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Italie : l’Europe du capital retient son souffle.

Partisan N°265 - Mai 2013

Les 24 et 25 février 2013 ont eu lieu des élections parlementaires en Italie. L’abstention a été de 25 %. Mais, stupeur pour la bourgeoisie européenne, son candidat, Monti, n’a obtenu que 10 % des voix.

Monti était le professeur de la rigueur au service du capital, il avait imposé l’augmentation de l’âge de la retraite, la libéralisation des lois du travail, des coupes dans tous les budgets sociaux.... Berlusconi, le corrompu, le proxénète, faisait une campagne démagogique contre l’Europe et l’Allemagne et se retrouvait avec presque 30 % des voix. Le Parti Démocratique (PD) obtenait de justesse la majorité. Mais le PD de Bersani soi-disant parti de centre gauche, avait soutenu le gouvernement Monti, voté aussi les privatisations des entreprises publiques d’électricité, Enel et Eni. Il semblait que les Italiens n’avaient le choix qu’entre la continuation de la politique anti-sociale de Bersani et de Monti et la démagogie de Berlusconi.

Beppe Grillo s’est présenté comme le candidat anti-système.

L’ancien comique surfe sur le ras-le-bol général des politiques d’austérité et de la corruption de la classe politique. Il attaque aussi l’Europe et l’Allemagne, mais sa critique ne va pas jusqu’à attaquer le capitalisme lui-même. Il obtient avec son mouvement des 5 étoiles (M5S) 25% des voix, 108 députés et 54 sénateurs.
Ce sont « les franges précarisées de la population, qui sont au cœur de l’électorat de Grillo. Celui-ci réalise en effet 40% parmi les ouvriers (contre 21% pour le Parti démocrate) et 42% parmi les chômeurs (contre 20% pour le PD). On peut également présumer que son bon score dans le groupe hautement hétérogène socialement des indépendants (40%, contre 34% pour la droite) se concentre sur les fractions paupérisées de cette petite-bourgeoisie, qui est encore bien représentée numériquement en Italie » (1). Son programme relève bien de cette contradiction. Cela va de la baisse du salaire des députés, des énergies renouvelables, de la lutte contre la mafia, au salaire minimum de 1000 euros, la semaine de travail de 20 heures ...mais aussi à la disparition des syndicats, à la préférence nationale pour l’obtention d’un emploi. Il est soutenu par une partie de l’extrême-gauche comme le nouveau Parti Communiste Italien, qui fait un pari sur la déstabilisation de l’Etat italien. Grillo est aussi soutenu par des personnes de tendance fascisante. Il est adepte de la démocratie directe, mais c’est lui qui décide de la ligne à prendre.

Le ras-le-bol ne sera pas suffisant.

Les candidats ont été sélectionnés grâce à internet sur la base du programme de Beppe Grillo. Jeunes, ils viennent surtout de la petite-bourgeoisie, des diplômés sans emploi, des cadres moyens, des membres des mouvements sociaux. Il ont en commun de ne pas avoir eu de carrière politique avant. Beppe Grillo ne veut aucune alliance avec les autres partis, il agit au cas par cas. Pour l’Italie, qui est la 3éme économie de l’Europe, s’ouvre une période d’instabilité. Le mouvement « 5 étoiles » devra à un moment sortir du simple ras-le-bol, des critiques faciles contre la classe corrompue des politiciens. S’il prône réellement les 20 heures, il va se mettre à dos les patrons petits et grands, de même pour le smic, dans un pays où le travail au noir est très élevé. Pas de syndicat : est-ce que ce sera le corporatisme, ou des assemblées qui prendront les décisions ? Là aussi, lutte de classe. Et les travailleurs immigrés ? Il y a de nombreuses manifestations pour des papiers pour tous en Italie, le mouvement des « 5 étoiles » va-t-il leur envoyer la police comme un vulgaire gouvernement réactionnaire ?
Est-ce que le vote Grillo représente un risque de fascisation ? C’est bien la critique du gouvernement pourri, la promesse d’un Etat propre, la petite bourgeoisie au poste de commande. Mais ce n’est pas un parti construit, mettant au pas la classe ouvrière. Le vote pour Grillo souligne l’absence des mouvements révolutionnaires, qui n’ont pas su s’enraciner dans le prolétariat. Mais ce vote protestataire est aussi une volonté de sortir des mesures du capital. Sous le vote anti-système, il y a aussi la lutte de classe.

 

Sébastien
(1) « Le succés de Beppe Grillo, expression politique du précariat ? », dans « Tout Est A Nous » de mars.

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