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Chili : bilan de la réunion à Lyon

Partisan N°269 - été 2013

« Il y a 40 ans, un coup d’Etat a marqué la défaite du mouvement ouvrier et populaire au Chili ! ». C’est devant une salle pleine (plus de 60 personnes) que nous avons pu aborder l’histoire et les raisons profondes internes du coup d’Etat au Chili en présence d’un ouvrier chilien militant, qui a apporté sa connaissance, son expérience et son analyse.
« La caractéristique principale, celle qui a déterminée tout le processus politique et social et même la nature brutale de la répression, est sans doute le réveil lent, progressif, chaque fois plus important, de nombreuses couches de prolétaires du Chili à la lutte pour ses revendications et à sa prise de conscience quasi-révolutionnaire pour les plus avancés, à la fin du gouvernement d’Allende. »
« Le mouvement ouvrier s’est développé en parallèle et en contradiction avec les partis de gauche qui voulaient le subordonner à leurs tactiques électorales. Ces parlementaires se disaient socialistes, communistes, et leurs objectifs étaient de passer un compromis historique avec les représentants d’une partie de la bourgeoisie pour impulser des réformes de développement économiques du pays, mais tout cela dans le cadre du régime de la propriété privée. Deux conceptions du socialisme contradictoires qui allaient déboucher sur la défaite des travailleurs et l’échec des théories de passage non dogmatique et pacifique au socialisme. »
La réunion a eu un caractère politique élevée, montrant tout l’intérêt que représente toujours cette expérience pour les militants du monde et la nécessité de la prendre comme un des évènements fondamentaux de l’histoire du mouvement ouvrier international.
Les questions mises au débat après l’exposé du camarade ont été entre autres :
Que fallait-il faire, fallait-il armer le peuple ? Qu’elles étaient les formes d’auto-organisations des ouvriers et des paysans ? Comment s’applique le terrorisme d’Etat ? Quel rôle de l’impérialisme US, mais aussi français ? Et que signifiait l‘expérience de compromis historique ? Le lien avec la situation en France ? Allende ne voulait pas faire la révolution, donc on ne peut pas l’accuser de ne pas l’avoir faite ? Des discussions sur la voie électorale et la voie révolutionnaire. La place et la lutte des Mapuches. La caractérisation de l’étape de la lutte en rapport avec son développement économique... Si Allende représentait la bourgeoisie et a trahi les intérêts du peuple, comment expliquez-vous que la bourgeoisie chilienne, aidée par l’impérialisme, a fait un coup d’Etat ? Mettez-vous Allende et Pinochet au même plan, dos à dos ?
Apprendre à débattre de questions importantes, en présence de certains acteurs et victimes de ces évènements, était aussi une formation politique pour beaucoup de présents, et on a pu voir quelques couacs dans l’assistance. Mais c’est aussi une étape nécessaire pour l’éclaircissement des positions, démystifier certaines histoires romantiques. Comment gérer les contradictions qui s’expriment ? Ce qui nous a paru bien, c’est qu’elles s’expriment !
Nous avons mené cette réunion en collaboration avec deux autres groupes, Union Pour le Communisme et l’Organisation Communiste Futur Rouge.
Par cette réunion, nous avons fait une critique politique révolutionnaire des évènements du Chili. C’était nécessaire et nous avons été fiers de faire entendre cette voix. Pour nous tous, c’était le meilleur hommage que nous pouvions rendre aux militants et à la classe ouvrière chilienne.
Nous avons mis l’accent sur la question du pouvoir et nous avons affirmé une fois de plus que la prise du pouvoir ne passe ni par les urnes ni par une constitution (même votée par la majorité du peuple), thèse défendue par un autre courant politique au cours d’une réunion bien différente tenue le lendemain par l’association France- Amérique latine.

Le camarade auteur de « la spirale ascendante - du Chili à la France, la vie d’un militant communiste » a animé la réunion sur les raisons de la défaite de la classe ouvrière chilienne et a bien voulu répondre à quelques questions
- 40 ans après le coup d’état qui a marqué ta vie, tu as fini par écrire ce livre « la spirale ascendante », quelles ont été tes motivations ?
- Fondamentalement, pour contribuer à la formation politique des nouvelles générations qui recommencent à lutter, il me paraissait indispensable de faire une critique de notre défaite. Je voulais aussi restaurer la mémoire de militants de base remarquables, connus au Chili.
- Peux tu en quelques phrases te décrire ?
- Non. Comment se décrire soi-même sans tomber dans le subjectivisme le plus absurde ? On est « soi-même » que pour une infime proportion, le reste est conditionné, créé par la dynamique de la lutte des classes. D’ailleurs je préfère être une partie intégrante et consciente des travailleurs comme une classe, plus qu’un impossible « individu » qui n’est que le produit de l’idéologie et du formatage des masses par la bourgeoisie.
- Peux- tu expliquer comment tu as construit ce livre ?
- A partir d’un concentré de la vie des militants chiliens, en utilisant le plus possible des anecdotes vécues mais aussi qui laissent des enseignements. Sur ces anecdotes découlent des réflexions ou commentaires nécessaires à l’armement politique élémentaire des jeunes générations ….
- Où as-tu trouvé des modèles pour t’inspirer dans l’écriture de ton livre ?
- J’essayais de prendre comme modèle la littérature populaire et réaliste sociale. Et aussi des grands comme Goethe, Tolstoï, Balzac sans y arriver naturellement. Je m’inspire beaucoup aussi du plus grand philosophe du XXème siècle, G. Lukacs, et de son idée de saisir l’essence d’un phénomène comme centre d’une œuvre réaliste.
- Pourquoi as-tu choisi la forme anecdotique ?
- La forme anecdotique permet d’une part de s’adresser à un public qui rentre à peine dans la compréhension d’une théorie complexe, vaste, et pourtant indispensable, et d’autre part de rendre plus accessible un tas d’événements. Il s’agit aussi de démystifier, de montrer que ce qui s’est vécu au Chili fait partie de la vie, comme il peut faire partie de la vie ici, si vous vous loupez.
- Tout le long de ton parcours, tu as fait des rencontres qui ont eu une influence importante pour toi ; que représentaient ces personnages ?
- J’avais à cœur de montrer certains types de militants remarquables produits sans cesse par la classe ouvrière et les couches populaires. Ces personnages sont réels, je les ai connus et ils m’ont formé. C’est aussi ma façon de rendre hommage aux vrais combattants et non aux figures avec des pieds d’argile qu’on nous montre dans les médias ou ailleurs, souvent pour occulter les responsabilités politiques de ceux qui nous ont conduits à la défaite.
- Tu es chilien, français, ouvrier, internationaliste, comment te retrouves-tu dans tout cela ; qu’est ce qui fait ton unité ?
- C’est vrai, je reste un internationaliste convaincu. Quand à la question de mon identité…je ne sais qu’une chose, c’est qu’elle doit beaucoup à la dynamique sociale tant d’ici que du Chili. Mais encore cela a-t-il une importance quelconque ?
- Si tu devais donner un mot d’encouragement aux multiples travailleurs immigrés qui ont connu d’une façon ou d’une autre le même type de parcours, quel serait ton message ?
- Tout d’abord, on est une même classe ouvrière partout, multiple, militante, et on est tous frères. Faisons nôtre le magnifique slogan et la perspective suivante :
Prolétaires de tous les pays unissez vous, le chemin est rude mais l’avenir est glorieux. Camarades, nous avons ensemble un monde à gagner !

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