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La mort de Deng Hsiao Ping

Article de Partisan n°118 - Mars 1997

Finalement, seule la mort en sera venu à bout. Le bourgeois le plus constant de la révolution chinoise est mort dans son lit, après des dizaines d’années de lutte politique et de méfaits. Nous ne le pleurons évidemment pas, et les événements ont déjà montré la voie qu’il défendait depuis toujours, celle du capitalisme, qu’il soit étatique ou libéral.
Nous reproduisons ici des extraits d’un article écrit dans « Partisan » N°43, juste après les massacres de juin 1989.

Alors que des centaines, voire des milliers de manifestants étaient massacrés sur l’ordre de Deng Hsiao Ping dans tout le pays, c’est paradoxalement autour de la Révolution Culturelle que tournaient de nombreux commentaires. Il s’agissait de faire oublier que Deng était l’homme de l’Occident, contre Mao, que depuis 1976 il était présenté comme le sauveur de la Chine, celui qui serait capable de la « moderniser », de corriger « 25 ans d’erreurs maoïstes ».
Alors, incapables bien sûr de faire une analyse politique de l’affrontement des voies capitalistes et communistes dans la révolution chinoise, on met tout dans le même sac et on tente de tout mettre sur le dos du « totalitarisme communiste ».

 

Mais on ne réussira pas à faire oublier que la Révolution Culturelle a été un mouvement de masse gigantesque, une révolution au sens strict du terme, déclenché par des révolutionnaires qui savaient qu’ils étaient minoritaires et en train de perdre la partie, pour battre la bourgeoisie qui s’était reconstituée à l’intérieur du parti et du gouvernement. « Feu sur le quartier général », était le titre d’un article de Mao Tsé Toung rédigé en Août 1966, à un moment décisif de la Révolution Culturelle.
Les vrais communistes avaient fait un premier bilan de la révolution russe (partiel, certes, mais réel) et avaient compris qu’ils étaient en train de glisser sur la même voie, celle de l’échec.

 

« Da Dao Liou Deng Dao », c’était le mot d’ordre central de la Révolution Culturelle entre l’été 1966 et le printemps 1967, ayant pour cible Liou Shao Shi, Deng Hsiao Ping (le même qu’aujourd’hui !) et Dao Chou. Ils représentaient le quartier général des bourgeois au sein du parti, ceux qui voulaient entraîner la Chine sur la voie capitaliste de l’URSS, et ont été critiqués nommément, de manière extrêmement violente par affiches dans tout le pays.
Deng Hsiao Ping était alors Secrétaire général du Comité Central, ce qui n’est pas rien, et a été critiqué de manière systématique en particulier pour une formule fameuse « qu’importe qu’un chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape des souris », autrement dit, qu’importe la politique pourvu qu’il y ait des résultats économiques...
On le voit, la Révolution Culturelle avait déjà pour cible la politique suivie actuellement par les dirigeants chinois, et même avait déjà pour cible, très précisément Deng Hsiao Ping.

 

Le 9ème Congrès du PCC en Avril 1969, qui conclura la révolution culturelle, parlera du « ramassis de révisionnistes contre-révolutionnaires » à propos des dirigeants bourgeois et Deng Hsiao Ping sera exclu du Bureau Politique et du Comité Central du Parti. Mais, on l’apprendra plus tard, il ne sera pas exclu du parti, ce qui montre la complexité de la lutte politique à cette époque, cette non-exclusion pouvant apparaître comme un compromis avec le courant droitier.
En Avril 1973, Deng Hsiao Ping est réhabilité ! Et c’est un point de l’histoire qui n’est pas éclairci, d’autant que cette réhabilitation arrive précisément au moment où le groupe dirigeant de la Révolution culturelle (la « Bande des Quatre ») consolide sa victoire au 10ème Congrès du PCC (Août 1973), avec un rapport politique et des modifications de statuts dans la droite ligne de la Révolution Culturelle et de la lutte contre la voie capitaliste autrefois représentée justement par Deng.
Plus même, il devient d’abord Vice ministre des Affaires étrangères et à ce titre auteur aux Nations Unies d’un discours célèbre en Avril 1974 développant la « Théorie des Trois Mondes » (*), puis Vice Premier Ministre, présenté comme le successeur désigné de Chou En Laï. On le voit, cette réhabilitation n’a rien de formel.
Fin 1975, début 1976, nouvelle campagne de critiques des positions droitières, où il est visé une fois de plus. Mao dira : « Deng n’attache aucune importance à la lutte des classes ; jamais il n’a mentionné cet axe. C’est toujours sa formule chat noir ou blanc » (Pékin Information, 5 avril 1976). Suite à cette campagne et à des incident survenus lors de la mort de Chou En Laï, Deng Hsiao Ping est destitué pour la deuxième fois. Le Bureau Politique estimera que « le cas de Deng a pris une autre nature, celle d’une contradiction antagonique. Il est destitué de toutes ses fonctions et au sein et au dehors du parti. Il est maintenu membre en observation » (Pékin Information, 15 septembre 1976).
En 1977, après la mort de Mao et l’élimination politique de la Bande des Quatre, Deng Hsiao Ping est réhabilité et reprend la direction centrale de la Chine sur la voie capitaliste.

 

On le voit, il y a une certaine constance dans les positions développées par ce dirigeant. (...)

Sept ans et demi plus tard

Voilà ce que nous écrivions en septembre 1989.
Que dire de plus aujourd’hui ? Que la corruption, la misère paysanne et ouvrière, les liens avec l’impérialisme se sont encore renforcés ? Que la prostitution, la drogue, la mafia réapparaissent dans un pays où la révolution les avaient fait disparaître ? Que les zones économiques spéciales montrent tous leurs avantages pour les capitalistes chinois et étrangers ?
Dans la lutte des classes féroce qui s’est menée depuis cinquante ans en Chine, ce sont les bourgeois qui l’ont temporairement emporté. Comme les communistes chinois ont commencé à tirer le bilan de l’échec de la révolution russe, sachons, à notre tour, tirer les leçons de cet échec pour tirer le véritable communisme un pas en avant !

 

A.D.

 

(*) Au nom de l’existence des « superpuissances » USA et URSS jugées plus dangereuses que tout, la « Théorie des Trois Mondes » justifiait l’alliance des peuples avec les bourgeoisies des pays dominés contre l’impérialisme, et même dans les pays dits du « second monde », c’est à dire les pays impérialistes intermédiaires comme la France !

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