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La politique du moins pire, c’est toujours le pire ! Nous voulons le pouvoir des ouvriers !
Edito de Partisan n°263 - mars 2013
Si nous sortons un instant de nos luttes immédiates, contre le patronat et le gouvernement, contre les effets de la crise du capitalisme, pour voir plus loin, plus large, et scruter l’horizon, nous pouvons nous arrêter sur le pays qui a initié les insurrrections arabes, la Tunisie. Un événement nous y invite, l’assassinat de Chokri Belaïd, l’avocat des ouvriers de Gafsa, le dirigeant du Parti unifié des patriotes et démocrates.
Plus ça change, plus c’est pareil.
La révolution tunisienne, il y a deux ans, a été comme celle de 1848 en France, « un coup de main réussi par surprise contre l’ancienne société, et le peuple considéra ce coup de main heureux comme un événement historique ouvrant une nouvelle époque » (Karl Marx, Le 18 Brumaire). Des deux grandes revendications populaires, « du travail ! » et « la liberté ! », il semblait que la deuxième au moins pouvait être acquise, au prix du sang de tous les manifestants tués. Mais deux ans après, l’assassinat de Chokri Belaïd n’est que le sommet de toute une série de violences contre les femmes, les grévistes, les locaux de l’UGTT, les étudiants, les militants progressistes, etc. Comme si une nouvelle dictature avait remplacé celle de Ben Ali. « La société semble être revenue à son point de départ. En réalité, c’est maintenant seulement qu’elle doit se créer son point de départ révolutionnaire » (Karl Marx).
Ce cercle vicieux dont il faut sortir, tunisien, égyptien ou autre, ne doit pas nous faire oublier le nôtre, encore moins glorieux, car électoral. Sous prétexte que « ça ne peut pas être pire qu’avec Sarkozy », a subsisté une bonne dose d’illusion sur le fait qu’il pourrait y avoir un léger mieux avec Hollande : encadrement des licenciements, régularisation de sans-papiers, etc.
Autre exemple de solution du « moins pire », au Mali. Nos frères maliens ont accueilli Hollande en libérateur parce qu’ils avaient conscience de leur impuissance et de celle de leur Etat pour venir à bout des jihadistes. Dans l’urgence, ils ont fait appel à ceux qui pillent leur pays, sapent leur indépendance, et qui vont tirer parti économiquement et politiquement de cette guerre pour asseoir leur domination. Ceux qui ont mis le feu, pourtant, sont mal placés pour éteindre les incendies.
Le moins pire, c’est partout la continuation du pire, de l’exploitation capitaliste, ainsi que de l’impuissance des exploités à défendre leurs propres intérêts.
Créer notre point de départ
« C’est maintenant que la société doit se créer son point de départ révolutionnaire ». Car en Tunisie, quand le régime de Ben Ali s’est écroulé, il n’y avait que deux forces d’opposition organisées, implantées nationalement, et avec des objectifs politiques : l’UGTT, et les Frères musulmans. Il est vrai que l’objectif du syndicat n’est pas le pouvoir politique, il est seulement défensif. Mais en défendant et en organisant les travailleurs (officiellement et malgré des directions réformistes et/ou corrompues), il remet indirectement en cause le capitalisme. Les Frères musulmans, eux, s’accommodent très bien du capitalisme, et même s’ils n’ont quasiment rien fait pour le renversement de Ben Ali, ils sont suffisamment opportunistes pour se faufiler au pouvoir.
Ce qui manquait, c’est évidemment un parti communiste ouvrier, même peu nombreux mais bien implanté parmi les travailleurs, et solide sur ses objectifs révolutionnaires. Les partis regroupés ensuite dans le Front populaire, le parti de Chokri Belaïd, ou le Parti communiste des ouvriers de Tunisie présidé par Hamma Hammami, et tous les autres, clairement ne répondent pas à ces critères. Le PCOT a d’ailleurs abandonné en juillet 2012 la référence au communisme, pour s’appeler Parti des travailleurs tunisiens, avec une logique qui n’est pas sans rappeler la transformation de la LCR en NPA. En ce qui concerne le PUPD de Chokri Belaïd, notons simplement que, par une ironie de l’histoire, le premier ministre, Hamadi Jebali, du parti Ennahda des Frères musulmans, reprend quasiment la proposition du parti patriote démocrate : « un gouvernement de compétences ne comptant aucun membre ayant eu des liens avec l’ancien régime » (Chokri Belaïd, le 4 décembre 2012). Un gouvernement de compétences, ce n’est pas le pouvoir des ouvriers !
« Ca va péter », organisons-nous !
« Ca va péter », scandaient les jeunes du collectif « Etudiants avec les ouvriers » à Rueil-Malmaison le 12 février, devant le siège de Goodyear. C’est mieux que « l’insurrection électorale » du Front de Gauche, et son soutien critique au gouvernement PS-Verts. Mais, à la différence de LO et du NPA, notre programme n’est pas un « grand mouvement d’ensemble ». Ce qu’il nous faut, ce n’est pas une grève, même générale. Ce n’est même pas une insurrection, et c’est ce que nos camarades tunisiens nous rappellent.
Il ne s’agit pas d’attendre le matin du grand soir. Le pouvoir des ouvriers, ça se construit avant la révolution. En s’organisant et en luttant avec une ligne politique révolutionnaire.
Faut-il se regrouper à l’appel des Licenci’elles, ex-salariées des Trois Suisses, et réclamer une loi interdisant les licenciements boursiers dans les grandes entreprises ? Se regrouper oui, mais pas, syndicalement comme politiquement, sur une base clairement réformiste !
Aucun licenciement, aucune suppression d’emploi ! Nous voulons travailler tous, moins, autrement !
Et en tant que communistes, nous le savons : « Derrière le droit au travail il y a le pouvoir sur le capital, derrière le pouvoir sur le capital l’appropriation des moyens de production, leur subordination à la classe ouvrière associée, c’est-à-dire la suppression du salariat, du capital... » (Les luttes de classes en France, 1848).
Nous ne sortirons du « moins pire » qu’à contre-courant des idées réformistes sur l’Etat, en développant, par les idées et en pratique, l’indépendance de classe de nos luttes. C’est comme cela que nous travaillons aujourd’hui à la construction du pouvoir des ouvriers.