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Haïti occupée, et toujours sinistrée !

Partisan N°248 - Juin 2011

A l’occasion du passage à Lyon d’un militant haïtien de la Ligue anti-impérialiste de ce pays, nous avons organisé une réunion publique avec lui. Voici la situation qu’il nous a décrite.

 

Plus d’un an après le séisme, la situation n’a pas changé, à quelques détails près. Les populations vivent toujours sous les tentes à Port-au-Prince. Après le séisme, il y a eu les cyclones, et le choléra. Et d’autres cyclones sont à redouter dans les mois à venir. Malgé le tapage fait au lendemain du tremblement de terre autour de l’argent collecté pour aider le peuple haïtien, la population n’a pas vu la couleur de cet argent. La première brique n’a pas été posée. Il y a un nombre impressionnant d’ONG sur le terrain, autour de 10 000. Certaines distribuent un repas chaud par jour parmi la population et parfois un kit d’hygiène.
Surtout, le pays est occupé au sens propre du terme par la MINUSTAH (mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti). C’est une force militaire composée par des troupes des pays impérialistes (USA, Angleterre, France, Canada, Italie...) et d’autres pays comme le Népal, Madagascar, le Chili, le Brésil... Il y a aussi des soldats israëliens. Chacune de ces forces militaires patrouille avec les drapeaux et uniformes de son pays. Au total, 12 000 soldats. Il y a plein de discussions politiques et une grande volonté d’agir dans le peuple haïtien, mais il y a une énorme répression et un flicage généralisé de la population par les forces de la Minustah. La moindre réunion de village est surveillée par les soldats de la Minustah. Dans des réunions de cadres pour la reconstruction du pays, il y a toujours la présence d’un représentant des forces d’occupation. Parfois les soldats volent les chèvres dans certains villages et sont reconnus par les habitants comme des voleurs, au point que, lorsque les Haïtiens voient un soldat de la Minustah, ils imitent le cri des chèvres. Régulièrement et à la moindre volonté de manifestation du peuple haïtien, les soldats de la Minustah postent leurs chars aux carrefours pour faire peur. La Minustah est arrivée en Haïti en février 2004, juste après qu’un commando américain soit venu kidnapper le président Aristide pour l’envoyer en exil. Voilà donc 7 ans que l’occupation étrangère dure. Le séisme a été l’occasion de la renforcer.

 

Il y a aussi une force politique étrangère qui dirige de fait le pays, c’est la CIRH, la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti, dirigée par Bill Clinton. Cette Commision s’est créée à la faveur du séisme. Haïti est dirigée en réalité par trois personnes, l’ambassadeur des USA, celui de la France, et le chef de la Minustah, Edmond Mulet. Le président haïtien n’est qu’une marionnette aux mains de ces trois personnes.

 

Question dans la salle : Quelle est l’importance d’Haïti pour les intérêts des impérialistes ?

 

Réponse : D’abord des intérêts géopolitiques. Du Môle Saint-Nicolas, on domine toutes les routes vers l’Amérique latine. Depuis les années 1960, les USA cherchent à y installer en vain une base militaire. Haïti est aussi intéressant géopolitiquement pour la France. 45 minutes de vol séparent la Martinique d’Haïti. Les dirigeants français n’ont jamais digéré leur défaite de 1804, quand les esclaves haïtiens ont conquis leur liberté et l’indépendance de leur pays. Ils ont toujours craint que cette révolution en inspire d’autres dans les Antilles françaises. Pendant les grèves en Guadeloupe avec le LKP, les médias français mettaient en garde la population contre le risque de « devenir miséreux comme les Haïtiens » en cas d’indépendance.
Il faut ensuite parler des richesses souterraines d’Haïti. On estime que les réserves de pétrole haïtiennes sont beaucoup plus grandes que celles du Venezuela, « une piscine olympique par rapport à un verre d’eau ». Sur les côtes, il y a une source dite « source puante ». Quand on prend un verre d’eau, on peut l’enflammer rapidement parce que l’eau est pleine d’hydrocarbures. Il y a aussi beaucoup d’or, d’uranium et des métaux rares.

 

Quelles sont les forces politiques progressistes ?

 

Tout d’abord, il y a la Ligue anti-impérialiste. Elle contient toutes les forces qui militent pour le droit du peuple haïtien à disposer de lui-même. Elle demande le départ de la Minustah, la dissolution de la CIRH, et le départ de toutes les ONG qui sont au service des intérêts des impérialistes. Elle pense que tout ce qui est fait en l’absence du peuple haïtien va se retourner contre lui. Il faut parler aussi de Bataye Ouvrié. Cette organisation fait les mêmes dénonciations que la Ligue anti-impérialiste et réclame les mêmes revendications que cette dernière, mais elle a parfois des positions ambiguës. Il y a aussi des organisations qui font du travail social sur le terrain, comme APROSIFA ouVINOUS (vision pour une nouvelle société).
Oui, il y a un parti communiste, c’est le Nouveau Parti Communiste Haïtien (NPCH).

 

Parlez nous un peu de Jean Bertrand Aristide et de sa place dans la société haïtienne ?

 

Aristide est avant tout un prêtre catholique, en tant que tel il sait bien mobiliser les foules. Pour la première fois il est arrivé au pouvoir le 16 décembre 1990. Il était animé par les idées de la théologie de la Libération. En 1991 il a été renversé par un coup d’état fait par l’armée et soutenu par les élites économiques du pays .Vu sa popularité, les Etats Unis ont été obligés de le laisser revenir au pouvoir à son retour il n’était plus le même homme. Il a terminé son premier mandat le 17 décembre 1995. La constitution haïtienne interdit au président en place d’exercer deux mandats consécutifs, Aristide s’est à nouveau présenté aux élections de 2000.Il arrive au pouvoir en 2001 mais vu l’abandon de son programme quasi progressiste, pour calmer les masses il commence à appuyer sur une revendication historique et juste du peuple haïtien à savoir la demande de restitution par l’Etat français de la rançon qui a été payée pour obtenir l’indépendance. Cette revendication a trouvé un très fort écho parmi les masses les plus pauvres du pays. Ce qui a gêné beaucoup le gouvernement français. On savait que l’invasion d’Irak par les Usa et ses alliés a eu lieu en 2003.Il y avait une mésentente entre le gouvernement français et les autres impérialistes à ce moment là. Après l’occupation de l’Irak la France a trouvé une opportunité pour régler ses comptes avec les Usa en proposant à ces derniers de faire tomber Aristide en contre partie de l’aide apportée par la France pour calmer la situation en Irak. Aristide est tombé pour la deuxième fois, arrêté par un escadron américain et envoyé en exil en Afrique du Sud. Aristide est toujours assez populaire à Haïti. C’est le rôle des antis impérialistes que de démasquer son vrai visage.

 

Quel rôle jouent les ONG à Haïti ?

 

Les ONG sont la représentation diplomatique non étatique d’une puissance impérialiste dans un pays. Les sommes récoltées par ces ONG pour le peuple Haïtien sont réparties 75%( appartement, salaires, voitures frais de fonctionnement) pour la propre organisation des ONG, 20 à 25% pour le gouvernement et les restes pour le peuple. Depuis leur installation à Haïti le prix des loyers a augmenté considérablement etc... L’argent récolté pour la solidarité avec le peuple doit revenir entièrement au peuple et il doit y avoir un contrôle par celui-ci.

 

Que pouvons-nous faire pour le peuple haïtien ?

 

Nous demandons au peuple et aux travailleurs de France de parler de la vraie situation en Haïti, de dénoncer la présence des forces d’occupation de la Minustah, de démasquer la CIRH et les vraies raisons de la présence de la France et des autres pays impérialistes en Haïti. Nous leur demandons de réclamer avec nous que la France restitue la rançon qu’elle nous a imposée au moment de l’indépendance, soit la valeur de 27 milliards d’euros actuels.
Du point de vue matériel, nous vous proposons de soutenir la Ligue anti-impérialiste et l’association VINOUS qui travaille à soutenir, former et encadrer des jeunes pour qu’ils puissent apprendre un métier, sortir de l’analphétisme et qu’ils apprennent à compter sur leurs propres forces. Nous nous engageons à être totalement transparents sur l’utilisation de ces aides, soit pas un accueil des donateurs dans notre pays, soit pas tous les moyens d’échange actuels.

 

Après avoir répondu à quelques autres questions, comme la composition des classes sociales dans la société haïtiennes, notre camarade a précisé que le peuple haïtien ne se trompe pas sur ses ennemis. Il fait la différence entre le peuple français et le gouvernement de la France. Il sait que le peuple et les travailleurs sont aussi animés par le mot d’ordre « Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! ».

 

Angela

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