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Philippines : décès de Jose Maria Sison, dirigeant de la Guerre Populaire

Nous avons appris la mort dans la nuit du 16 au 17 décembre du dirigeant révolutionnaire philippin Jose Maria Sison dans un hôpital des Pays-Bas, pays où il vivait en exil depuis une trentaine d’années (inscrit en 2002 sur la liste des “terroristes” par les USA, il ne pouvait plus quitter l’Europe). Âgé de 83 ans, celui qu’on appelait “camarade Joma” faisait partie d’une génération de révolutionnaires des pays dominés pour qui la révolution chinoise a été un modèle et qui se sont inspirés des écrits de Mao Zedong pour préparer la “guerre populaire prolongée” qui devait libérer leurs pays de l’impérialisme. Comme Charu Majumdar (1918-1972) en Inde, comme Ibrahim Kaypakkaya (1949-1972) en Turquie, comme Abimael Guzman Reynoso (1943-2021) au Pérou, Jose Maria Sison a défendu une stratégie révolutionnaire s’appuyant sur ce que Mao appelait les “trois épées magiques” : le Parti Communiste des Philippines, la Nouvelle Armée Populaire (NPA) placée sous la direction du Parti et enfin le Front Démocratique National (NDF) qui doit maintenir le lien entre le parti et les masses populaires.

De 1977 à la chute du dictateur Marcos en 1986 il a été emprisonné dans des conditions très dures, puis, deux ans plus tard, le gouvernement « démocratique » l’a poussé à l’exil en annulant son passeport alors qu’il était à l’étranger.
S’il n’est pas à ce jour arrivé à son objectif de créer aux Philippines une Nouvelle Démocratie ouvrant la voie au socialisme, le Parti Communiste des Philippines continue à diriger une des plus grandes insurrections du monde en appuyant les luttes écologiques et paysannes contre les multiples ravages des multinationales, notamment sur l’île de Mindanao. Depuis le passage à la lutte armée en 1969, l’Etat philippin a mené de multiples campagnes de répression, avec de nombreuses exécutions sommaires et disparitions de combattant.e.s et de civil.e.s, mais la NPA (qui regroupait 26 000 combattant.e.s dans les années 80) reste active.

Au niveau international, Jose Maria Sison a été une figure de la Ligue Internationale des Luttes du Peuple (ILPS), une des principales tentatives de regrouper les différentes organisations révolutionnaires continuant à se réclamer du marxisme-léninisme après la mort de Mao et la restauration du capitalisme en Chine. Pour résumer, L’ILPS considère que la contradiction entre l’Impérialisme et les Peuples Dominés est principale, que si la stratégie de Guerre Populaire Prolongée est mieux adaptée aux pays dominés elle n’est pas pour autant une option universelle (par rapport à la stratégie insurrectionnelle qui a été celle de Lénine en 1917), qu’il faut promouvoir la collaboration du mouvement communiste avec les luttes de libération nationale (même quand elles ne sont pas dirigées par des communistes, comme en Palestine).

Au fil des temps, nous avons eu des désaccords avec Jose Maria Sison, jusqu’à ses récentes prises de position sur la guerre en Ukraine. Sa vision stratégique était influencée par la situation spécifique de son pays, qui a souffert violemment depuis plus de 100 ans des attaques, des ingérences et du pillage de l’impérialisme US. De notre point de vue, il a souvent sous-estimé la dangerosité des impérialismes russe et chinois dans son analyse de la situation internationale. Ces dernières années, les Philippines ont vu l’arrivée au pouvoir du criminel Rodrigo Duterte, qui représentait une fraction pro-chinoise et pro-russe de la bourgeoisie locale. Il semble que Sison ait eu des illusions à son sujet au moins au début (alors que les militant.e.s de son parti présents à l’intérieur du pays ont tout de suite compris la dangerosité de la démagogie populiste de Duterte). Quand il était au pouvoir, Duterte a appelé les combattant.e.s du NPA à le rejoindre pour “changer ensemble les Philippines” tout en appelant l’armée à tirer une balle dans le sexe des femmes du NPA qui refuseraient de rendre les armes. Aujourd’hui ce répugnant personnage prétend rendre hommage à Sison (qui a été son professeur d’université dans les années 60) en le qualifiant de “patriote” au nom de la lutte contre l’impérialisme US qui leur serait commune.

Nous considérons quant à nous que la vie de Jose Maria Sison, quelles que soient nos divergences, est une vie du bon côté de la barricade et appartient à l’histoire du prolétariat et des peuples du monde entier.

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