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Hakim, "la Justice" et l’Etat

Alors qu’il était
sorti de la
banque, ils l’ont
menotté dans le
dos, et comme il
opposait de la
résistance contre cette violence hors
propos, les policiers l’ont couché au
sol et l’ont immobilisé : pendant
qu’un flic lui infligeait une clé de
bras au cou, un autre appuyait de
tout son poids sur son thorax. Les
textes européens, dans un macabre
calcul, ont établi qu’après une durée
de six secondes, une telle clé d’étranglement
était mortelle. D’après
tous les témoignages, M. Ajimi a été maintenu
immobilisé de cette façon pendant
plusieurs minutes. Ils ont ensuite jeté son
corps inerte dans une fourgon et l’ont
emmené jusqu’au commissariat où il ont
été obligés de constater sa mort.
Ils ont évidemment tenté de maquiller ce
meurtre, mais c’était quasiment impossible :
contrairement à l’habitude, la scène, hélas
coutumière, ne s’était pas déroulée à l’abri des
regards dans un de leurs véhicules, ni dans
un commissariat, mais en pleine rue, devant
une bonne dizaine de témoins.
Immédiatement, la famille a porté plainte.
Pendant 4 ans, elle n’a pas lâché le combat…
Au bout de 4 ans, les flics incriminés
étaient assignés en correctionnelle.
Durant le procès, le procureur a insisté sur
la culpabilité évidente des flics, en reprenant
le qualificatif d’inhumain employé dans le
rapport de la CNDS. De quoi bercer les proches
de Hakim dans l’illusion d’une justice
indépendante et bien distincte de la police.
Cela n’aura pas plus duré que le temps d’un
réquisitoire puisque le représentant du
Parquet a fini par demander des peines exemplaires
de 18 mois à 1 an de prison avec sursis.
Comprenant alors que l’on s’était moqué
d’eux, la famille et les proches ont déclaré :
« Nous quittons le tribunal et vous laissons
entre vous »
. Ils ont rédigé un tract qu’ils ont
distribué dans la ville.
Porter plainte contre la police, c’est bien
entendu faire confiance à la justice : c’est croire
qu’elle est distincte de la police alors quelle
a toujours montré qu’elle n’est qu’une autre
branche du même système répressif. Mais ce
qui important, ce n’est pas forcément d’en être
idéologiquement persuadé, c’est surtout d’en
faire la vérification concrète. Ce qui permet de
se dégager de cette logique de justice, c’est de
ne pas s’enfermer, de rencontrer d’autres
familles qui ont connu, vécu le même genre
d’événement malheureux. Et là, dans la construction
d’un rapport de force, le refus d’accepter
ces actes prend un autre sens : les
familles qui sont confrontées au malheur d’avoir
perdu un enfant, un frère dans un commissariat
ou dans un mitard, n’ont jamais eu
affaire à la justice dans beaucoup de cas. C’est
au travers de confrontations avec d’autres
expériences, de solidarité, qu’elles parviennent
à sortir de la vision étatique. C’est exactement
ce qui s’est produit à Grasse.

 

D’après L’Envolée, journal critique du système carcéral,
43 rue de Stalingrad, 93100 Montreuil.

<pW 

P.S. Le père de la victime, Boubaker Ajimi
a déclaré : « Ils vont pouvoir continuer à travailler
(comme avant). Il y a une justice à
deux vitesses : une justice première classe et
une justice deuxième classe, c’est pas normal ».

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