intérêts du prolétariat international et des peuples dominés, quitte à se couper, momentanément, de beaucoup de travailleurs ou à s’exposer à la répression.

Gilles Fabre

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