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SCOP = stop ou encore ?

Histoire

On peut citer les réquisitions de Marseille en 1944, LIP en 1973... Mais l’histoire des coopératives ouvrières en France débute avec le capitalisme industriel, au début du XIXe, comme refus de l’embrigadement dans les fabriques et comme solution au chômage. Une minorité d’ouvriers, plutôt qualifiés et instruits, dans l’imprimerie par exemple, prônent « l’association par le travail », tandis que la masse n’a d’autre perspective que le salariat et son abolition.

Statut

Il existe en France environ 200 statuts juridiques différents d’entreprises, dont plusieurs de coopératives, parmi lesquelles les SCOP. C’est donc une entreprise capitaliste parmi les autres, mais avec cette caractéristique très particulière : ce sont les salariés qui sont en même temps les actionnaires. On dit plutôt « sociétaires ». Ils versent une partie de leur salaire au capital de l’entreprise, à commencer souvent par leurs indemnités de licenciements. Lorsque la boite fait des bénéfices, une partie est reversée aux sociétaires en fonction de leur nombre de parts. Mais à l’assemblée générale, contrairement aux actionnaires classiques dont le nombre de voix dépend du nombre d’actions, dans la coopérative chacun a le même poids.

Tendance

La Confédération générale des SCOP vante leur « réussite » et leur « compétitivité ». Elles sont soumises aux aléas de la concurrence et du marché comme les autres, mais il est vrai qu’elles ont un certain avantage : les actionnaires ne sont pas trop gourmands, et les salariés sont globalement plus motivés. Ils sont associés aux décisions concernant leur propre exploitation. Lors de fermetures de boites, un projet de SCOP répond à plusieurs aspirations : - continuer l’activité et maintenir les emplois, - décider collectivement, - limiter le poids de la rémunération du capital.

Limites

L’environnement du marché et de la concurrence oblige à aligner le prix des produits, donc les coûts de fabrication. Pour être compétitives, les SCOP sont obligées de limiter les salaires, augmenter les cadences, voire licencier. Et malgré les bonnes intentions égalitaires de départ, la division du travail demeure, les formations sont différentes, une hiérarchie qui gère et qui commande s’installe. Même si elle est élue. Et puis, tous les salariés ne sont pas sociétaires. Il se forme un sous-statut de précaires, intérimaires, souvent les moins qualifiés, ce qui exige plus de surveillance, sinon de répression...

Conclusions

Quelle que soit son propriétaire, le capital reste le capital. Qu’il soit propriété privée d’un riche et de sa famille, propriété partagée de rentiers actionnaires, « propriété du peuple tout entier » comme en URSS, ou propriété collective dans une coopérative, le capital est avant tout un rapport social, dont le fondement général est l’exploitation des ouvriers. Les « expériences » de gestion alternative, lorsqu’elles s’inscrivent durablement à l’intérieur du système actuel, ne sont pas des moyens de sortir du capitalisme, mais des compléments secondaires, qui finalement le renforcent.
Faut-il s’opposer à tout projet de SCOP ? Tous, non. Le type de produit (plutôt des montres ou des sachets de thé que des avions ou des centrales électriques !), les aléas de la lutte, peuvent amener à cette situation. Un repreneur un peu particulier... Mais il faut être très clairs, alerter, informer sur les expériences passées, avoir bien conscience que c’est une solution capitaliste parmi d’autres, dans la crise comme les autres, et qui consiste à faire soi-même une partie du sale boulot !
« Ne faites pas de politique, faites votre entreprise », dit la bourgeoisie (Partisan n° 2).

Dossier : Partisan n° 1, 2, 3, 4 et 5 (1985). Lire en particulier l’expérience de Manufrance (Saint-Etienne), « Tu MANU avec ta SCOP », et celle de Japy (Saint-Dizier), « Créer des SCOP ou détruire le capitalisme ».
Livre : L’expérience argentine, Maxime Quijoux, Ed. de l’IHEAL, 2011, 19 €.

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