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Editorial : Notre outil, un parti !

Partisan Magazine N°17 - Juin 2021

Editorial

Ce n’est pas nous qui posons la question du parti, c’est la situation.

Vous connaissez la situation en France. Le premier parti ouvrier aujourd’hui, c’est l’abstention. Les travailleurs sont orphelins en politique. Le PCF n’est plus, et depuis longtemps, un parti communiste. La Gauche n’a jamais, même un peu, bousculé le capitalisme. Mais vous ne pourrez pas empêcher qu’après la Covid-19 et les confinements, la tarte à la crème sera l’élection présidentielle. Et si ce n’est pas le même casting que la dernière fois, vous pouvez être sûrs que ça y ressemblera.

Le rejet de la politique politicienne, qui atteint même celui d’un certain syndicalisme officiel, n’empêche pas les luttes. La preuve : les Gilets Jaunes. Une mobilisation d’environ 3 millions de personnes selon les calculs les plus objectifs. Là aussi pourtant régnait le rejet de toute récupération, de toute discipline d’organisation, de tout porte-parole. De tout parti.

Ce refus n’est pas un malaise français. Voyez cet extrait de l’intervention d’un marxiste, Andreas Malm, au colloque « Penser l’émancipation » (à Saint-Denis le 15 septembre 2017) :
En 2011, nous avons connu un cycle révolutionnaire d’une magnitude dont il est difficile de se rappeler six ans plus tard tant il n’en reste rien. Pour ceux d’entre nous qui ont consacré la plus grande partie de leur vie politique à militer au Moyen-Orient, les événements de 2011 ont été une immense source d’espoir. Cela devient de plus en plus difficile mais je me souviens de l’euphorie qu’il y avait à marcher avec plusieurs millions de personnes dans les rues du Caire, dans les plus grandes manifestations qu’avait jamais vu la région, sinon le monde. Je me rappelle ce sentiment que j’avais d’un déferlement d’assurance et d’émancipation – qu’est-ce qui pourrait bien arrêter les masses ? Mais la révolution égyptienne était le modèle parfait d’une révolution horizontale, immanente et sans dirigeants, d’une révolution de la multitude. Non seulement il n’y avait pas de parti, mais les activistes en première ligne ne souhaitaient pas prendre le pouvoir conformément aux idées en vogue dans la théorie autonome. Dans son récent roman évoquant la révolution égyptienne, La ville gagne toujours, Omar Robert Hamilton capture avec brio cet état d’esprit lorsqu’il fait dire à l’un de ses personnages, Mariam, au plus fort de Tahrir :

– « Je ne veux pas accéder au pouvoir ! Et toi ? Tu veux être un politicien ? Nous, on est l’opposition, on est la disruption, on est ce qui va mettre le pouvoir au pas. »

– « On est la crise ! » crie Malik. Mariam hoche la tête pour approuver. « Je ne veux pas le pouvoir. Je veux faire confiance à la rue. Quelque chose de nouveau vient que nous ne pouvons pas encore voir. Et nous devons garder la crise vivante assez longtemps pour que ça se produise. »

C’est exactement comme cela que de nombreux cadres raisonnaient ! Ainsi, le pouvoir politique fut laissé aux mains des Frères musulmans puis à l’armée, et que reste-t-il de la Révolution égyptienne aujourd’hui ? Absolument rien.

On se croirait dans le Hirak algérien dix ans plus tard. On croit lire l’expression d’un réformisme subi et conscient : « ne pas accéder au pouvoir », mais « mettre le pouvoir au pas » ; et d’un aveuglement lui aussi conscient : « quelque chose de nouveau vient que nous ne pouvons pas voir ». Si les dirigeants ne veulent pas diriger, et sont aveugles, si n’existe pas une bonne combinaison entre un parti politique qui fait confiance à la rue et la rue qui fait confiance à un parti politique, comment voulez-vous qu’un mouvement gagne ?

La défiance prolétaire vis-à-vis du parti politique est mondiale. Elle n’est pas née en 1981 parce que cinq ministres « communistes » ont géré le capitalisme sous la direction de François Mitterrand. Elle s’est répandue largement après la chute du mur et l’effondrement de l’URSS, en 1989-91. Le « communisme réel », « soviétique », avec ses partis dans le monde entier, n’était déjà plus qu’un épouvantail, l’imitation d’un être absent. Tout au plus démocrate et nationaliste. Même son chapeau et sa veste ont été emportés par le vent de l’Histoire. Certains pourtant en cultivent la nostalgie, s’appuyant sur 1936, 1944… Mais ce n’était pas là des épisodes de bons gouvernements, c’était une grève générale, une insurrection !

Nous n’avons pas besoin de nostalgie, ni de bons gouvernements. Ni même de grandes luttes, ni même d’insurrection. Nous avons besoin, et immédiatement, de bilans critiques. De vomir Staline et Georges Marchais, pour renouer avec Marx et Lénine ! Nous avons besoin d’une vision communiste du XXIe siècle.

Ce numéro 17 de Partisan magazine, malgré sa diversité de contenu, ne fait que poser et re-poser la question du parti, ne vous en déplaise !

La Commune de Paris de 1871 avait une faiblesse que ses défenseurs prennent soin de passer sous silence : sa direction, son organisation.
Les licenciements et la dégradation de la vie des travailleurs : Tous les militants de VP sont par principe syndiqués ou font partie d’une association de lutte. Car l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes. Mais nous savons que le syndical et l’associatif posent tous les problèmes sans avoir LA solution !
Cronstadt : c’est une des grandes références des anti-parti, ou plutôt des anti-parti-léniniste. Cette référence est basée sur la non-distinction entre ouvriers et paysans, entre démocratie petite- bourgeoise et communisme ouvrier. Une question qui fâche, c’est une question clé.
Démissions à VP : c’est une fois de plus la démonstration que l’organisation est le lieu de tous les débats politiques et des contradictions de notre classe. Débats et contradictions plus ou moins bien gérés…
• Au Sénégal, comme en Tunisie, en Algérie et ailleurs, ce que le peuple veut, ne n’est pas seulement une vraie démocratie, c’est aussi la justice sociale, en un mot une révolution communiste ! Le dire, c’est déjà prendre parti.

Le rejet d’un passé de trahisons réformistes est légitime, mais la situation présente exige une organisation solide et des objectifs clairs. Plus que jamais : « La classe ouvrière est révolutionnaire ou elle n’est rien » (Lettre de Marx à J-B Schweitzer, 13 février 1865).

« Progresser dans l’analyse des réalités du système impérialiste mondial, dans la compréhension de l’échec des révolutions passées, dans l’élaboration d’un programme et d’une stratégie pour le communisme, pour mener sur cette base un travail militant au sein des masses » (Résolution du 11e congrès de VP). Vous êtes d’accord ?

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