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Université : Retour sur le mouvement

Partisan N°230 - été 2009

À Toulouse, ce mouvement est particulier car il a été initié par les personnels (enseignants ou non), ce qui, de fait, a largement influencé ses formes d’organisations et ses orientations politiques.

A Nantes, le blocus a été mis en place trop rapidement après 4 assemblées générales, fin janvier, très facilement grâce à la grève des cours des enseignants-chercheurs (EC). Le travail de conviction a commencé tardivement et a été abandonné très tôt. Après 4 semaines de blocus, les étudiants ont déserté les facs, leur lieu de socialisation, si bien que le mouvement a fini par tourner à vide.

A Toulouse

Le mouvement des personnels étaient dirigé par le SNESUP-FSU (syndicat majoritaire proche du PS-PC) qui a mené une lutte très corporatiste, ne voulant pas élargir les revendications au delà du fameux décret sur le statut des enseignants-chercheurs.
Néanmoins, dans certaines universités, il s’est dégagé une fraction de personnels combative, à l’exemple du collectif POOLP (Personnels obstinément opposés à la loi Pécresse) au Mirail. Par ailleurs, les Biatoss [1] ont été méprisés et oubliés du mouvement. Alors que ce sont les plus précaires, ils sont relégués au second plan car le plus souvent on parle plus de l’enseignement que des conditions d’étude et de travail.
Quelques semaines plus tard, il a été rejoint par les étudiants à travers un mouvement quasi spontané de colère général, ce qui était original. En effet, d’habitude ce sont les syndicats étudiants de lutte (comme la FSE) qui initient une mobilisation contre une réforme précise, là ils étaient un peu à la remorque.

QU’EST-CE QUE REPRÉSENTE LA LRU ? POURQUOI CE MOUVEMENT A-T-IL ÉTÉ SI LONG ?
La LRU représente l’aboutissement d’un processus qui vise à soumettre encore plus l’Université au patronat, et aligner les facs françaises sur les facs européennes. Ce qui a fait la durée exceptionnelle de la mobilisation, c’est qu’elle s’est inscrite dans un contexte particulier. La crise et ses conséquences pour des milliers de travailleurs (licenciements, chômage partiel, etc) et les résistances (Guadeloupe, luttes pour l’emploi, séquestrations de patrons) ont été un accélérateur de la révolte étudiante. Par exemple, pendant une période, quasiment chaque journal télévisé s’ouvrait sur les licenciements ou des séquestrations. La Guadeloupe était donnée comme exemple dans toutes les AG, montrant qu’une grève générale organisée était possible et pouvait même être victorieuse.
Le fait d’avoir le « soutien » d’une partie du personnel et de certains pontes, comme le président Molinié de la Sorbonne, a aussi été un élément pour permettre de s’inscrire dans la durée parce que, quoi qu’on en dise, la « parole des profs » est très écoutée. Cependant, il était difficile de faire comprendre que les administrations sont au service du gouvernement et que leur « soutien » a les limites que leur impose leurs fonctions.
Les erreurs tactiques du gouvernement ont aussi permis cette durée : au plus fort de la mobilisation, Pécresse faisait comme s’il ne se passait rien et elle a attendu 4 mois avant de négocier avec les syndicats étudiants « représentatifs » (Unef [2], Uni…), alors qu’elle aurait pu jouer plus vite la carte des syndicats collabos qui appellent à la reprise dès qu’ils ont des miettes.
Enfin, pour la première fois depuis qu’on est à la fac, le blocage a tenu après les vacances non seulement parce que les étudiants ne voulaient pas lâcher sans avoir gagné, mais aussi et surtout parce que la question de la validation automatique du semestre a été amenée en AG, et ça a coupé cours au chantage au calendrier.

LES LIMITES.
La première limite de ce mouvement est qu’on a peu abordé la question de l’aide sociale (bourses, logements sociaux, etc) qui est celle qui touche la classe qu’on défend, c’est à dire les enfants d’ouvriers (minoritaires mais néanmoins présents). Les schémas de mobilisation ne sont pas assez pensés en fonction de qui on veut toucher. On a parfois l’impression qu’il y a des schémas d’organisation de la mobilisation qui sont pré-établis et qu’il faut toujours respecter sans se demander à qui on s’adresse, comment être plus efficaces, etc.
Le deuxième écueil de cette mobilisation est aussi sur les revendications : les gens ne critiquent pas le rôle de l’Université dans le système capitaliste mais juste « l’entrée des patrons dans les facs » comme s’ils n’y étaient pas avant. De plus, il y a des illusions sur le « service public » comme si ceux qui gèrent l’Université « publique » et ceux qui vont y faire rentrer des nouveaux capitaux n’étaient pas les mêmes. Sur cette question, nous sommes ultra-minoritaires. Toute l’extrême gauche, de l’AL (6) au NPA en passant par la CNT, en appelle à la « défense du service public ».
En se positionnant par rapport aux réformes du gouvernement, on rentre dans le piège de défendre l’université d’avant, qui était aussi celle des patrons. En partant du discours de la bourgeoisie, on prend le risque de glisser sur leur terrain alors qu’on doit partir de nos besoins et exiger, par exemple, la gratuité de l’éducation, l’augmentation des bourses, des diplômes qui garantissent des droits collectifs, etc.

Sympathisants VP


A Nantes

La réduction du nombre de participants a même renforcé l’individualisme et le repli sur soi du comité de lutte. La menace des examens a permis de renverser un blocus qui reposait sur un nombre réduit d’étudiants.

UN MOUVEMENT POLITIQUE SANS PERSPECTIVE
Ce mouvement, même s’il était politique par sa critique de la politique du gouvernement ou de Sarko, a été complètement déboussolé faute de perspectives politiques concrètes de la part de la gauche réformiste, de la part du NPA (1) ou même de… VP-Partisan. Dans la pratique, le mouvement n’a pas été capable de surmonter la tactique de pourrissement du gouvernement qui l’a mis face à ses insuffisances ! Les forces principales du mouvement étudiant nantais sont comparables au national.

LA SOCIAL-DÉMOCRATIE FREINE LA LUTTE.
La force la plus importante socialement dans le mouvement étudiant est la petite bourgeoisie de gauche. Cette tendance est incarnée par l’Unef, politiquement par le MJS [3] et par l’aile droite du NPA. Ses militants ont vite déserté le comité de lutte pour agir de l’extérieur par la voie syndicale.

LE COURANT ACTIVISTE EST PEU COHÉRENT.
La seconde tendance qui exerce une influence déterminante est la tendance anarchiste-autonome. Avec un style de lutte créatif et radical en apparence, ils imposent un rythme d’actions très élevé, peu concertées, qui épuisent, et qui ont abouti à plusieurs ratages démobilisateurs. Leur grosse implication dans le comité de lutte, leur confère un rôle dirigeant surtout par la voie du syndicat Sud-Etudiant [4]. Le principe de la démocratie par la base est souvent galvaudé par leur méthode très spontanéiste et individualiste qui a rétréci le nombre d’étudiants impliqué dans l’organisation du mouvement à une « élite révolutionnaire-libertaire ». La composition sociale d’origine est également petite-bourgeoise, mais aussi plus précaire. Syndicalement cette tendance est incarnée par la CNT-FE [5], par Sud, et politiquement par l’AL [6], No Pasaran [7] et l’aile gauche du NPA.

EMERGENCE D’UNE PRATIQUE PROLÉTARIENNE À LA FAC !
Il n’est jamais facile de défendre un point de vue prolétarien à la fac. D’une part, les enfants issus de la classe ouvrière occupent moins de 9% des effectifs étudiants. Et d’autre part, ils n’échappent pas à l’idéologie petite-bourgeoise du mérite, qui méprise les ouvriers, les considérant comme des mauvais élèves. Malgré tout, dans la lutte, un groupe d’étudiants a émergé se démarquant plus ou moins consciemment de l’« activisme spontanéiste » et du réformisme classique. Le point de rencontre privilégié de ce groupe était la commission externe du comité de lutte qui organisait l’extension du mouvement, tournée essentiellement vers les lycées et les entreprises.

DES REVENDICATIONS RÉVOLUTIONNAIRES ?
Les étudiants « prolétariens en pratique », eux, ne s’obstinent pas à vouloir imposer des mots d’ordre « révolutionnaires », mais ils cherchent des réponses aux problèmes posés par les aléas de la lutte : comment faire l’unité avec les TOS, avec les ouvriers des boîtes en lutte ? Doit-on faire alliance avec les EC, les enseignants de la maternelle à l’université ? Ces derniers, malgré leurs illusions réformistes (voir plus haut), portaient dans leurs revendications une critique subjective contre le gouvernement et une critique objective contre la logique capitaliste de restructuration de l’appareil éducatif.

UNE PRATIQUE INSTINCTIVE À CONSCIENTISER ET À ORGANISER
Lorsque les étudiants « prolétariens » comprennent la nature bourgeoise de l’Université, alors ils agissent avec plus de discernement et de détermination. Cette compréhension a des conséquences immédiates : les étudiants les plus conscients ont fait l’effort de prendre le temps de discuter avec les personnels TOS et de leur donner un coup de main pour le nettoyage des locaux. Autre exemple, nous avons empêché une opération de recrutement d’étudiants par l’Armée de Terre sur le campus pour protester contre ce type de débouchés réactionnaires et contre les opérations en Afghanistan et aux Antilles. Nous avons également rejoint sur le piquet de grève les ouvriers de l’usine Beghin-Say qui protestaient contre les licenciements. Nous avons distribué des tracts appelant à l’unité à la base devant les hôpitaux et les boîtes qui licencient. Sous la banderole « Unité populaire contre les profiteur$ ! », nous avons redistribué de la nourriture récupérée gratuitement dans une superette, avec des tracts, dans un quartier populaire de la ville. Ce sont encore parmi eux que l’on retrouvait les plus déterminés à contester le décalage des cours et le maintien des examens, compris comme une sanction discriminatoire (envers les étudiants précaires et étrangers) punissant tout le mouvement.
Conclusion : une Université populaire au service de la révolution !

Un sympathisant étudiant-travailleur

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