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Freescale licencie, les ouvriers s’organisent !

Partisan N°256 - Mai 2012

Depuis 2009, les ouvriers de Freescale (ex-Motorola, sous-traitant de l’automobile) à Toulouse se battent contre la fermeture annoncée de l’usine. Nous avons interviewé D., ouvrier, délégué CGT et militant depuis 15 ans.

- Peux-tu d’abord revenir au début de votre lutte, quand la direction annonce la fermeture ?

 


- Le 22 avril 2009, la direction annonce sa décision de fermer l’usine de production de puces électroniques en plus de la branche téléphonie. Cela concerne 236 cadres et ingénieurs pour la téléphonie et plus de 821 ouvriers, techniciens, etc, pour la production. Leur justification c’est que c’est la crise, qu’il y a du chômage partiel et que les cahiers de commande sont vides.

 

- Face à cette annonce, comment réagissez-vous ?

 


- Le patron veut négocier un accord de méthode mais il échoue. On décide donc de se réunir en intersyndicale et ensuite on décide de s’organiser en Assemblée Générale des salariés, et seuls les syndicats CGT, CFTC et CFDT soutiendront cette forme d’organisation. Les salariés s’organisent aussi en Comité de Lutte durant la grève, qui sera surtout composé de salariés non-syndiqués mandatés par l’AG.
En septembre 2011, on lance à 500 personnes un mouvement de grève qui durera 5 semaines et on décide de se battre pour des indemnités de départ décentes pour nous permettre de rebondir après les licenciements.

 

- Il y a une majorité de cadres dans l’entreprise, ça a un effet sur la lutte ?

 


- Ben c’est difficile, les intérêts des ouvriers et des cadres ne sont pas toujours les mêmes. On essaye de jongler avec ça.

 

- A cette époque, les Molex (près de Toulouse) se battaient pour le maintien du site, quelles furent les réactions de se battre pour des indemnités ?

 


- En fait on n’a pas eu de soucis… ni de soutien ! Car demander du pognon c’est pas politiquement correct. Mais on a eu des liens avec les Molex comme avec d’autres à travers le collectif contre les patrons voyous. Mais le plus dur ça a été la répression des flics et le blackout médiatique. On a eu un sentiment de sabotage.

 

- Et du coup après la grève, qu’avez-vous gagné ? Qu’est-ce qui a changé ?

 


- On a déjà réussi à arracher des primes planchers de 40 à 50 000€. Mais surtout, un lien s’est retissé entre les ouvriers grévistes, on a gagné des réflexes collectifs. Et ça dans une usine où il y a peu de syndicalisation et où l’individualisme est exacerbé et entretenu depuis 30 ans.

 

- La grève se termine en octobre 2009, que s’est-il passé depuis ?

 


- En fait, dès début novembre des intérimaires arrivent, ils sont 500 au début de l’année 2010. Ensuite, ça continue, les commandes arrivent, le marché de l’automobile reprend. En 2011, on ne comprend pas, on bosse comme des cons et ils embauchent encore des intérimaires, on est à flux tendu. Et c’est là que l’on commence à se dire qu’il n’y a aucune raison pour que l’on parte. L’usine ne doit pas fermer.

 

- Et c’est là que vous décidez de vous battre pour le maintien du site ?

 


- Au milieu de l’année 2011, l’AG des syndiqués CGT change d’orientation et on décide de dire non à la fermeture et de revendiquer l’embauche de tous les intérimaires. Mais la situation a quand même évoluée. La fermeture est régulièrement reportée (aujourd’hui annoncée en juin 2012), on est endoloris par l’attente. Le patron et l’UD CFDT décident de saborder la CFDT de l’usine. La centaine de salariés partis faire des formations reviennent, car ils ne trouvent pas de boulots, etc.

 

- On entend de plus en plus ressurgir le « produisons en France », vous en pensez quoi ?

 


- Les élus que nous rencontrons mettent en avant ce genre d’argument et nous allons dans le même sens, mais c’est juste tactique. Quand la direction a décidé la fermeture du site, elle prétextait une relocalisation aux États-Unis. Alors que c’était juste parce que leurs machines était plus neuves et du coup l’usine américaine était plus rentable et faisait plus de profits.

 

- Et dans la CGT, comment ça se passe ?

 


- On n’est pas vraiment dans la ligne de la CGT, mais avec la fermeture du site on a moins le temps de le porter. Nous on est pour un syndicalisme de lutte ; la lutte de classe c’est pas un gros mot chez nous. Mais certaines structures sont restées à nos côtés et nous ont toujours apporté un soutien sans faille comme la Fédération de la Métallurgie et l’Union des Syndicats des Travailleurs de la Métallurgie.

 

- Qu’est-ce que vous avez prévu pour les mois à venir ?

 


- Déjà en janvier 2012, notre nouvelle orientation a été validée par une consultation d’environ 400 salariés. Ensuite, en ce moment, on communique et on rencontre les élus locaux. On ne veut pas crever dans le silence, mais on ne se fait pas d’illusions sur les élus. Ils se servent de nous et on se sert d’eux. Mais on va continuer à se battre et à se faire entendre.

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