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Les Palestiniens dans le piège : du piège financier aux négociations du renoncement

EKana’an Bulletin, Adel Samara, 16 Août 2013

Pouvoir résumer en quelques pages l’histoire et l’évolution d’une lutte nationale aussi prolongée et globale que la lutte de la Palestine occupée, cela ne signifie pas que l’on est génial, mais bien que ce conflit est en train de s’achever parce que l’un des protagonistes a accepté sa défaite, sa propre défaite, et en conséquence, a participé aux négociations uniquement pour écouter et donner son accord.
Tel est le sens du slogan du renoncement prononcé par le négociateur palestinien : « les négociations, c’est la vie », abandonnant le slogan historique : « la Résistance, c’est la vie ».
Actuellement se déroulent de nouvelles négociations entre les Palestiniens et les Sionistes.
Si l’on considère les deux décades de négociations et l’expansion continue des colonies sionistes en Cisjordanie, il faut en déduire que ce ne sont pas de réelles et sérieuses négociations qu’il s’agit. Il s’agit d’un plan, d’un complot entre les USA et l’Etat sioniste (1), plan que le négociateur palestinien doit avaliser tout en feignant de négocier. Ce qui se déroule est effectivement un plan et un complot du point de vue de sa réalisation.
Dans ces négociations artificielles, l’équipe palestinienne doit accepter les conditions suivantes de la part du régime sioniste, ( ce qu’elle fait, effectivement) :
Aider, protéger, coopérer avec les intérêts US dans la région arabe en faisant de la sionisation et judaïsation de la Palestine, la priorité des priorités. L’insistance américaine sur la réalisation de cet objectif est le reflet du besoin pour les USA de conforter sa présence dans la région, alors même que son rôle est en déclin. Un des enjeux essentiels et le bénéfice attendu sont la garantie de la survie de l’Etat sioniste, le plus longtemps possible. Le discours et l’agenda cachés signifient que l’ennemi principal des arabes et palestiniens dans la région, que sont les USA, est en train de réaliser en profondeur que celle-ci ne pourrait plus demeurer sous son contrôle sans la stabilité et la sécurité de l’Etat sioniste.

 

Donner à cet Etat tout ce qu’il demande, et concéder en parallèle quelques fragments morcelés de leur territoire aux Palestiniens, tout ceci ne sert qu’à justifier le complot en cours et à obtenir le paraphe d’accord final de la part des représentants de l’Autorité palestinienne. (AP).
Pour le résumer rapidement, ce complot consiste d’un côté à la judaïsation de la Palestine, de l’autre, à créer un amendement artificiel d’autonomie, comme si cela correspondait à un Etat défendant les droits des Palestiniens..

 

Ce « nouvel Etat » est une nouvelle version de l’autonomie qui reconnaît en fait que la Palestine, la terre du peuple palestinien, est devenue la terre des juifs. Ce nouvel « Etat » est limité aux parcelles morcelées de territoire en Cisjordanie, et ne comporte rien de défini concernant le statut de la bande de Gaza. Cet « Etat » est divisé par les colonies israéliennes, en particulier celles qui ont été édifiées sur les frontières de 1967 afin de faire disparaître toute trace de celles de 1948 ; ces colonies sont Ariel, Mooda’im, Gilo , Maa’leh Adomin,en plus des petites colonies qui vont aussi demeurer. Les colonies aussi bien que les villes auront le droit de se développer, selon l’accord dénommé « développement naturel ».

 

En accord avec ce fameux plan et complot, une sorte de confédération va être créée entre la Jordanie et l’entité palestinienne semi-colonisée en termes politiques, alors que la sécurité sera assurée par l’Etat sioniste. Le Droit au retour des Réfugiés disparaît au profit d’un programme charitable intitulé « réunion des familles », accordant à quelques Palestiniens le droit de revenir dans la minuscule entité palestinienne, mais pas de revenir dans les maisons qu’ils ont perdues en 1948 ;les réfugiés palestiniens vont être transférés et pourront s’établir dans les territoires du Golfe Arabe qui vont financer la réalisation de cette partie du plan, et financer également des indemnités pour les terres et maisons perdues en 1948 . Quelle générosité ! les régimes arabes doivent en contrepartie reconnaître que l’Etat sioniste est le propriétaire de la Palestine, et normaliser leurs relations avec lui.

 

L’un des principaux objectifs de ce rapide établissement des réfugiés est de gagner du temps, le plus rapidement possible, afin de s’opposer aux facteurs suivants :
- le renforcement du rôle de la Russie dans la région.
- défier les pouvoirs émergents de Résistance ( Syrie, Iran, Hezbollah ) en tant que défi majeur contre la Contre-Révolution.
Et enfin, pour mettre fin à cette floraison et résurgence du nationalisme arabe, et des transformations en cours.
Malheureusement, toute lecture attentive de ce plan nous amène à conclure qu’il a toute chance de se réaliser, sauf si, hypothèse, la Syrie parvient à vaincre l’agression en cours, ou encore si la nouvelle Syrie est capable et croit en la nécessité de mettre en œuvre une contre attaque contre le reste des pays arabes, tout particulièrement ceux qui ont participé à son agression actuelle.

 

Mais, en admettant que ce complot est en train de marquer des points dans le contexte actuel, la question devient alors : comment cela est-il devenu possible ?
Cet article ne prétend pas effectuer une analyse courte ou approfondie du conflit, mais mettre en évidence les deux facteurs principaux qui répondent à ce « comment » ?

1) Le piège pour les Palestiniens, et la création de l’Autorité Palestinienne

L’orientation d’abandon de la Terre Palestinienne a commencé dès les débuts de l’OLP, en raison de du financement étranger suspect de son leadership. Dans ce contexte, nous devons différencier les combattants et la Direction .La direction a très tôt compris qu’il serait impossible de réaliser la libération de la Palestine en demeurant séparé des masses et du mouvement de libération arabes. Cette direction de l’OLP était motivée par le but de créer un nouveau Qutri (anti-nationalisme arabe ) régime qui lui était propre, en opposition à l’unité du nationalisme arabe.

 

Entre ces deux alternatives, la direction a décidé de compromettre les intérêts du pays au profit de ses propres intérêts de classe et de la détention du pouvoir. C’est pourquoi l’OLP a accepté l’autonomie en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ; choix qui a été soutenu par les leaders des pays du Golfe arabe qui continuent à financer cette autorité politique dont ils partagent la haine et la crainte d’un Nationalisme Arabe.
Le premier pas dans cette direction a été la décision de l’OLP de quitter Beyrouth après l’agression sioniste contre le Liban en 1982 et la fuite de ses dirigeants en Tunisie. Cette défaite consentie a été camouflée derrière le prétexte que la résistance depuis le Liban était impossible.
Je me souviens qu’en 1982 un ami m’avait demandé mon opinion sur cette décision de l’OLP de quitter le Liban. J’avais répondu que c’était une erreur. « Les Palestiniens ne devraient pas quitter le Liban occupé. Ils devraient rester et se mettre aux côtés de la Résistance libanaise, même s’ils doivent subir le sort qu’ont subi les dirigeants de la Commune de Paris en 1871 ; le temps a prouvé que la résistance, et même la victoire, étaient possibles.
Quitter le Liban a constitué une décision de s’éloigner de la lutte militaire. L’un des développements ultérieurs en a été le rôle joué par Edward Saïd qui a ouvert un champ de négociations secrètes entre l’OLP et l’administration US lorsqu’il a été désigné par Arafat comme membre du Conseil National Palestinien. Said a introduit Yaser Abd Rabbo auprès des USA, et ceci a constitué un pas plaçant l’OLP sous l’influence US ; le résultat en a été les Accords d’Oslo en 1993, et le Protocole de Paris en 1995 .
L’Etat sioniste et les USA n’auraient jamais rêvé que les Palestiniens acceptent ce type d’accord. Afin de maintenir Oslo, ils ont décidé de financer l’Autorité Palestinienne de plusieurs manières : financement direct provenant des dénommés « pays donateurs », et financement direct provenant des ONG pour les organisations de la gauche de l’OLP ;
Le résultat en a été la création d’une Autorité complètement dépendante d’un financement étranger comme « rente politique », pour l’OLP, et l’acceptation de l’Autorité palestinienne issue d’Oslo comme compromis politique patriotique.

 

Une fois tombé dans ce piège, la direction de l’OLP est devenue une part de la Contre –révolution. Depuis 2011 le montant du financement de la « rente politique » pour l’AP a atteint 25 milliards. Cette rente a été consacrée à recruter des employés, autant que possible pour les départements de l’AP , tout particulièrement ceux qui travaillaient dans des branches de l’économie sioniste, et qui sont fidèles envers l’AP , Grâce à cette politique, ce sont environ 200 000 personnes qui ont été employées par cette Autorité. Eux-mêmes et leurs familles ont atteint le million, c’est-à-dire un tiers de la population de la Cisjordanie et de Gaza. Leur nombre s’ accroît encore si nous considérons tous ceux qui ont été secrètement recrutés dans les appareils de sécurité et plusieurs secteurs privés, en particulier les compradores, une classe qu’affectionnent particulièrement les pays donateurs et la Banque Mondiale.

 

Cette partie de la population a sa propre hiérarchie sociale, comme si elle était une société spéciale, une société à l’intérieur de la société. ; cela a commencé avec les hauts rangs de la bureaucratie capitaliste de l’AP qui sont bien en harmonie avec le secteur privé qui bénéficie du financement des donateurs. D’autres classes sociales sont également en articulation avec la bureaucratie et les compradores capitalistes, cela va de la classe moyenne et autres employés jusqu’aux niveaux inférieurs. Ces classes privilégiées et, en conséquence, fidèles à l’OLP et à l’AP, que j’ai désignées comme « Oslo Stan », sont prêtes à se battre pour la survie et la continuité de ce régime.
Pour donner plus de détails, la majorité des membres du Fath sont absorbés par l’AP et les structures de l’Etat. Chaque membre de cette organisation, lorsqu’il ou elle arrive en âge de travailler, se voit proposer un emploi ou plus, alors que l’AP ne fait rien pour le chômage du reste de la population. La seule exception a consisté en l’attribution de petits emplois donnés de façon malsaine à des membres d’autres organisations de l’OLP afin d’acheter leur loyauté envers l’AP .
Ainsi s’est développée la dépendance vis-à-vis de la rente provenant de l’étranger, la plupart du budget étant consacrée aux salaires et à la sécurité, les responsables adoptant une politique libérale, puis néo-libérale, un marché et une économie de marché ouverte, tout ceci ayant des effets secondaires en profondeur dans l’économie du pays. Ainsi les secteurs de production du pays ont-ils été négligés, en particulier parce que les marchés ont été inondés de produits importés. Ce qui a eu pour effet de contraindre nombre de personnes à abandonner leurs terres pour chercher un emploi auprès de l’AP ;
Tous ceux qui ont bénéficié de la rente comme d’une ressource invisible, ont encouragé la consommation, car leurs ressources ne provenaient pas d’un travail personnel comme cela est le cas pour des producteurs indépendants. L’investissement productif est devenu proche de zéro, et le surplus s’est envolé vers l’étranger, quittant un lieu à risques pour aller vers des taux d’intérêt plus élevés.

 

Selon la même orientation, plusieurs intellectuels et chercheurs ont vendu le compromis d’Oslo comme un pas vers la paix. Ils ont soutenu l’appel d’Arafat à arrêter l’Intifada, à arrêter le boycott et à privilégier toute forme de normalisation des relations avec l’Etat sioniste. Ces intellectuels ont joué le rôle de la 6ème brigade.
L’ironie de l’histoire veut que beaucoup de ceux qui ont participé, soutenu, bénéficié des accords d’Oslo, ont par la suite commencé à les critiquer comme s’ils y avaient toujours été opposés. Mais ils n’ont pas rompu avec tous les bénéfices qu’ils tiraient de ces accords. Ce comportement opportuniste a eu pour conséquence finale d’encourager la direction de l’OLP à se rendre aux négociations facilement, puisque l’opposition était si « polie »et opportuniste !
Cependant que l’argent des donateurs était transféré au régime, celui des ONG servait essentiellement à corrompre nombreux cadres de l’opposition renégats et nouveaux supporters d’Oslo. Certains d’entre eux ont critiqué Oslo de l’intérieur, une attitude qui a alors donné à Oslo une chance de paraître démocratique et flexible pour faire tenir en place les gens qui en bénéficiaient tout en le critiquant. La plupart des ONG critiquent Oslo et l’argent provenant de l’étranger, mais dépendent de cet argent et travaillent pour Oslo-Stan ! l’une d’entre elles est l’ONG Rosa Luxembourg de Ramallah.
La meilleure preuve de l’existence de ce piège est le fait que les donateurs ont interrompu leurs dons lorsque le Hamas a gagné la majorité au Conseil Palestinien ( à tort dénommé législatif ) et a pris la direction du cabinet. Avant les accords d’Oslo, de nombreux Palestiniens travaillaient dans des secteurs de l’économie sioniste. Mais avec Oslo, la plupart d’entre eux ont été recrutés par l’AP. En conséquence, lorsque les donateurs ont coupé les fonds, ils se sont retrouvés dans le piège.
L’ironie est que ces mêmes élections ont été décidées, financées et supervisées par les mêmes pays donateurs !
Alors que ces pays donateurs n’ont pas respecté le résultat des élections qu’ils avaient sponsorisées, la direction du Hamas a aussi trahi ses précédents engagements de ne pas participer aux premières élections sous le parapluie d’Oslo, quand le Hamas a participé aux secondes élections.
Depuis que le Hamas est tombé dans le piège des élections, sa direction a engagé un combat pour le pouvoir avec le Fath. Cette lutte pour le pouvoir a débouché sur un conflit armé entre les deux organisations et s’est conclu par le contrôle du Hamas sur la bande de Gaza. Depuis lors, deux gouvernements palestiniens ont été établis. Tous deux se prétendent enthousiastes pour une réconciliation qui n’a jamais eu lieu. Ainsi le Hamas a-t-il abandonné la lutte armée au profit de la lutte pour le pouvoir.
Le Hamas a besoin d’armes pour maintenir les relations de Gaza avec l’Iran, la Syrie et le Hezbollah, mais en même temps le Hamas a consolidé ses liens avec la résistance anti-arabe, les régimes anti-nationalisme arabe, qui sont des Etats clients de la politique US dans la région, ce qui inclut la reconnaissance de l’Etat sioniste.
La crise syrienne a mis fin aux marges de manœuvre du Hamas. En tant que branche des Frères musulmans, Hamas a soutenu les organisations terroristes en Syrie et sa direction s’est enfuie au Qatar qui a directement contribué à la guerre contre la Syrie.
La fuite de la direction du Hamas au Qatar est comparable à celle d’Arafat en Tunisie en 1982 , car toutes deux sont un pas et une préparation de l’abandon de la lutte armée. En conséquence de quoi Qatar a soutenu Gaza afin de gagner sa loyauté et son abandon de la lutte armée.

2 Le printemps Arabe

Pour aller vite, ce qui se passe dans le monde arabe depuis les trois dernières années c’est le commencement d’affrontements révolutionnaires avec la Contre-révolution.
La contre révolution est présente dans le monde arabe, et la bataille engagée est féroce et fatidique. La contre révolution a ciblé les capitales les plus importantes du monde arabe : Bagdad, Le Caire, Damas, et le camp arabe de la résistance. Mais le combat le plus féroce concerne la Syrie. L’Etat sioniste est le plus grand bénéficiaire des destructions dans le monde arabe. Particulièrement, aussi longtemps que les armées les plus importantes du monde arabe sont engagées dans la guerre avec les terroristes qui sont soutenus par derrière, financés et entraînés par les USA, l’Europe, les pays Du Golfe, et la Turquie.
Cette situation de chaos a pavé le chemin aux USA pour imposer un règlement de « paix » aux Palestiniens, à la faveur d’un moment où les trois grandes capitales que sont Bagdad, Damas, et Le Caire, sont absentes du soutien aux Palestiniens.
Les derniers développements en Egypte, l’effondrement du régime des Frères musulmans, ont incité les USA à accélérer les négociations entre l’Etat sioniste et les Palestiniens. Ce développement pourrait achever le projet US d’alliance avec les forces de la Religion Politique dans la plupart des pays arabes, du Maroc à la Syrie.

 

Cette situation et changeante encourage la contre révolution menée par les USA afin de mener à bien l’accord de paix prévu par le complot, le plus rapidement possible.

 

Il n’y a aucun doute que ce plan constitue une victoire contre le projet national arabe en tant qu’achèvement de la question palestinienne pour la sûreté de l’Etat sioniste.
Mais l’Histoire nous a donné deux grandes leçons :
- en premier lieu, en cas de victoire syrienne, tous ces arrangements pourraient bien s’écrouler.
- ensuite, au long terme, il n’y a pas de chance pour l’Etat sioniste de se maintenir dans la région.
Les USA et les sionistes tentent de prolonger la vie de l’Etat sioniste le plus longtemps possible.
Il est bien connu que les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza sont incapables d’affronter et de vaincre les projets ennemis, mais au moins, notre devoir est de les refuser et de résister, ce qui constitue un pas sur le long chemin de la libération de notre terre patrie.

 

Adel Samara
(1) L’auteur emploie l’expression RSA, régime sioniste « ashkenazi ».

« Note du Comité de Rédaction à propos de cette notion de « complot ».
Les plans impérialistes existent ; les complots, qui sont des plans secrets, existent également. Mais ils n’expliquent pas la lutte des classes et l’impérialisme, ils s’expliquent par la lutte des classes. En ce sens, les classes opprimées doivent elles aussi avoir leurs plans et leurs complots ! »

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