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S’unir dans la lutte ! Contre qui ? Avec qui ?

Partisan N°269 - Novembre 2013

Dans la lutte politique se pose inévitablement la question des alliances que doivent nouer la classe ouvrière et le Parti communiste contre la bourgeoisie, la réaction et l’impérialisme pour avancer vers la révolution. Impossible de vaincre isolés. Trouver des alliés, oui, mais cette nécessité tactique conduit souvent à des alliances opportunistes, sacrifiant l’avenir de la révolution à des combinaisons aux conséquences désastreuses. Penons quelques exemples.

En 1935-1936, pour faire barrage à la menace fasciste et corriger une tactique sectaire qui a conduit au désastre en Allemagne, l’Internationale communiste (IC) propose une tactique de Front, dite de Front populaire. En France, elle se construit par une alliance avec les socialistes et le parti radical. Le Front populaire gagne les élections en 1936. Le PC ne participe pas au gouvernement, mais modifie sa politique. Pas seulement sa tactique. Il infléchit son orientation, pour gagner les couches petites-bourgeoises et les secteurs ouvriers dominés par le PS. Sur les conseils de l’IC, il adopte le drapeau tricolore au même titre que le drapeau rouge et fait de même avec la Marseillaise. Il ne se contente pas d’adopter les symboles de la démocratie bourgeoise. Il modifie le rapport à son Etat, dont la destruction révolutionnaire n’est plus à l’ordre du jour. Il abandonne le soutien à la lutte pour l’indépendance des colonies à laquelle sont opposés les Socialistes et les Radicaux. Il adopte un discours chauvin sur la France, sa terre, ses valeurs, et propose de transformer le FP en un « Front des Français ».

 

Autre expérience, mais en Chine. Dans les années 1920, le jeune Parti communiste chinois (PCC) travaille au sein du Kuomintang, parti de la bourgeoisie nationale. Les membres du PCC y adhérent individuellement. Le Kuomintang est considéré par l’IC comme le seul capable de diriger la révolution nationale, il est membre associé à l’exécutif de l’IC. En 1926, au cours de la Campagne du nord engagée par le Kuomintang contre les seigneurs de la guerre, les organisations paysannes et les milices ouvrières, dirigées par les communistes, sont très actives. La fraction dirigeante du Parti nationaliste prend peur et se retourne contre les communistes, qui sont massacrés. Mao tsé toung, qui n’est pas encore le dirigeant reconnu du PCC, s’oppose à la tactique alors proposée par l’IC, et tire le bilan de l’expérience passée.
Mao ne conteste pas la nécessité d’une alliance avec le Kuomintang, mais il en dégage les conditions : ne pas se tromper sur la nature de l’allié et sur la fragilité de l’alliance qui ne se renforce que par la lutte au sein du front ; elle doit être dirigée par le Parti communiste ; ce dernier ne le peut que s’il dispose d’une indépendance politique : un Parti distinct dans son organisation, mais aussi dans son but ; et une Armée rouge. A ces conditions le Parti peut faire front, sans risque, avec le Kuomintang contre les Japonais après 1936. Front qui sera l’objet d’une lutte politique incessante contre le Kuomintang, en s’appuyant sur les aspirations du peuple chinois. Les dirigeants nationalistes bourgeois, craignant bien plus le PCC partisan de la liquidation des classes exploiteuses que les impérialistes japonais, se retourneront à plusieurs occasions contre l’Armée rouge.

 

De ces exemples nous pouvons dégager plusieurs enseignements qui doivent guider les communistes pour lesquels les ennemis de nos ennemis ne sont pas nécessairement nos amis :
- bien caractériser la contradiction politique principale à partir de laquelle on va juger des alliances possibles,
- avoir une appréciation juste de la nature de classe de ces alliés éventuels, de leurs contradictions et de leurs objectifs, ainsi que de leur influence dans les masses,
ne jamais sacrifier les conditions de la poursuite de l’objectif stratégique - la révolution socialiste - aux nécessités de l’alliance, et ne jamais faire siennes les positions de l’allié pour l’amadouer, ne pas mettre le drapeau de la révolution dans sa poche,
construire l’indépendance du Parti à l’égard des forces bourgeoises ou impérialistes. L’indépendance est la capacité de préparer la révolution sociale dans la lutte contre l’ennemi principal du moment, en dépit des défaillances ou des trahisons des alliés. Pas d’indépendance sans parti avec son identité propre, enraciné dans les masses, et disposant de ses propres moyens de lutte, y compris armée.
Si ces conditions ne sont pas réunies, les communistes sont au mieux des opportunistes qui sacrifient leurs objectifs à des alliances sans lendemain (comme lors du Front populaire), ou qui se préparent à des revers qui peuvent être dramatiques, comme les communistes chinois en ont fait l’expérience à la fin des années 1920.

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