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La preuve par la méthanisation

Partisan N°253 - Février 2012

Démocratie bourgeoise = dictature du Capital

D’abord, qu’est-ce que c’est, la méthanisation ?

C’est la transformation par fermentation des déchets organiques en biogaz et en compost, utilisables le premier comme énergie et le second comme engrais. Un procédé super-écolo qui marche très bien avec de petites installations pour des déchets agricoles et agro-alimentaires, ou des déchets ménagers correctement triés à la source.
Or, voilà le hic... et le lien avec la politique : le SYCTOM, syndicat regroupant 84 communes d’Ile-de-France, dont Paris, veut installer sur Romainville et Bobigny, en plein centre urbain, la plus grande usine de méthanisation d’Europe, pour traiter entre 300 et 400 000 tonnes d’ordures ménagères par an. Une folie !
Une folie parce que les risques d’incendie et d’explosion, reconnus par toutes sortes d’experts, seraient multipliés par la taille de l’installation : 6 digesteurs – les cuves de fermentation – placés côte à côte, à moins de 100 m des premières habitations et entreprises voisines. Un AZF-bis en puissance.
Une folie aussi parce non seulement les ordures ménagères sont aujourd’hui très mal triées, si ce n’est pas triées du tout, et qu’en plus un tel procédé, qui prévoit un tri mécano-biologique à l’arrivée à l’usine, va à l’encontre d’un tri à la source par les habitants : pourquoi s’emmerder à trier puisque ça serait à l’arrivée ? Et on va jusqu’à re-mélanger avant traitement des ordures qui avaient été triées bon an mal an. Bonjour la pédagogie environnementale !
Une folie encore parce que le fameux tri mécano-biologique est, bien sûr, incapable de séparer une feuille de salade des produits qui ont été versés dessus dans les poubelles. Et que, par conséquent, on se retrouve avec un résidu chargé en métaux lourds et toutes sortes d’autres saloperies, inutilisable et nocif pour l’agriculture. Un soi-disant « compost » qu’il faut du coup enfouir ; écologiquement tout faux ! Et un biogaz de mauvaise qualité, contenant un méthane très corrosif et de l’hydroxyde de souffre : le gaz mortel et puant des égoutiers... Bonjour l’ambiance en milieu urbain ! Mouches, rats, odeurs pestilentielles, les sites utilisant actuellement cette technologie, comme à Montpellier, sont devenus totalement inhabitables. Et ça à 300 m d’un super-projet d’urbanisation. Aberrant !
Et une folie par-dessus tout parce que le SYCTOM a confié ce projet à URBASER, concurrente espagnole de Véolia – qui n’aurait sans doute pas fait mieux. URBASER, une entreprise aux pratiques plus que louches, sur laquelle planent des bruits de faillite ; prête à conclure des marchés à n’importe quel prix économique et écologique afin de se valoriser en cas de revente...

Et sur le plan politique ?

Les riverains de ce futur monstre, d’une telle bombe puante, ont du mal de comprendre comment des élus, tous bords confondus – il s’agit sur Romainville, Bobigny, Noisy-le-Sec et Pantin, de municipalités PS, PCF et Nouveau Centre – ont pu signer ou même laisser passer un tel projet sans aucune information auprès de la population, hormis deux affichettes dans une impasse privée ou à la mairie, et un article dans le « Pourisien » en guise d’enquête publique.
Ces habitants ne comprennent pas pourquoi, même après avoir été prévenus des graves dangers de ce projet, dont ils disent ne pas avoir connu les risques au départ, les élus s’obstinent à vouloir le maintenir coûte que coûte, en demandant simplement à URBASER de revoir sa copie ; sur le papier s’entend. Parce que la réalité d’une telle installation, elle, n’est pas améliorable : le biogaz issu des ordures, quoi qu’on fasse, ça explose et ça pue !

L’explication ? Il y en a plusieurs.

La première, c’est qu’ils sont bien emmerdés, c’est le cas de le dire, avec les volumes toujours croissants de déchets qu’engendre une société fondée sur le profit maximum et la production aveugle qu’il implique, en même temps que la déresponsabilisation d’une population traitée comme exclusivement consommatrice et jamais actrice. Du coup, ils sont prêts à employer n’importe quels moyens pour résoudre ce problème, chez les autres de préférence ; c’est particulièrement le cas pour la mairie de Paris.
La seconde, c’est que ce traitement à n’importe quel prix représente un coût énorme pour la population, mais un profit tout aussi énorme pour les entreprises qui emportent les marchés ; peu importent les moyens. URBASER, entre autres, est réputée remporter des contrats en proposant des devis au rabais, mais d’y ajouter ensuite des avenants qui finissent par coûter la peau des fesses. Et devinez qui paie l’addition ?
La troisième, et c’est là que nous voulions en venir, c’est la façon dont sont prises de telles décisions ; ou comment des instances soi-disant démocratiques se transforment par le fait de la bureaucratisation des élus, et de l’opacité totale de ce genre de tractations, en véritables diktats d’un pouvoir totalement dilué qui s’impose aux citoyens contre leurs intérêts et contre leur volonté. Au service de qui ?
L’incapacité de nos prétendus « décideurs », et leur vulnérabilité aux « petits arrangements » - peut-être en l’occurrence de gros arrangements – les mettent à la merci d’une bande de technocrates au service des grands groupes industriels, et au bout du compte financiers, qui exercent ainsi une dictature anonyme, molle, informe, mais qui n’en brise pas moins nos santés et nos vies que les formes plus dures et plus ouvertes.
Il faudrait que les travailleurs puissent assister à une réunion du SYCTOM, qui se tient une fois par trimestre à la mairie de Paris, pour voir avec quelle incompétence, mais en même temps avec quelle arrogance et quel mépris, se prennent contre les décisions qui les concernent.
Certains auront du mal à nommer cela « dictature du Capital ». Ce qui est certain pourtant, c’est qu’on est bien dans une fausse « démocratie ».

 

Un militant VP

Un collectif de riverains, ARIVEM, qui a un site internet, s’est constitué pour lutter contre ce projet, sur des bases correctes. Il ne s’oppose pas par principe à la méthanisation mais aux conditions dans lesquelles elle serait ici mise en œuvre. Il ne demande pas que ce soit fait « chez les autres », mais exige que ce soit fait « autrement ». Il met l’accent sur la réduction des déchets et le tri à le source, qui passe par l’encouragement au civisme et par l’éducation.

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