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« Une loi pour interdire les licenciements » : attention aux illusions !

Pour commencer, mettons les choses au point : la revendication d’une loi pour interdire les licenciements n’est pas, contrairement à ce qu’en disent les trotskistes, une revendication née chez les ouvriers en lutte ; c’est au contraire une revendication venue de l’extérieure, une adaptation à notre époque du « programme de transition » de Léon Trotski. Certes, elle est de plus en plus reprise par des groupes ouvriers combatifs, mais la revendication ouvrière spontanée, c’est « zéro licenciement ». C’est vrai, ce mot d’ordre a l’intérêt de poser la lutte en termes politiques, c’est à dire en faire une question de choix de société, de mettre en avant l’intérêt ouvrier sans se soucier de la bonne marche du capitalisme. En cela, ce mot d’ordre a un aspect positif. Mais ça ne suffit pas pour en faire un mot d’ordre juste.

Encore une loi, pour quoi faire ?

Des lois censées nous protéger et nous garantir des droits, il en existe beaucoup. Mais la bourgeoisie et sa justice les appliquent comme ça les arrange. Les lois qui punissent le racisme, le harcèlement sexuel, empêchent-elles ces choses là d’arriver ? Prenons un exemple plus proche, la loi DALO (droit opposable au logement) qui, en théorie, garantit à tous d’avoir un logement. Et pourtant, c’est un échec complet : les tribunaux ont beau condamner l’État, ça n’a pas fait rétrécir les listes d’attente pour obtenir un HLM ! On peut être sûr que, dans l’hypothèse où une loi interdisant les licenciement serait votée par miracle, elle serait d’une efficacité aussi médiocre que la loi DALO... D’ailleurs, cette loi, d’une certaine façon, elle existe déjà sans être appliquée. Le préambule de la constitution de 1946 ne dit-il pas : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » ? Et pourtant, la bourgeoisie n’en a rien à faire !
On voit que ce qui compte avant tout, ce n’est pas ce que dit la loi, mais qui détient le pouvoir de la faire appliquer. Or, l’État actuel est celui de la bourgeoisie. Tant que la bourgeoisie sera aux commandes, on pourra demander toutes les lois que l’on veut, et même les faire voter par les députés, la bourgeoisie les détournera à son avantage quand elle ne les ignorera pas tout bonnement. D’ailleurs, aujourd’hui les licenciements comptent pour moins de 10% des suppressions d’emplois, le reste est le résultat de ruptures « conventionnelles » et de fins de contrats ; c’est dire combien cette loi ne pourrait avoir qu’une efficacité limitée.

Alors, comment nous organiser ?

En fait ce mot d’ordre désarme la lutte des ouvriers, car il ne leur donne aucune tâche concrète. À part faire pression sur députés et gouvernements, qu’aurait-on à faire ? En fait il faut agir sur le terrain de la lutte de classe, et non pas d’abord sur celui des juristes et des experts. On peut parfois s’appuyer sur la loi lorsqu’elle peut nous être favorable. Mais ce dont il faut avant tout discuter, c’est de comment nous organiser dans les entreprises, dans les quartiers. Ce mot d’ordre porte plus d’illusions qu’il n’apporte de clarté dans la tête des prolétaires sur le fonctionnement du système capitaliste et ce qu’ils ont à faire pour le renverser. Il laisse croire qu’une loi pourrait à elle seule régler la question du capitalisme, escamoter d’un seul coup toutes les règles objectives, la guerre économique, le marché, etc, et que l’État du Capital pourrait voter une loi... contre le Capital. Alors qu’il faut porter des mots d’ordres unifiant toute la classe ouvrière pour la défense sans concession de ses intérêts immédiats et avec des propositions concrètes. À l’OCML-VP, nous proposons de créer des comités de lutte dans les entreprises, des comités de soutien aux luttes pour l’emploi dans les villes, et de multiplier les initiatives de solidarité, pour nous unir dans et en dehors des entreprises.

La vraie réponse : prendre le pouvoir

Même s’il pose les choses en termes politiques, ce mot d’ordre esquive la question de « qui détient le pouvoir ? ». Il faut poser la question du renversement de la bourgeoisie. Pour les trotskistes, revendiquer une loi pour interdire les licenciements rendra spontanément les ouvriers révolutionnaires lorsqu’ils comprendront les limites d’une telle revendication sous le capitalisme. Mais on sait bien que ça ne marche pas comme ça. Il faut parler franchement à nos collègues et camarades, et ce n’est pas en renforçant d’abord les illusions envers ce que l’on peut obtenir sous le capitalisme que l’on pourra ensuite plus facilement les faire tomber. Si un jour nous sommes assez forts pour obtenir l’interdiction des licenciements, c’est que l’enjeu ne sera déjà plus celui-ci, mais bien de prendre le pouvoir ! Il nous faut prendre le pouvoir, avoir notre propre État, pour mettre en œuvre ce que nous voulons. Et préparer les ouvriers à cet objectif, c’est une tâche communiste dès aujourd’hui.

 

Axel

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