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Il y a cent ans, le Congrès des Peuples d’Orient

Bakou, septembre 1920

Voilà 100 ans exactement se réunissait ce premier Congrès, avec 1891 délégués venus de toute l’Asie, à Bakou en Russie Soviétique. Ce congrès se tient dans la foulée du II° Congrès de l’Internationale Communiste qui avait eu lieu à Moscou en juillet, et avait en particulier adopté les « Thèses sur la question nationale et coloniale ».

Nous publions aujourd’hui, pour l’occasion de ce centenaire, la traduction française des deux appels produits par ce Congrès, qui n’étaient à notre connaissance pas encore disponibles dans notre langue. Il s’agit :
* du Manifeste du Congrès aux Peuples d’Orient
* de l’Appel du Congrès des Peuples d’Orient aux travailleurs d’Europe, d’Amérique et du Japon.

Deux textes flamboyants et tout à fait d’actualité contre l’impérialisme, le racisme et le nationalisme !

Septembre 1920, la date n’est pas anodine pour bien comprendre ces textes.
C’est le tournant dans la guerre civile en Russie (Koltchak est fusillé en février, Denikine fuit en avril, Wrangel est battu en novembre), avec l’installation désormais sécurisée du pouvoir des soviets, même si les combats résiduels dureront jusqu’en 1923.

C’est donc l’enthousiasme qui prévaut tant en Russie pourtant saignée à blanc par cette guerre civile, que dans le monde où l’espoir de mettre fin à l’esclavage et l’exploitation apparaît enfin comme une réalité possible.

La Russie n’a pas encore eu le temps de se confronter aux épouvantables difficultés économiques qui suivront (qui conduiront à la NEP en mars 1921), et l’heure est à l’espoir vivant d’un embrasement mondial de la révolution.

La Russie est elle-même confrontée aux minorités en Asie centrale et dans le Caucase, avec de nombreuses difficultés (d’ailleurs abordées lors de ce Congrès). Mais cela lui donne un levier important pour étendre la révolution à toute l’Asie, pour un appel à la « guerre sainte » sous le drapeau rouge de l’Internationale Communiste.

D’où l’importance donné à l’époque à ce congrès, un peu « foutraque » par la présence de délégués dont la grande majorité étaient bien loin d’être communistes.
Mais c’est là aussi l’intérêt de l’événement. Pour l’Internationale, c’est de fait l’opportunité de commencer à construire ce que nous appellerions aujourd’hui un Front Uni Mondial Anti-Impérialiste, sous la direction des communistes.
On aurait pu imaginer de tels rassemblements en Afrique (avec le communiste Lamine Senghor au Sénégal, le chef Abdelkrim au Maroc et d’autres) ou en Amérique Latine (avec le péruvien José Carlos Mariategui ou le chilien Luis Emilio Recabarren). C’est probablement le manque de lieu sûr pour tenir de telles conférences qui a empêché qu’elles aient lieu.

Malheureusement ce Congrès restera sans suite. D’une part la Russie sera absorbée par les difficultés intérieures, la survie économique prenant le pas sur la survie militaire en provoquant de nombreuses contradictions. D’autre part, au niveau mondial, la faiblesse des communistes encore jeunes ne permettra pas un élargissement de la révolution et le nationalisme recommencera à semer son poison dans leurs rangs.

Enfin, il faut souligner que le Congrès a été présidé par Zinoviev, vieux bolchevik et compagnon de Lénine, président du soviet de Petrograd, et qui sera fusillé plus tard lors des procès de Moscou en 1936. Il avait certainement fait des erreurs – et d’autres avec lui – mais il n’en méritait pas tant.

Pourquoi alors republier les deux principaux documents de ce Congrès ?

Parce que 100 après, malgré leurs imperfections et inexactitudes (par exemple la sous-estimation de l’impérialisme français face aux britanniques), ce sont des textes flamboyants qui posent le socle de l’unité internationale des travailleurs, qui dénoncent déjà le racisme et le nationalisme – y compris parmi les ouvriers occidentaux -, qui montrent la voie à suivre pour un véritable internationalisme.
Beaucoup aujourd’hui devraient en prendre de la graine !


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